FRANCOPRESSE – La première semaine de Pierre Poilievre à la barre du Parti conservateur du Canada a été pour le moins mouvementée : défi lancé à Justin Trudeau, contrattaques du premier ministre et départ d’un député du caucus conservateur. Dans un tel contexte, quelles sont les attentes des organisations francophones à l’égard du chef nouvellement élu?

Inès Lombardo – Francopresse

Parmi la dizaine d’organisations francophones du pays contactées par Francopresse, seules deux ont souhaité s’exprimer sur leur future collaboration avec Pierre Poilievre.

La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), par la voix de sa présidente Liane Roy, a assuré que : « C’était encourageant d’entendre le discours [de Pierre Poilievre] sur la langue française. Il a fait un clin d’œil à ses origines francophones et au fait que ses enfants fréquentent des garderies francophones. »

« Donner la chance au coureur »

Liane Roy souhaite le rencontrer « le plus rapidement possible» pour savoir «quels genres d’engagements » le nouveau chef prendra à propos des langues officielles et de l’immigration francophone. Elle va s’assurer que « M. Poilievre connait les enjeux des francophones en situation minoritaire. […] Il faut donner la chance au coureur ».

Au cours de l’entrevue, la présidente de la FCFA a précisé que les députés conservateurs Alain Rayes et Joël Godin « connaissent nos demandes ». Peu de temps après, Alain Rayes a toutefois démissionné du Parti conservateur du Canada, ne s’identifiant plus à la formation politique depuis l’élection de Pierre Poilievre.

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Départ du député québécois Alain Rayes

Le premier discours du nouveau chef devant son caucus, le 12 septembre, s’est voulu rassembleur : « Peu importe pour qui vous avez voté dans la course à la chefferie, nous faisons tous partie de la grande famille conservatrice. »

Pourtant, le lendemain, le député conservateur de Richmond–Arthabaska, Alain Rayes, a claqué la porte du parti pour siéger comme indépendant. Il est à noter que l’élu avait appuyé la candidature de Jean Charest, principal rival de Pierre Poilievre, dans la course à la chefferie du Parti conservateur du Canada.

Alain Rayes a dénoncé des « discours toxiques, irrespectueux, haineux, même menaçants à certains moments. Je ne me retrouve plus dans ma propre formation politique », a-t-il avoué au moment de quitter le parti.

« M. Rayes a décidé de ne pas combattre l’inflation de Justin Trudeau, a déclaré Pierre Poilievre le lendemain en point de presse. Les citoyens du comté d’Alain Rayes sont d’accord [pour combattre l’inflation]. Ils ont voté pour moi dans la course à la chefferie. Je pense que tous les conservateurs qui restent sont du même avis », a-t-il proclamé.
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La Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB) est sensiblement du même avis que la FCFA. Sa vice-présidente, Marie-Nicole Dubois, souligne que, si elle n’a pas entendu la position officielle de Pierre Poilievre sur les langues officielles du pays, elle « ose espérer qu’il est sensibilisé à nos défis et qu’il comprend la plus-value du fait français au Canada ».

« On revient de loin comparé à [l’époque Harper], ajoute-t-elle. On dirait que les conservateurs considèrent les langues officielles comme secondaires. C’est mis sur la glace à la première occasion. »

La FFCB attend des conservateurs qu’ils « reprennent la place dans les discussions non partisanes au sujet de la du projet de C-13 [sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles], qu’on aimerait voir adopter avec Noël ».

L’organisation britannocolombienne souhaite aussi que le Parti conservateur accepte des amendements au projet de loi C-13, notamment l’ajout « d’un pendant en français dans les ententes entre le fédéral et les provinces », et qu’il reconnaisse l’importance d’avoir une entité gouvernementale responsable des langues officielles.

« Nous souhaitons aussi que l’équipe nationale nommée par Pierre Poilievre soit davantage présente au niveau des langues officielles », ajoute Marie-Nicole Dubois.

Pierre Poilievre n’a pas abordé les attentes exprimées par la FCFA et la FFCB, ni pendant la course à la direction, ni depuis son élection.

Le cout de la vie en étendard

Le nouveau chef s’est plutôt attardé aux difficultés économiques des Canadiens, que ce soit du point de vue du logement, des taxes ou de l’augmentation de la facture dépicerie.

« Je vous lance un défi, M. Trudeau. Si vous comprenez véritablement la souffrance des Canadiens […], engagez-vous aujourd’hui pour éviter l’augmentation des taxes ou impôts pour les travailleurs et les ainés », a lancé Pierre Poilievre à Justin Trudeau en point de presse.

En retour « au premier ministre et à sa coalition radicale woke [en référence à l’alliance entre le NPD et les libéraux, NDLR] », Pierre Poilievre s’est engagé à collaborer avec tous les partis pour faire avancer l’intérêt des Canadiens. « Mais nous ne ferons pas de compromis sur l’augmentation des taxes », a-t-il nuancé.

À une semaine de la reprise des travaux parlementaires pour l’automne, il a également proposé que le gouvernement trouve un dollar d’économie pour un dollar dépensé. « Le peuple est le maitre et le gouvernement est le serviteur », a-t-il conclu sous les applaudissements de son caucus.

Depuis la retraite de son caucus à Saint Andrews au Nouveau-Brunswick, Justin Trudeau a voulu démontrer que son gouvernement aussi tenait compte de la souffrance économique des Canadiens,

Il a en effet annoncé que son gouvernement entendait prendre trois grandes mesures pour pallier l’augmentation du cout de la vie : doubler le crédit pour la taxe sur les produits et services durant six mois, instaurer une prestation dentaire pour certains enfants de moins de 12 ans, et offrir un supplément unique de 500 $ aux locataires qui peinent à payer leur loyer.

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L’équipe « dirigeante contre l’inflation » nommée par Pierre Poilievre

Pierre Poilievre a formé une équipe pour contrer l’inflation qu’il dénonce depuis le début de sa campagne. Elle compte neuf membres, soit deux femmes, deux personnes issues de la communauté 2ELGBTQIA+, une personne d’Asie du Sud et quatre francophones.

Melissa Lantsman, députée ontarienne parfaitement bilingue, et Tim Uppal, député albertain, sont les nouveaux chefs adjoints du Parti conservateur du Canada. L’ex-chef de la formation conservatrice Andrew Scheer agira comme leadeur à la Chambre.