Par Mathiew LEISER, avec Nicolas BLASQUEZ à Lille – © Agence France-Presse

 

Dans son ancien collège de la capitale canadienne, tout le monde connaît déjà “celui qui a réussi à partir jouer en Europe”.

“Jonathan est là si vous voulez lui parler”, lance avec humour Joé Fournier, qui l’a encadré pendant ses études, en désignant une pancarte à taille humaine de l’attaquant canadien exposée derrière l’accueil.

Sous le grand dôme chauffé qui abrite le terrain d’entraînement, Jonathan David est partout: sur les murs avec un de ses maillots de sélection, dans le cabanon de matériel avec l’équipe canadienne et sur les lèvres de tous les élèves.

“C’est inspirant de savoir qu’il a joué ici”, confie le jeune Nathan Aquilina, 15 ans. “Ça donne de l’espoir”.

Né à Brooklyn de parents haïtiens, le jeune Jonathan a passé ses premières années à Haïti.

“Je me souviens de la maison et d’avoir commencé à jouer au foot là-bas”, raconte à l’AFP le joueur qui n’a que très peu de souvenirs de cette période. “J’avais des amis à côté de chez moi et on jouait toujours ensemble, dans le jardin ou dans la rue.”

“C’était le plus petit, c’était drôle à regarder”, se remémore sa sœur aînée, Chrissy, en riant.

Quelques années après avoir déménagé à Ottawa, Jonathan était aussi plus jeune que ses coéquipiers lorsqu’il a intégré le Sport-études football de Louis-Riel.

“Mais ça ne l’a jamais dérangé”, souligne Joé Fournier.

De nature plutôt timide, c’est sur le terrain que “Johnny”, comme on le surnomme ici, a “révélé sa véritable personnalité”, confie le directeur du programme.

“Il voulait toujours avoir le ballon, toujours jouer au foot à l’heure du repas”, se rappelle-t-il, le sourire aux lèvres. “Je devais le pousser pour qu’il retourne en classe.”

“Devenir footballeur c’était mon objectif”, se souvient celui qui est désormais convoité par les plus grands clubs européens, ajoutant que c’est durant ses premières années en équipe nationale qu’il a réalisé que “c’était possible”.

– Rêve d’Europe –

Ce n’est pas aux hivers canadiens rigoureux, que Jonathan David doit son surnom d'”Iceman”, mais à son caractère “humble et compétitif”, souligne son coach de toujours Hanny El-Magraby.

Entourés de jeunes du quartier qu’il continue de former, le mentor de Jonathan David se rappelle d’un joueur “très à l’aise avec le ballon et calme”, qui “avait le football dans le cœur”.

Pendant des années, de clubs en clubs, ce dernier l’a emmené aux entraînements quand ses parents ne pouvaient pas. Ensemble, ils partageaient la même passion pour le sport et ce rêve d’Europe qui était “l’objectif final”, raconte avec humilité celui à qui Jonathan David dit tout devoir.

C’est notamment sur ses conseils que le Canadien a refusé plusieurs offres de clubs nationaux alors qu’il était encore un jeune joueur, sans académie professionnelle.

“Montréal, Toronto et surtout Vancouver étaient intéressés”, se rappelle son agent Nick Mavromaras. Mais l’ambition de David restait l’Europe.

Malgré deux essais infructueux à Salzbourg et Stuttgart, il a “gardé confiance en lui”, ajoute l’agent qui voit du positif dans ces années semi-professionnelles au Canada.

“Dès 16 ans, il jouait aux côtés d’hommes de 25 ans qui lui ont permis de développer son jeu physique”, explique celui qui le suit depuis son adolescence.

– “Un espoir pour tous” –

La maison où le numéro 9 du Losc a grandi se trouve à une quinzaine de minutes en voiture des grands dômes où il avait l’habitude de s’entraîner.

C’est dans un quartier résidentiel de banlieue que Jonathan passait le plus clair de son temps libre avec son ami d’enfance, Benaiah Tesfaye.

“On avait l’habitude de faire du vélo sur ce chemin”, avant d’aller “nager, faire du basket ou jouer au tennis”, raconte Benaiah Tesfaye, 22 ans.

“Lorsqu’on ne le connaît pas, il passe pour quelqu’un de très intimidant”, renchérit son ami. “Mais c’est une personne pétillante qui aime rire, qui aime s’amuser.”

Quand il est de passage à Ottawa, l’international canadien en profite pour aller donner un coup de main à l’académie de football de son ancien entraîneur où les jeunes du quartier l’attendent chaque année.

“Il représente un espoir pour tous les jeunes Canadiens qui jouent au football”, souligne Hanny El-Magraby. “Mais il n’est un espoir pour eux que s’ils comprennent ce qui a permis à Jonathan David de réussir, à savoir sa mentalité, son humilité et son tempérament.”

“Réussir c’est un tout: il y a le talent, le travail et aussi la chance”, renchérit le jeune joueur canadien qui garde aussi en tête que “la notion de plaisir est super importante”.

“Même si c’est notre métier, il ne faut pas oublier pourquoi on a commencé à jouer: parce que c’était une passion”, affirme celui qui a commencé dans les rues d’Haïti pour finir au Qatar où il portera avec “grande fierté” les couleurs de son pays d’adoption.

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