C’est l’histoire d’un endroit imaginaire où il n’y a pas de déchirement entre deux lieux. Geneviève Toupin, établie depuis bientôt vingt ans à Montréal, a trouvé une façon poétique de dessiner les contours de ce monde idéal, en le nommant Maison Vent.

« C’est tout de même 2 000 kms qui séparent Saint-Claude de Montréal. Une partie de moi est ici. L’autre partie est restée au Manitoba. Il fallait que j’invente un endroit imaginaire où tous les gens que j’aime, les territoires et les cultures qui me sont chers se réunissent », lance Willow.

Une des 12 chansons qui constituent l’album s’appelle, justement, Deux milles kilomètres. Sur un air de notes de piano mélancoliques et d’accords de guitare entrecoupés et nostalgiques, les paroles sont chantées comme sur un ton de confidence. « Quand on est loin de nos terres, de nos liens de sang, est- ce qu’on perd une partie de soi ou est-ce qu’on grandit comme un arbre qui s’étend sur deux milles kilomètres. »

Geneviève Toupin n’a jamais perdu cette partie d’elle-même. Elle voyage quatre à cinq fois par an au Manitoba et est restée très attachée à son village natal. Elle le dit de façon très indie- folk dans sa chanson Je reviens toujours, alors qu’elle traverse, dans le clip, les champs des prairies.

« C’est pour cela que j’ai composé cette chanson. J’ai un amoureux et des beaux-fils à Montréal. Mais j’ai aussi une famille, des parents et des nièces au Manitoba. Je crois que c’est la réalité de beaucoup de gens qui ont un peu d’amour pour où ils vivent et un peu d’amour pour d’où ils viennent. »

« Les femmes qui m’inspirent »

L’artiste raconte qu’elle s’était réveillée un matin de l’été 2020, à Montréal, pour prendre sa voiture et traverser seule avec son chien, les Prairies. Le voyage à destination de Saint-Claude a duré trois jours. Elle était à la recherche d’inspiration.

« Le confinement avait été levé et j’en ai profité pour aller me ressourcer. J’avais écrit quelques textes à Montréal, mais je n’avais pas encore assez de matière. Je suis alors allée rendre visite à ma grand-mère et je suis restée un mois et demi avec ma famille. C’est là que les idées ont commencé à venir. »

Rita Desjarlais-Toupin, grand-mère paternelle de Willow, est artiste autodidacte et joue du piano et de la gui- tare depuis son enfance. Elle est aussi métisse et elle parle le mitchif français. Si Geneviève Toupin lui a consacré la chanson Memère, elle lui doit également l’inspiration de deux autres chansons dans son nouvel album : Twé, tchu li Métchif (toi, tu es Métis) et Li bwé (Le bois).

« Ma grand-mère m’a beaucoup inspirée depuis mon enfance. Je la voyais chanter en jouant de la musique et je voulais lui ressembler. Elle a grandi à Saint-Laurent où on parlait beaucoup mitchif français. Je voulais à travers ces chansons honorer mes racines et la langue que je trouve belle »

Marie-Anne Gaboury, la grand-mère de Louis Riel est aussi l’une des ancêtres de l’artiste. Elle lui a consacré une chanson qui s’appelle Marie-Anne.

« J’ai trouvé qu’elle avait eu une vie fascinante. Elle avait fait le chemin inverse du mien. Elle avait quitté le Québec pour aller s’installer dans l’ouest canadien. Elle fait partie des femmes qui m’inspirent. »

En attendant de se produire au Manitoba

L’artiste chante aussi son expérience personnelle et un pan de sa vie à Montréal. C’est à l’exemple des chansons Vertige ou Carrière Miron, du nom d’une des plus grandes cimenteries de l’Amérique du Nord, installée dans le quartier Saint-Denis de Montréal. Un parc public y a pris place depuis quelques années et Geneviève Toupin s’y promène souvent. « Je passe mes matins dans la carrière Miron avec mon chien- loup. On voit le ciel, l’horizon et le vent qui secoue, ça me rappelle d’où je viens » chante-t-elle.

Geneviève Toupin espère se produire au Manitoba d’ici l’automne 2023 ou l’hiver 2024. « Il n’y a rien de concret pour l’instant, mais je serai très contente de présenter mon nouvel album chez-moi. »