Lors de la Seconde Guerre mondiale, Paul Mailhot, un Canadien français de Gravelbourg en Saskatchewan, a combattu en Europe. Son fils, Philippe Mailhot, a reconstitué son parcours en tant que soldat, mais aussi la rencontre opportune de ses parents.
Par Raphaël BOUTROY
À la découverte du passé, Philippe Mailhot a retracé le parcours de son père, Paul, en tant que soldat lors de la Seconde Guerre mondiale. Il partage son histoire et explique comment il s’est renseigné.
Paul Mailhot était un francophone originaire de Gravel bourg en Saskatchewan : « C’était un petit village un peu perdu et un îlot de francophones. Il y en avait peu en Saskatchewan. »
Les souvenirs qu’a Philippe Mailhot de son père le dépeignent comme un homme sérieux qui travaillait fort et qui, une fois lancé dans un projet, n’arrêtait pas avant que le projet soit complété. « Il ne faisait jamais les choses à moitié et il avait un sens du devoir. Je pense que c’est pour ça qu’il s’est engagé dans l’armée.
« Dès 16 ans, il a commencé son entraînement pour devenir soldat. Au début de la guerre, il a rejoint les cadets de l’armée. Une fois qu’il a atteint l’âge de majorité, il s’est engagé comme soldat », poursuit-il.
L’arrivée au Manitoba
Après une période d’entraînement à Regina, Paul Mailhot est transféré à la base Shilo au Manitoba. Il avait de la parenté près du Lac du Bonnet et pendant 48 heures de congé, il est parti leur rendre visite. « Une fois chez sa famille, il a voulu aller en ville. Le voyage allait lui coûter 5 $ en taxi, un prix important pour un soldat qui ne gagnait qu’un dollar par jour. Il décida de marcher jusqu’en ville en passant par la forêt et les champs agricoles. Mal équipé, il n’y arriva pas. À la tombée de la nuit, sa future femme, Félixine Ouimet, l’aperçut mal en point par sa fenêtre et s’occupa de lui toute la fin de semaine. » Cette rencontre opportune donna lieu à une correspondance entre les deux jeunes gens qui a duré jusqu’au retour de Paul Mailhot après la guerre .
Philippe Mailhot n’avait jamais pensé à son père comme à un jeune homme amoureux. La découverte de cette correspondance et de son parcours lui a révélé une nouvelle facette de son père. « Mon père était si souvent sérieux, c’était difficile de l’imaginer jeune et naïf. »
Après son séjour à Shilo et sa rencontre avec Félixine Ouimet, il a été envoyé outre-Atlantique. « Il est arrivé en Angleterre le 1er décembre 1943. Il a passé du temps en entraînement, mais il désirait se lancer dans l’action dès que possible. Une annonce recherchant des soldats bilingues ou d’expression française qui seraient prêts à rejoindre le 22e régiment royal de l’armée canadienne a circulé, et mon père s’est porté volontaire. »
À la recherche d’action
Réputé pour son efficacité au fil de la guerre, le 22e régiment royal était entièrement constitué de soldats d’expression française. Il a d’abord participé à l’invasion de la Sicile en 1943, prolongeant ensuite son implication en envahissant l’Italie continentale, puis en remontant vers le nord pour arriver enfin aux Pays-Bas.
