Lui aussi architecte, Guy Préfontaine a bien connu Étienne Gaboury. Ils ont même monté ensemble leur propre cabinet d’architectes, le cabinet Gaboury Préfontaine Perry. Il revient sur l’artiste derrière tant de bâtisses iconiques de Winnipeg et d’ailleurs.
Par Camille HARPER
L’Esplanade Riel, la Cathédrale de Saint-Boniface, l’église du Précieux-Sang, la Monnaie Royale canadienne, le Centre Taché, le 500 Taché… Si Étienne Gaboury s’est éteint le 14 octobre dernier à l’âge de 92 ans, ses nombreuses oeuvres architecturales à travers la capitale et la province manitobaines garderont bien vivante sa mémoire pour de nombreuses décennies encore.
L’architecte Guy Préfontaine se souvient de celui avec qui il avait monté le cabinet d’architectes Gaboury Préfontaine Perry en 1999. « On a été sociétaires de 1999 jusqu’à la retraite d’Étienne en 2005. On a travaillé ensemble sur de nombreux projets, avec notre troisième sociétaire, David Perry, et une équipe de jusqu’à 30 employés. Tous les trois, on avait chacun nos forces.
« Étienne, c’était avant tout un architecte-artiste, un visionnaire, un passionné. Il se voyait très mal dans le rôle de la personne d’affaires, celle qui va à la rencontre du client pour travailler avec lui sur un concept. Mais moi, j’aimais ça, le marketing, l’acquisition des projets, la rencontre avec le client et les premiers dessins. Étienne, lui, préférait faire évoluer les dessins conceptuels en dessins détaillés. Enfin, David Perry s’occupait de la réalisation. »
Étienne Gaboury et Guy Préfontaine partageaient la même admiration pour l’architecte franco-suisse du tournant du 20e siècle, Le Corbusier. « Les dessins d’Étienne étaient fortement inspirés par le style régionaliste de Le Corbusier, qui croyait que le dessin devait être inspiré par l’endroit où il se trouvait, par l’environnement, les habitants, la société locale.
« C’est le principe du Genius Loci, le génie de la place. Le fait que toute oeuvre a seulement place à sa place, et pas ailleurs. Elle n’est pas transposable dans un autre environnement. Étienne et moi, on parlait beaucoup de ça, et de comment exprimer ici à travers l’architecture la culture francophone, le lien avec la France, l’héritage. »
Si Étienne Gaboury, Franco-Manitobain, originaire de Bruxelles au sud-ouest du Manitoba, a surtout oeuvré dans un cadre winnipégois ou franco-manitobain, pour son associé, c’est toutefois son projet de l’Ambassade du Canada au Mexique, terminé à la fin des années 1970, qui reflète le mieux sa personnalité d’architecte.
Guy Préfontaine explique : « Pour moi c’est le plus marquant, car Étienne a été vraiment capable d’étudier la société locale, la culture des mayas, des incas, leurs façons de faire, leurs matériaux, pour s’en inspirer. Il n’a pas juste créé une oeuvre qu’il aurait pu faire à Saint-Boniface. Ça a été un triomphe de dessin, le Genius Loci par excellence. D’ailleurs, après ça, tous les autres bâtiments de l’Ambassade ont repris le style d’Étienne! »
Il souligne par ailleurs que pour ce projet à Mexico, Étienne Gaboury était impliqué à toutes les étapes, de la conception initiale à la réalisation finale.
« Pour les connaisseurs en architecture, Étienne Gaboury est célèbre à travers le Canada, affirme son ancien associé. Il aura toujours sa place dans l’histoire canadienne de l’architecture. »