Fin septembre, Bathélémy Bolivar a publié aux Éditions Milot son cinquième livre intitulé Manifesto. L’auteur franco-manitobain a voulu proposer un ouvrage différent, qui rappelle les droits et les libertés, tout en ayant par moment l’aspect d’un programme politique.
Par Jonathan SEMAH
Manifesto a connu différentes versions avant d’arriver à celle délivrée au public. L’auteur et enseignant franco-manitobain travaille sur cet ouvrage depuis 2006. Il explique les différentes étapes qui ont mené à cette publication. « C’est un livre qui a muri, je l’ai rédigé il y a longtemps en revenant souvent dessus. Il est différent de mes autres livres de poésie. Manifesto n’est pas juste une pièce de littérature, c’est une pièce philosophique, c’est une vision du monde. Et ça prend du temps pour que ça se forme. »
Le récipiendaire du Prix Rue- Deschambault en 2006 souhaite que les lecteurs se sentent changer après la lecture de son livre. Il espère que Manifesto ne laisse pas indifférent. « Il y a une pensée transformatrice qui doit influencer. Personne ne devrait lire ce manifeste sans en sortir avec une certaine transformation. »
Pour écrire ce texte, le poète s’est basé sur ses recherches, ses observations, ses conversations, ses rencontres avec ses élèves et ses expériences. « Tout cela a nourri mon écriture », ajoute Bathélémy Bolivar.
Installé au Manitoba depuis 2002, Bathélémy Bolivar a souvent publié ses livres aux Éditions du Blé. Mais pour Manifesto, il a choisi une maison d’édition française. Il explique ce choix. « Ce milieu n’était pas prêt pour ce genre de texte. L’édition française était prête à aller de l’avant, d’où cette décision.
« Les maisons d’édition ont des lignes éditoriales. Parfois avec des oeuvres originales, elles sont en marge. Mon oeuvre ne suit pas le mainstream et Manifesto n’est pas un texte conventionnel. Je l’ai tout de même proposé à des maisons d’édition canadiennes, mais il ne rentrait pas dans ce qu’elles recherchaient. »
| Un texte politique
Divisé en 11 chapitres, Manifesto commence avec une introduction utilisant l’anaphore comme figure de style. « J’ai droit… » est répété plusieurs fois en début de phrase pendant plusieurs pages. Bathélemy Bolivar commente cette introduction. « Manifesto, c’est d’abord un texte d’affirmation. Il est fait pour les opprimés, les plus vulnérables et les sans-voix. Ce livre redonne une voix à ceux qui n’en ont pas ou plus. D’ailleurs, certains lisent le texte à haute voix. C’est aussi pour cette raison que le texte a été mis en forme comme une pièce de théâtre. Donc cette longue introduction avec J’ai droit est une manière de redonner aux opprimés de ce monde leur droit d’être, de s’imposer et dire : Je suis, j’existe. »
Justice sociale, religion, éducation, culture ou encore environnement sont autant de sujets abordés tout au long de la centaine de pages que composent Manifesto. Bathélemy Bolivar aborde aussi la question des libertés individuelles qui, selon lui, se réduisent avec le temps. « On nous dit qu’on veut protéger la collectivité, mais cette collectivité n’existe même pas. La collectivité est un idéal, nous n’agissons pas comme une communauté, car il y a encore trop de disparités qu’elles soient sociales, professionnelles ou économiques.
« Il y a une minorité dans le monde qui bride les gens, ce qui entraîne deux choses : vous ne pouvez pas dire ce que vous pensez et vous dites ce que les autres ont envie d’entendre. Donc on brime systématiquement le droit à la parole et même le droit à la pensée. On doit devenir des êtres autodéterminés, être Homme, c’est être libre, d’abord. »
Dans cette optique Bathélémy Bolivar a tout prévu dans le chapitre 11, une sorte de chapitre bonus dans lequel les lecteurs pourront continuer à écrire ce manifeste directement dans le livre. « C’est un texte ouvert, je tends le stylo aux lecteurs pour ajouter des choses. »
Manifesto a donc évidemment un caractère poli-tique. À plusieurs reprises, le doctorant en philosophie semble écrire un texte aux allures de programme politique. Alors, est-ce que Bathélémy Bolivar aurait des ambitions dans ce domaine? « Je ne dis pas non. S’il faut que j’entame certains changements, je ne dois pas rester dans les textes. Il faut que ça aboutisse quelque part. Et pour cela, il faut avoir une pensée derrière.
« Il faut avoir une mobilisation autour de cette pensée et ces idéaux. Il faut les concrétiser et c’est ce qu’on n’a jamais eu. Quand vous regardez les textes de loi et comment les gens vivent réellement, il y a quelque chose qui ne colle pas. Mais on s’est donné de bons textes et de bons programmes pour avoir une bonne conscience. »