Le gouvernement fédéral canadien a confié le mandat à cette organisation internationale « pour engager le dialogue avec les communautés autochtones concernant les options relatives à l’identification et au rapatriement des enfants dis-parus ». Les réactions n’ont pas tardé à se faire connaître, notamment du côté du Centre national pour la vérité et la réconciliation (CNVR). Sa directrice générale, Stephanie Scott a fait savoir : « Il y a eu un manque flagrant de transparence et de clarté autour de la décision du Canada de retenir les services de la CIPD. Cette décision est profondément injuste et nuisible aux survivants et aux communautés. Malheureusement, après avoir pris connaissance des modalités de cet accord, cela ne fait que soulever encore plus de questions. » 

La CIPD sera tenue d’organiser une table ronde d’experts, deux assemblées publiques nationales et des séances de mobilisations régionales avant d’établir un rapport final avec ses conclusions et des recommandations au Fédéral. 

Pour le CNVR, il est illogique de faire appel à un organisme international qui n’a aucune expérience de travail avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Raymond Frogner, archiviste en chef de CNVR, détaille. « Je pense que le CNVR considère cette entente au niveau technique. La CIPD a une certaine expérience dans ce genre de recherches. C’est un fait. Ils ont été en Amérique du Sud et en Amérique centrale. Mais, de notre avis, ils man-quent d’expérience en ce qui concerne les Autochtones de l’Amérique du Nord et l’his-toire colonialiste du Canada. Il y a aussi un manque de connaissance des relations entre la société colonialiste et la société autochtone. » 

Incompréhension et surprise 

« C’est donc tout un contexte humain qui leur manque. Nous ne voyons pas ce que cette Commission va pouvoir apporter aux Autochtones du Canada. » 

D’ailleurs, Eugène Arcand, membre du Cercle des survivants de la CNVR a fait une déclaration dans le même sens que le commentaire de Raymond Frogner. « Nous avons besoin d’un processus de guérison, et non de quelque chose qui traumatise davantage les survivants et leurs familles et nos communautés. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi le gouvernement fédéral confie-rait un processus aussi délicat à une agence qui ne dispose pas des compétences culturelles nécessaires. » 

Le gouvernement fédéral de son côté explique que cette décision vient pour répondre aux appels à l’action 72 à 76 du Rapport de la CNVR. Cette partie concerne les enfants disparus et les renseignements sur l’inhumation. 

Raymond Frogner ne partage pas cet avis. « J’étais surpris que le Fédéral choisisse la CIPD. Il y avait eu une présentation. Cependant, c’était une rencontre brève et incomplète. Nous avions compris que c’était une introduction à cet organisme, pas une entrevue. 

« Nous ne comprenons pas pourquoi le Fédéral ne s’est pas tourné vers le CNVR. Nous avons l’expérience, les relations avec les communautés autochtones. Le CNVR est l’organisme reconnu pour son implication dans le travail de vérité et de réconciliation. 

« J’espère que le gouvernement fédéral comprendra que les communautés autochtones ont pu être blessées par cette entente. De notre point de vue, c’est un recul dans nos relations. Le Fédéral devrait consulter les personnes concernées par cet enjeu. » 

Le CNVR a entamé des discussions avec le ministère Relations Couronne- Autochtones pour faire part de leurs préoccupations. « Nous attendons et espérons que le Fédéral soit ouvert à un dialogue. Nous voulons continuer notre travail avec eux, le CNVR est convaincu que le Fédéral a un rôle à jouer dans ce dossier. » 

Coopération 

Dans une déclaration écrite, le gouvernement du Canada a fait savoir que « ces conversations seront précieuses pour fournir un soutien aux communautés confrontées à des décisions très difficiles concernant l’élaboration d’options à prendre en considération – si elles le souhaitent – et pour fournir au gouvernement fédéral des recommandations sur les outils et les soutiens nécessaires pour s’assurer que les communautés obtiennent ce dont elles ont besoin de la part du gouvernement fédéral alors qu’elles entreprennent ces étapes importantes, à leur propre rythme, selon les directives des dirigeants communautaires et des survivants. 

« L’engagement et la coopération entre la CIPD et l’interlocutrice spéciale indépendante pour les enfants disparus, les tombes et les sépultures anonymes en lien avec les pensionnats; le Centre national pour la vérité et la réconciliation; et le Comité consultatif national sont essentiels pour mener à bien ce travail. 

« Des conversations sont en cours avec les partenaires concernés sur les prochaines étapes pour assurer une approche collaborative. » 

Raymond Frogner pointe que du côté des communautés autochtones, le chemin vers la réconciliation ne devrait pas avancer sur l’agenda du gouvernement fédéral. « Plusieurs communautés autochtones découvrent de nouvelles informations tous les jours. Elles sont encore en deuil. Ce sont des blessures profondes. Chacun fait son chemin comme il peut. Tout ce travail va prendre plusieurs années. » 

Murray Sinclair, président de la Commission de vérité et réconciliation n’a pas souhaité faire de commentaire sur cette entente.