Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté (IRCC), Sean Fraser, a annoncé que le Canada a atteint sa cible de 4,4 % d’immigrants d’expression française hors Québec en 2022. Cela représente 16 300 personnes. Une réussite pour les parties prenantes qui s’accompagne tout de même de plusieurs défis pour l’avenir.
C’est plus précisément par la voix de Marie-France Lalonde, secrétaire parlementaire du ministre de l’IRCC, que l’annonce a été faite. C’est avec enthousiasme que la femme politique revient sur ce moment important pour l’histoire de la francophonie hors Québec. « C’est important de noter que c’est une augmentation de 450 % d’immigration francophone à l’extérieur du Québec depuis qu’on est au pouvoir, c’est un engagement concret. Depuis 20 ans on parlait de cette cible. C’est un engagement qu’on peut retrouver dans la lettre du ministre et notre gouvernement l’a fait un an avant. C’est donc avec de l’émotion, mais aussi beaucoup de plaisir qu’on a fait cette annonce. »
Pour rappel, cette cible de 4,4 % avait été établie depuis 2003 et devait être atteinte en 2008, avant d’être finalement plusieurs fois repoussée.
Yves-Gérard Méhou-Loko est le vice-président de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA). L’organisme a régulièrement été critique envers le gouvernement fédéral qui n’arrivait pas à atteindre ses objectifs. « C’est une bonne nouvelle. Mais, pas au point de dire qu’on va renverser la tendance sur le déclin de la francophonie hors Québec. La réalité est que le monde de 2003 et la francophonie canadienne de cette époque n’est plus du tout celle d’aujourd’hui. On a eu un fort déclin de notre poids démographique, ce qui a eu des incidences graves sur nos communautés. »
Daniel Boucher, directeur général de la Société de la francophonie manitobaine (SFM), se veut positif face à cette annonce. « Ça a pris énormément de temps pour y arriver, ça commençait à être difficile. On devenait impatients. Finalement, on a au moins atteint la cible existante et c’est un pas dans la bonne direction. »
Ralentir le déclin
Yves-Gérard Méhou-Loko a évoqué le « déclin de la francophonie hors Québec ». Sur ce point-là, les chiffres les plus récents vont dans ce sens. La proportion que représentent les Canadiens francophones a notamment diminué de 2016 (22,2 %) à 2021 (21,4 %). En ce qui concerne la cible de 4,4 %, elle n’était qu’à 1,95 % en 2021, soit 6 949 personnes.
Marie-France Lalonde se défend et rappelle les actions concrètes à court et long terme qui ont fait basculer les derniers résultats dans le bon sens. « Depuis l’entrée au pouvoir du gouvernement Trudeau en 2015, il y a eu beaucoup de travail fait au niveau des langues officielles, il y a eu le nouveau Plan d’action lancé en 2018 ou encore les tables rondes en 2017 avec les ministres de la francophonie et les ministres de l’Immigration à l’extérieur du Québec pour devenir plus audacieux sur ce sujet. Je pense aussi au lancement des communautés francophones accueillantes.
« Puis, les dernières années, comme le monde entier, on a subi la pandémie. Mais on est resté audacieux à cette période en soutenant notamment les étudiants internationaux pour les aider à rester au Canada. Récemment, nous avons annoncé l’ouverture d’un bureau de l’IRCC à Yaoundé au Cameroun. Et plus récemment encore, on a lancé un nouveau Centre d’innovation en immigration francophone à Dieppe au Nouveau- Brunswick. »
Prise de conscience
Malgré ces initiatives qui vont dans le bon sens, la secrétaire parlementaire sait tout le travail qu’il reste à accomplir. De son côté, Yves- Gérard Méhou-Loko ressent notamment une vraie prise de conscience des élus d’un bout à l’autre du pays.
« On s’attend à ce que les choses puissent avancer de manière conséquente dans les mois à venir. On s’attend à avoir l’oreille attentive, non pas juste du ministre et de la secrétaire parlementaire, mais aussi de l’ensemble des élus à la Chambre des communes à Ottawa. Des alliés à la francophonie, il y en a de part et d’autre du parquet de la Chambre. »
« Si nous avions atteint nos cibles entre 2003 et 2022, il y aurait 80000 francophones de plus dans le pays. On peut penser que la cible est ambitieuse, mais ce chiffre permet de renverser le déclin démographique que nous vivons. »
Yves-Gérard MÉHOU-LOKO
De nouvelles cibles ambitieuses
Daniel Boucher souhaite que le Manitoba agisse comme un leadeur en matière d’immigration francophone. « On a développé depuis plusieurs mois un dialogue avec le ministre Jon Reyes et le sous-ministre Eric Charron. Ça a beaucoup aidé pour ouvrir des portes et s’assurer que la francophonie a sa place dans la stratégie d’immigration au Manitoba. On encourage aussi le dialogue entre le provincial et le fédéral pour mener à bien ces stratégies. Tout le monde y voit une belle occasion pour changer la donne. »
Et changer la donne passe par de nouveaux objectifs à atteindre. La FCFA, par l’intermédiaire d’Yves-Gérard Méhou-Loko, vise 12 % d’immigrants d’expression française hors Québec en 2024 et 20 % en 2036. « Ce chiffre de 12 %, nous ne l’avons pas inventé. Il est le résultat d’études et d’analyses des rapports successifs du Commissaire aux langues officielles. Si nous avions atteint nos cibles entre 2003 et 2022, il y aurait 80 000 francophones de plus dans le pays. On peut penser que la cible est ambitieuse, mais ce chiffre permet de renverser le déclin démographique que nous vivons. »
Du côté du gouvernement fédéral, aucun chiffre n’a été avancé, mais il mentionne le caractère prioritaire de ce sujet. « On a le projet C-13 qui est très important, car on développe une politique en matière d’immigration francophone, on a aussi le Plan d’action qu’on espère dévoiler au printemps. Célébrons donc la victoire du 4,4 % tout en reconnaissant qu’il y a un déclin du français hors et au Québec. On va continuer à travailler pour créer les prochaines cibles, le tout en étant ambitieux, mais réaliste », explique Marie-France Lalonde.
Qualité d’accueil
Enfin, le vice-président de la FCFA, au-delà des chiffres, souligne aussi l’importance de l’inclusion des futurs nouveaux arrivants. « Prenons l’exemple d’une famille béninoise qui vient s’installer à Sainte-Anne. Est-ce que cette famille aura un emploi? Est-ce que les parents auront un emploi en français? Est-ce que cette famille sera intégrée et incluse dans le projet de la communauté de Sainte-Anne?
« Si ce n’est pas le cas avec les parents, ils vont peut-être se retourner vers leurs enfants et les envoyer dans une école de langue anglaise, car c’est plus facile dans ce pays. L’effort doit être donc fait par le fédéral, mais aussi les provinces pour travailler sur la qualité de l’accueil. »
- Marie-France Lalonde: Gracieuseté Marie-France Lalonde.