FRANCOPRESSE – Les données linguistiques du Recensement de 2021 de Statistique Canada ont montré que le français poursuit son déclin au Canada. Les chiffres sont inquiétants, mais pas surprenants en soi. Si l’on souhaite réellement inverser la tendance, il faut prendre des mesures à la hauteur de nos ambitions en immigration, mais pas seulement dans ce domaine.
Guillaume Deschênes-Thériault – Chroniqueur, Francopresse
Le poids démographique des francophones à l’extérieur du Québec est passé de 6,3 % en 1971 à 3,8 % en 2021. Ces proportions comprennent l’ensemble des personnes qui ont le français comme première langue officielle parlée, y compris celles qui ont à la fois le français et l’anglais.
Il est loin le temps où le taux de natalité suffisait à assurer le maintien du poids démographique des francophones. L’immigration est aujourd’hui le principal moteur de la croissance démographique de la population canadienne dans son ensemble.
Selon toute vraisemblance, il s’agit d’une tendance appelée à s’accroitre dans les prochaines décennies. En 2021, le Canada a admis le plus grand nombre annuel de résidents permanents de son histoire, et il est prévu que les admissions soient maintenues à un seuil historique dans un avenir prévisible.
Une cible non atteinte et insuffisamment ambitieuse
En même temps, les taux d’immigration francophones à l’extérieur du Québec stagnent, et la cible de 4,4 % en la matière, adoptée en 2003, n’a encore jamais été atteinte.
Des recherches récentes soulignent d’ailleurs qu’il faudrait fixer et atteindre une cible considérablement plus ambitieuse pour stopper le déclin démographique de la francophonie canadienne.
Le Commissariat aux langues officielles a montré que, même si la cible actuelle de 4,4 % avait été atteinte dès 2008, le poids démographique de la population francophone à l’extérieur du Québec n’aurait pu être maintenu et encore moins accru.
Pour un maintien, il faudrait au minimum atteindre rapidement une proportion annuelle d’immigration francophone de 8 % selon de récentes projections et, pour reprendre le chemin de la croissance, il faudrait une cible encore plus ambitieuse.
Se doter des moyens de nos ambitions
Il ne suffit toutefois pas de souligner l’importance de l’immigration et de se doter d’objectifs ambitieux, mais aussi de repenser les outils de sélection pour qu’ils correspondent davantage aux besoins des communautés francophones.
À titre d’exemple, il serait possible de créer un volet spécifique pour l’immigration francophone dans le cadre d’Entrée express, le système fédéral de gestion des demandes de résidence permanente présentées par des travailleurs qualifiés. De cette façon, un quota annuel de places réservées à des candidatures francophones pourrait être inclus à même le Plan des niveaux d’immigration du gouvernement fédéral.
Il importe aussi de se pencher aussi sur le rôle des provinces. Entre 2017 et 2021, le cinquième des résidents permanents admis à l’extérieur du Québec sont passés par le Programme des candidats des provinces et des territoires.
Or, durant cette même période, moins de 1 résident permanent sur 100 admis dans le cadre des Programmes des candidats à l’Île-du-Prince-Édouard, en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie-Britannique était francophone.
Le gouvernement fédéral pourrait offrir des incitatifs aux provinces qui mettent en place des mesures pour réellement accroitre l’immigration francophone, tel un nombre de certificats de désignation additionnels.
En parallèle, il faut également poursuivre les efforts de consolidation du parcours d’intégration francophone afin de veiller à ce que les personnes immigrantes puissent recevoir des services d’établissement de qualité en français, d’un bout à l’autre du pays.
Une somme de 36,6 millions $ en nouveau financement avait d’ailleurs été consacrée au parcours d’intégration francophone dans le plan d’action pour les langues officielles de 2018-2023. Reste à voir ce qui viendra dans le prochain plan attendu au printemps.
Plusieurs autres secteurs à ne pas négliger
Certes, il n’est pas possible de parler de démographie en contexte canadien sans se pencher sur l’incidence de premier plan de l’immigration.
Toutefois, il ne faudrait pas négliger non plus l’impact des transferts linguistiques vers l’anglais sur le français au Canada.
Cet enjeu rappelle qu’il est important d’avoir des espaces de vie en français dynamiques et d’appuyer les secteurs-clés à la vitalité des communautés francophones.
La vitalité du français en contexte minoritaire passe aussi par un renforcement du continuum en éducation francophone – de la petite enfance au postsecondaire –, par des occasions d’emploi en français ou d’emploi bilingue, par le rayonnement de la francophonie grâce aux arts et à la culture, et par la possibilité de recevoir des soins de santé de qualité en français, pour ne donner que quelques exemples.
Le prochain Plan d’action sur les langues officielles sera ainsi une occasion pour le gouvernement fédéral d’attester de son sérieux à l’égard du principe d’égalité réelle entre le français et l’anglais au Canada. Il faudra de nouveaux investissements à la hauteur des défis et des besoins actuels des communautés francophones.