Chronique de – Marie-Élaine DESMARAIS

J’ai la chance d’avoir un frère exceptionnel, Olivier, qui a une trisomie 21. Notre quotidien est chargé d’une exceptionnalité qui m’invite à voir le monde autrement. C’est ce que je souhaite partager.

Olivier est habitué à être en public. Il travaille dans une quincaillerie depuis 15 ans. Il va à la piscine, il sort dans les restaurants, il va voir des concerts, il voyage en avion. Il participe à plusieurs rencontres familiales.

De manière générale, Oli est à l’aise dans la foule. Il y est plutôt passif et se tient à l’écart. Il observe ce qui se passe et écoute les conversations. Fréquemment, on oublie presque qu’il est là.

Il est discret et solitaire. Mais, lorsqu’une activité intéressante à ses yeux se présente, il n’hésite pas à participer. Il manifeste alors une forme de courage et de confiance qui m’ont toujours impressionnée.

Cet été, lors de mon passage au Québec, nous avons eu un rassemblement familial et amical dans un resto-bar. C’est le genre d’endroit qu’Oli ne fréquente pas souvent, et qu’il trouve parfois trop bruyant et occupé.

Lorsque nous sommes arrivés, Oli, a tout de suite remarqué la scène qui était installée dans le coin du resto-bar. Le micro, la batterie et les guitares qu’on pouvait voir au fond de la scène l’ont impressionné. Il s’est retourné et m’a dit : « C’est décidé! On danse tantôt ». Surprise, je lui ai dit « Ah oui? On va danser ensemble Oli? » Songeur, il m’a dit « On verra ». Hum… je suis toujours sa partenaire de danse.

Ce soir-là, plusieurs de mes amies de longue date étaient présentes. Oli les connaît bien. Mes amies sont toujours si gentilles avec lui. Il les a saluées chacune à leur tour et m’a fait un commentaire sur l’une d’entre elle : « Belle Rosalie ». C’est vrai qu’elle est belle mon amie.

Oli

Le souper s’est déroulé sans musique et sans activité sur la scène. Oli ne semblait pas trop inquiet. Fidèle à lui-même, il observait ses alentours et les gens autour de lui, et la belle Rosalie.

Un peu plus tard en soirée, des hommes sont montés sur scène et ont commencé à chanter et à jouer de la musique latine.
Malgré le rythme endiablé et l’énergie du chanteur, personne ne s’est levé pour danser. Au bout de quelques minutes, Oli s’est levé : « C’est l’heure! » qu’il m’a dit.

Je m’attendais à me faire inviter à danser. Mais, non! Il s’est dirigé à l’autre bout de la pièce et a marché d’un pas déterminé et confiant vers mon amie Rosalie. Il a pris sa main et lui a dit « Viens, on danse ».

Avec toute la confiance du monde, Oli a traîné sa belle Rosalie sur la piste de danse vide devant les regards intrigués de toute la foule.

Après avoir dansé avec Rosalie, c’est vers mon partenaire qu’Oli s’est tourné. Il a dansé avec lui main dans la main, jusqu’au moment où j’ai enfin eu le courage de les rejoindre sur la piste de danse toujours vide.

Dans un monde où sa différence est bien visible, mal comprise et parfois jugée, Oli a dansé comme si personne ne le regardait et comme si la soirée n’était que pour lui. Je l’admire pour ça. Le regard maladroit des autres ne l’empêche pas d’avancer, jamais.