Après son engagement auprès du 22e régiment de l’armée canadienne, Paul Mailhot est donc parti pour la Sicile. « Il est arrivé en février 1944 et est entré dans l’action rapidement. Ici dans mes recherches, je dois suivre son histoire de loin. Je m’appuie surtout sur des livres qui mentionnent la compagnie des soldats; dans le cas de mon père, la Compagnie A. »
Au cours de la campagne en Italie et des campagnes qui ont suivi, Paul Mailhot a gravi les échelons de l’armée : « Il a commencé comme soldat et il a fini sergent. »
À la recherche de plus d’informations, Philippe Mailhot a eu l’occasion de discuter avec un commandant de la Compagnie A, Henri Tellier. Ce dernier, qui ne se souvenait pas de Paul Mailhot plus que d’un autre, lui a affirmé une chose : « Je ne m’en souviens peut-être pas, mais si j’ai fait de lui un sergent, c’est qu’il devait être un maudit bon soldat! »
Après la libération des Pays-Bas en avril et mai 1945, soucieux de terminer ce qu’il venait d’entreprendre, le nouveau sergent s’est porté volontaire pour partir combattre dans la Guerre du Pacifique contre le Japon (1). Cette action lui a accordé un mois de congé au Canada et une période d’entraînement comme officier. Avant même les parades qui ont célébré la fin de la guerre en Europe, Paul Mailhot était reparti pour un autre front.
De retour au Canada, il a été libéré de ses obligations comme soldat en 1946. Le 9 juillet 1947, il s’est marié avec Félixine Ouimet, avec qui il avait continué sa correspondance tout au long de la guerre.
Paul Mailhot parlait peu de son expérience pendant la guerre. « Je savais que mon père avait combattu, je con nais sais un peu son attitude face à la guerre. Je lui ai demandé s’il avait eu peur d’être tué pendant la guerre, il m’a répondu : Au bout d’un moment, on s’habitue au combat. Il y a des gens qui te tirent dessus et tu tires sur eux. Les gens autour de toi se font toucher par des balles. Si c’est eux cette fois, ça veut juste dire que ce n’était pas ton tour, rien de plus. »
Discret à propos de la guerre
À son retour de la guerre, Paul Mailhot n’a pas cherché à montrer qu’il avait été soldat. « Il était membre de la légion, mais il y allait rarement, peut-être parce que ses anciens camarades étaient surtout au Québec. Il parlait aussi des gens qui racontaient des histoires de guerre violentes en disant à leur sujet que ceux qui se vantent d’avoir tué des gens sont ceux qui n’ont pas vu de combat, c’est ceux qui sont silencieux qui en ont vu. On ne veut pas parler des choses qu’on a vues, et je n’ai aucune patience pour ceux qui font semblant. »
Le travail de reconstitution de la vie de Paul Mailhot, orchestrée par son fils historien, s’appuie sur une variété de sources. « Je voulais avoir autant de sources que possible. C’est un projet qui me tient très à coeur. Mais je pense que c’est quelque chose que n’importe qui serait capable de faire. Les ressources sont là, il faut juste vouloir le faire. »
L’objectif de Philippe Mailhot avec cette reconstitution est de préserver l’histoire de son père, afin de s’assurer que les générations futures de sa famille y aient accès. « Ma nièce m’a appelé pendant que je travaillais sur ce projet pour me poser des questions sur mon père. Et j’ai pu lui raconter son histoire. Mon rêve, c’est que l’un de mes descendants fasse un jour un projet au sujet de son arrière-arrière-grand-père qui a combattu pendant la Seconde Guerre mondiale.
« Il faut enregistrer cette histoire pendant qu’elle est encore fraîche pour qu’on puisse la transmettre. »
(1) En avril et mai 1945, la Seconde Guerre mondiale se terminait en Europe et continuait dans le Pacifique. Peu de gens étaient au courant de l’existence de la bombe atomique, la première a été larguée sur Hiroshima le 6 août 1945 et le 9 août 1945 sur Nagazaki, mettant ainsi fin à la Guerre du Pacifique.
Extrait traduit de la première lettre de Paul Mailhot à Félixine Ouimet :
C’est tout ce que j’ai à dire alors je vais mettre fin à cette lettre en te remerciant pour ta gentillesse lors de ma courte visite, et j’espère revenir bientôt… et si je reviens, souviens‐toi que tu as dit qu’on pourrait dîner sous les arbres. J’attends cela avec impatience, haha! Ceci est ma première lettre, si tu l’aimes, donne‐moi une réponse. Si tu décides de le faire, on commencera un petit jeu de correspondance. Ce serait un grand plaisir pour moi.