Le jour du Souvenir est une occasion pour réfléchir à l’état des choses dans le monde. À la paix que certains connaissent, et d’autres non. Arthur Schafer, de l’Université du Manitoba, invite notamment à une réflexion sur l’arme nucléaire.
Par Raphaël BOUTROY
L’origine de la célébration du Jour du Souvenir est la journée de l’armistice. Le 11 novembre 1918 a marqué la fin de la Première Guerre mondiale. Déjà à l’époque, cette guerre était incomparable à cause des atrocités qui l’avaient accompagnée. Cependant, comme l’indique Arthur Schafer, directeur fondateur du Centre d’éthique professionnelle et appliquée à l’Université du Manitoba, « les grandes puissances sont entrées dans cette guerre telles des somnambules ».
Ce conflit a été accéléré par un système d’alliances et d’ententes qui ont contraint les signataires à entrer dans le combat. « À l’époque, l’Europe était sur le point d’exploser, il y avait beaucoup de tensions et une mauvaise communication. Avec la toile d’alliances et d’ententes, si n’importe qui attaquait autrui, tout le continent y passait. Il n’y avait pas là un choix d’entrer en guerre ou non, il était question de quand. »
Aujourd’hui, les pays du monde sont conscients des erreurs du passé, mais ils se trouvent à nouveau dans une situation difficile. « Avec le conflit en Ukraine, l’agression russe et les actions de la Chine contre Taiwan, il est possible de concevoir un autre conflit important. »
Arthur Schafer a grandi en pleine guerre froide. Les évènements entre la Russie et l’Ukraine, et même entre la Chine et Taiwan, le marquent et lui remettent en tête des souvenirs. « Je me souviens de la crise des missiles de Cuba (1), le monde était sur le point d’exploser. J’ai connu le danger de la bombe atomique, c’est un danger qu’on a un peu oublié avec la chute de l’Union soviétique. Aujourd’hui, le danger refait surface. »
Un autre aspect que soulève Arthur Schafer est la manière dont la guerre se fait. Auparavant, les civils ne craignaient pas d’être pris comme cible lors d’un conflit : « Pendant longtemps, la guerre s’est opérée entre des groupes opposants de soldats. Au fil du temps, les civils ont commencé à se retrouver sur le front des conflits, notamment avec le bombardement de villes lors de la Seconde Guerre mondiale.
« Les bombes atomiques qui ont été larguées sur Hiroshima et Nagazaki en 1945 furent un moment décisif : les forces armées s’attaquaient maintenant directement à la population. Avec l’arme nucléaire, ce ne sont plus que les soldats sur le front qui sont menacés. Le danger est présent aussi pour les populations », poursuit-il.
S’il est question de braquer le projecteur sur le 11 novembre 2022, Arthur Schafer propose quelques points de réflexion : « Je ne saurais pas dire comment tout le monde se sent, mais moi je sais que je ressens le danger d’un conflit et je remarque des tensions entre de grandes puissances internationales. Ce n’est pas pour être fataliste, c’est pour donner un cadre de réflexion sur des évènements d’actualité lors du Jour du Souvenir. »
Le Jour du Souvenir, marque la fin d’une guerre. Au Canada, cette journée a pris plus d’ampleur, servant de journée pour commémorer les Canadiens et Canadiennes qui se sont battus et se battent encore pour obtenir ou maintenir la paix dans le monde.
Arthur Schafer veut reconnaître la menace nucléaire et assure qu’il faut être conscient de ce qui a mené à de grands conflits dans le passé, afin d’éviter que l’histoire ne se répète. « Alfred Nobel a fondé le prix Nobel, mais il a aussi inventé la dynamite. Il a dit que la dynamite amènerait plus rapidement la paix que mille conventions des pays du monde. Que dès que les hommes trouveraient qu’en un instant, des armées entières pourraient être entièrement détruites, ils vivraient dans la paix la plus totale. Il avait tort quand il a dit ceci par rapport à la dynamite. Reste à savoir s’il avait raison pour l’arme nucléaire. »
(1) Lors de la crise des missiles de Cuba, l’Union soviétique avait placé des armes nucléaires sur l’île de Cuba, qui est à seulement 90 miles (145 kms) du territoire des États-Unis. Certains historiens estiment que lors de cette crise, le monde a été plus près de la guerre nucléaire totale qu’à n’importe quel moment dans l’histoire.