Comme 11 autres Manitobains, Alix Jean Paul a reçu lors d’une investiture officielle au Palais législatif, l’Ordre du Manitoba. C’est son engagement pour l’éducation, sa présence communautaire et sa lutte contre le racisme qui ont été récompensés.

Par Jonathan SEMAH

Originaire d’Haïti, Alix Jean Paul n’aurait jamais imaginé un jour recevoir l’Ordre du Manitoba, plus haute distinction de la province.

« C’est un honneur que la Province ait accepté ma nomination après les recommandations de mes pairs et collègues. Ça me fait chaud au cœur de faire partie des récipiendaires. Je n’y aurais jamais pensé. Mon travail et ma mission me font œuvrer pour le bien-être des gens avant le mien surtout dans le domaine de l’éducation des plus jeunes, mais aussi des parents. »

Outre cette reconnaissance, Alix Jean Paul n’oublie pas l’objectif d’une vie : l’éducation. 25 ans de carrière en enseignement à Winnipeg, où il a obtenu un baccalauréat en éducation et un en art, lui ont donné une importante expérience dans le sujet.

« En arrivant, j’ai eu la chance d’être rapidement reconnu en tant qu’enseignant grâce à mon diplôme d’éducation en Haïti qui a été aussi reconnu au Manitoba. Je me suis ensuite fondu dans la société canadienne pour m’habituer au système scolaire en passant notamment par ce qui était encore appelé à l’époque le Collège universitaire de Saint-Boniface. Puis, des directeurs d’école m’ont fait confiance et m’ont donné la chance de faire mon travail. »

Impliqué dès le début dans l’éducation à Winnipeg, Alix Jean Paul était déjà investi dans ce domaine quand il était en Haïti. Il a l’éducation à cœur et c’est même selon lui, l’engagement de sa vie. « Je pense que je suis né pour être éducateur. Très jeune, en Haïti, j’organisais déjà des activités de quartier pour encourager les jeunes à contribuer d’une façon positive à leur communauté. La contribution communautaire, c’est fondamental. Donc, très jeune, je me suis rendu compte que c’était mieux de donner plutôt que recevoir. »

| Un rôle de médiateur

Sujet parallèle à l’éducation, Alix Jean Paul a longtemps lutté et se bat encore contre toutes formes de racisme et de discrimination. Pour lui, les réponses à ces problématiques se trouvent toujours dans le dialogue, l’intégration et la valeur humaine. Pour que ça marche, Alix Jean Paul rappelle l’importance fondamentale d’associer parents et école dans un même dialogue.

«Il y a une tendance à accuser le racisme, car l’enfant ne réussit pas. Mon rôle, s’il y a un incident, c’est de dire aux parents d’appeler ou d’aller voir l’enseignant en question pour en parler. Le dialogue est la partie la plus difficile. En général, 95 % du temps, les enseignants sont des gens extraordinaires. Ils veulent le succès des enfants.

« Mais il y a parfois des conditions socio-économiques qui empêchent un dialogue sincère entre la maison et l’école. Faisant donc partie du système, je suis intervenu pour permettre aux parents de comprendre la nécessité de s’impliquer dans l’éducation de leurs enfants. C’est une contribution que j’ai essayé d’apporter durant toutes mes années en éducation. »

Malgré toute la bonne volonté d’Alix Jean Paul, l’éducateur le sait bien, beaucoup de travail est encore à faire. Dans le milieu de travail ou dans le milieu scolaire, encore aujourd’hui, des incidents discriminatoires sont régulièrement rapportés. La prise de conscience s’en vient même si elle prend encore du temps.

« L’ethnocentrisme tend à avoir une influence très négative en ce qui concerne les relations humaines. Les parents, les étudiants et les enseignants arrivent avec ce qu’on appelle des attitudes stéréotypiques. Un mot peut être mal interprété et la tendance, c’est d’accuser de racisme. L’enseignant peut avoir peur de ça. Ces attitudes compliquent les relations humaines.

« Les mots ont leur valeur et notamment d’un point de vue interculturel. Les mots ont beaucoup de pouvoir, d’où la nécessité pour les enseignants d’avoir une conscience du vocabulaire employé. C’est donc très important d’avoir un environnement inclusif. Il ne faut jamais oublier qu’on parle d’humain, il faut donc toujours rester vigilant. »

Pour faciliter les relations entre les superviseurs et les employés, les enseignants et les élèves, et s’assurer que les humains soient bien traités, Alix Jean Paul, désormais à la retraite, donnait donc des ateliers dans lesquels il confrontait ces personnes et cherchait des réponses avec le dialogue. Il occupait un rôle de médiateur déterminant.

« J’aidais aussi les immigrants à s’intégrer dans la société, car j’étais bien au courant des problèmes auxquels ils étaient confrontés, notamment dans la recherche d’emploi. Puis, j’aidais aussi leurs enfants à se faire une place à l’école. Aujourd’hui, j’aide encore les nouveaux arrivants francophones ou anglophones. Je soutiens aussi deux écoles en Haïti et une en République dominicaine. L’éducation reste donc quelque chose que je valoriserai toujours. »