Depuis le 15 novembre, les étudiants étrangers au Canada n’auront plus à limiter à 20 leur nombre d’heures de travail hors campus. L’objectif est de remédier à la pénurie de main-d’oeuvre. Les étudiants en question accueillent positivement cette nouvelle même si leur scolarité pourrait en souffrir.

Par Jonathan SEMAH

Cette annonce, qui avait été faite début octobre est désormais entrée en vigueur, et ce jusqu’au 31 décembre 2023. 500 000 étudiants étrangers se trouvent déjà au Canada et sont concernés par ce changement. Pour Sean Fraser, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, ce changement répond à des besoins économiques. « En permettant aux étudiants étrangers de travailler davantage pendant leurs études, nous pouvons contribuer à atténuer les besoins pressants dans de nombreux secteurs du pays, tout en permettant aux étudiants étrangers d’acquérir une précieuse expérience de travail au Canada et de contribuer à notre reprise à court terme et à notre prospérité à long terme. »

Pour l’année 2021-2022, l’Université de Saint-Boniface (USB) a admis 1 362 étudiants dont 175 étaient des étudiants internationaux. Michelle Kambire, présidente de l’association étudiante de l’USB (AEUSB), fait partie de ceux-là. Selon elle, cette annonce est une bonne chose et pourra notamment aider à couvrir les frais de scolarité. « Dans la situation actuelle, je trouve que c’est une bonne idée. Je suis étudiante internationale et si je prends exemple sur mon cas, mes frais de scolarité ont augmenté de près de 1 000 $ par rapport au semestre de l’automne 2021 pour le même nombre de cours. Si l’on prend aussi en compte la hausse du coût de la vie avec l’inflation, il est clair que ce sera utile et permettra aux étudiants en question de vivre des fins de mois un peu plus confortables. »

Pour information, pour des étudiants internationaux, l’USB estime qu’il faut compter entre 11 090 $ à 16 190 $ pour s’acquitter des frais de scolarité pour une année d’études de huit mois. Dans cette estimation sont pris en compte les droits de scolarité, les livres et le matériel et l’assurance médicale.

| Une aubaine pour les entreprises francophones?

Au moment de cette annonce, le ministre Sean Fraser voyait aussi une bonne opportunité pour les étudiants internationaux francophones de travailler pour les commerces francophones. « Je n’ai pas de boule de cristal, mais j’espère que les étudiants francophones travailleront pour les entre-prises qui desservent des communautés francophones, tout en développant une expérience de travail », expliquait-il.

À ce sujet, Michelle Kambire ne pense pas que les étudiants internationaux francophones de l’USB se précipiteront absolument sur les métiers en français et déplore aussi un manque de communication dans les offres d’emploi pour les expériences en français. « Selon moi, le critère principal sera la valeur monétaire, peu importe si la job est dans une entreprise francophone ou anglophone. Je ne vois pas les étudiants se diriger en priorité vers les entreprises francophones. On recherche un peu partout et on va surtout prendre ce qu’on peut. D’ailleurs, selon moi, les jobs francophones ne sont pas très souvent mis en avant, il y a un travail de communication à faire de ce côté-là. »

| Un risque pour la scolarité?

Si financièrement cette mesure semble avantageuse pour les étudiants étrangers, quel impact peut-elle avoir sur la scolarité? En effet, sans limites, certains pourraient être tentés de faire trop d’heures et ne peuvent plus pouvoir allier travail et scolarité. « Tout dépend des objectifs que l’étudiant va se fixer. Si l’on a affaire à des étudiants bien conscients de la situation, ça peut bien se passer pour eux. En revanche, pour d’autres, peut-être moins bien organisés, ça peut être plus dur à gérer. »

L’étudiante d’origine ivoirienne rappelle aussi que la plupart des étudiants internationaux sont déjà assez habitués à travailler hors des cours. « Certains même travaillent tous les étés et alternent parfois deux jobs en même temps. Ils ont besoin de cet argent pour aider leurs parents à payer leurs études toute l’année. Ces étudiants-là sont très lucides et connaissent la valeur de l’argent surtout quand ils doivent payer eux-mêmes leurs études. Ils sont responsables. »

Aussi, tout comme le ministre Sean Fraser, Michelle Kambire pense que cette annonce peut permettre aux étudiants intéressés d’avoir une meilleure approche du monde de travail. « Avec cette solution, les étudiants qui se sentent capables de travailler plus de 20 h pourront travailler dans des entreprises qui nécessitent plus de compétences et d’expériences. Ça représentera un réel avantage pour eux. »

Néanmoins, la présidente de l’AEUSB pense que ce changement ne va pas tout régler. Alors que cette mesure se finira à la fin de l’année 2023, Michelle Kambire souhaite qu’elle continue au-delà de cette date. « Je sais que la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants appuie beaucoup cette démarche pour qu’elle soit définitive. Les étudiants internationaux que je connais à l’USB pensent la même chose aussi. Nos études nous coûtent deux à trois fois plus cher que pour les étudiants canadiens, alors ça serait bien que le gouvernement canadien ouvre ce temps de travail de manière permanente. »