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Un déménagement, une nouvelle construction et tout un tas d’évènements à planifier pour un 50e anniversaire. L’année 2023 est une année chargée pour le Rainbow Resource Centre. Pour mieux la gérer, Evan Maydaniuk a été embauché par l’organisme comme directeur du développement. Il partage le cheminement qui a conduit au projet de Campus Queer : « En 2022, nous avons fait passer un sondage auprès de nos membres pour comprendre quels étaient leurs besoins. Il y a évidemment plein de choses qui sont ressorties. Mais notamment le besoin d’une place où les personnes aînées peuvent aller. Une place sécuritaire pour elles. »

Statistique Canada estimait qu’en 2018, les personnes âgées de 55 ans et plus qui s’identifiaient LGBTQ2+ représentaient environ 16 % du million de Canadien.ne.s qui s’identifiaient LGBTQ2+.

En raison de discrimination, d’exclusion ou de stigmatisation, les aîné.es qui s’identifient LGBTQ2+ se retrouvent facilement plus isolés. D’ailleurs, le gouvernement du Canada a mené une étude à ce sujet : Isolement social des aînés : un regard sur les aînés LGBTQ au Canada.

Vivre son identité

Evan Maydaniuk insiste : « Ce qui arrive très fréquemment, c’est que les personnes aînées LGBTQ2+ qui quittent leur maison pour aller dans un foyer de soins de longue durée retournent souvent “dans le placard’’. C’est un énorme problème que les personnes ne puissent pas vivre pleinement leur identité. Nous voulions donc vraiment faire quelque chose pour cet enjeu parce qu’il faut penser à nos aîné.e.s. »

Julien Rougerie, chargé de programmes pour la Fondation émergence qui lutte contre l’homophobie et la transphobie, abonde dans le même sens qu’Evan Maydaniuk. « C’est un très bon projet. Il y a souvent ce débat : Pour ou contre un service aux personnes LGBTQ2+. La réalité est qu’il y a des énormes efforts de sensibilisation à faire dans les services aux personnes aînées. La majorité des personnes qui utilisent ces services retourne ‘’dans le placard’’ et l’autre partie des personnes n’utilise pas ces services par manque de sécurité.

« En effet, la dimension LGBTQ2+ est presque invisible chez les aîne.és. Les foyers ne prennent pas en compte cette clientèle.

« Cette invisibilité a des conséquences très graves sur le bien-être, parce que ça crée plus d’isolement social, plus de problématiques de santé mentale avec le stress constant de savoir si je peux en parler, si je vais être discrimine.é.

Sensibilisation

« En attendant que la sensibilisation ait porté ses fruits, il y a des personnes aînées qui doivent être prises en charge. Alors un bâtiment pareil leur offre un espace sécuritaire. »

Le bâtiment serait donc sur quatre étages, avec trois étages réservés aux 21 suites abor- dables pour les personnes aînées qui s’identifient LGBTQ2+. « Le rez-de-chaussée servirait pour la programmation. Ce serait un espace à plusieurs usages, il y aura une cuisine pour des ren- contres. Ce qu’on veut, c’est un lieu de rencontre sécuritaire pour que les personnes passent du temps ensemble. »

Ce projet se fait en partenariat avec la Westminster Housing Society. Evan Maydaniuk explique la collabo- ration : « Ils vont s’occuper de l’entretien des appartements, de toute la logistique. Et de notre côté, nous faisons des recommandations sur les locataires possibles. »

Cette construction représente la phase 1 d’un projet qui devrait s’achever dans plusieurs années. Une autre partie du projet est le déménagement des bureaux du Rainbow Resource Centre, puisqu’en effet, Evan Maydaniuk signale qu’une partie de la clientèle que dessert le Rainbow Resource Centre réside dans le quartier West Broadway. Leurs nouveaux bureaux et le Campus Queer seront donc situés au 545 Broadway. « Nous voulions être plus visibles et plus proches d’eux pour les desservir au mieux. Il y aussi beaucoup de lignes de bus à proximité, c’est une bonne chose. »

Financement

Le bâtiment actuel a été construit en 1904 et comporte des désignations historiques. L’organisme devra donc être vigilant lors de l’aménagement intérieur. Surtout lors d’une phase du projet qui consiste à connecter les deux bâtiments. « L’entrée changerait de place pour créer un espace plus grand. Les deux bâtiments formeraient donc le Campus Queer de Winnipeg. Ce serait le premier au Canada. »

Évidemment, un projet d’une telle importance se chiffre à plusieurs millions de dollars. Evan Maydaniuk précise : « Pour les trois phases du projet, il faut compter 20 millions $. Une partie est financée par les différents paliers gouvernementaux. Malheureusement, les gouvernements ne financent pas tout. Nous devons faire appel à la communauté et à sa générosité.

« C’est de toute cette partie que je m’occupe. Il va y avoir des campagnes avec des vidéos de témoignages. Les entreprises peuvent aussi faire un don au Rainbow Resource Centre. Évidemment, 20 millions $ peut paraître énorme. Mais ce serait un pas en avant vraiment impressionnant pour les droits des personnes qui s’identifient LGBTQ2+. »

Droits humains

Parce que pour Evan Maydaniuk, l’enjeu réside dans les droits humains, qui se doivent d’être respectés. « Nous essayons d’éviter aux personnes le sentiment que lorsqu’elles sont à la retraite, elles doivent retourner ‘’dans le placard’’ et qu’elles ne peuvent plus être authentiques dans les derniers moments de leur vie.

« Nos aîné.e.s se sont battu.e.s pour nos droits : l’égalité du mariage, l’égalité du code fiscal, aller en public pour être soi-même et se sentir en sécurité au Canada, et c’est formidable. C’est donc à nous, plus jeune génération, de veiller à ce qu’il y ait des espaces sûrs pour prendre sa retraite et être authentique. »

Evan Maydaniuk a d’ailleurs bien l’intention d’inspirer d’autres provinces. « Ce n’est pas quelque chose qui existe au Canada. Évidemment, on aimerait qu’il y en ait dans chaque province. Mais de manière plus générale, on espère que les foyers de soins de longue durée deviennent plus sensibles à cette réalité. Le débat dans notre communauté est de savoir si on doit avoir un espace pour nous ou bien travailler dans un espace qui existe déjà pour sensibiliser sur les personnes LGBTQ2+. »

Winnipeg à l’avant-garde pour les droits LGBTQ2+

Dans les années 1970, un groupe d’étudiants à l’Université du Manitoba décide de fonder un organisme, Campus Gay Club. Après l’obtention de leur diplôme, ces étudiants ont décidé d’établir Gays for Equality en 1973. C’est le début du Rainbow Resource Centre. Evan Maydaniuk, son directeur du développement, explique d’ailleurs : « Nous sommes le centre de ressources queer et trans le plus ancien et le plus pérenne en Amérique du Nord. Il en existe un à New York. Mais il va seulement fêter ses 40 ans.

« Au départ, le Rainbow Resource Centre a été fondé par un groupe d’étudiants de l’Université du Manitoba. Au fur et à mesure des années, le nom et la mission ont évolué pour mieux refléter les besoins des différentes populations. »

Mais pour Evan Maydaniuk, pas de doute sur le fait que Winnipeg est vraiment spéciale quant aux droits LGBTQ2+. « Winnipeg a toujours été à l’avant-garde pour faire avancer les droits LGBTQ2+. Le premier mariage de personnes du même sexe a eu lieu à Winnipeg avant même que ce soit légal. » En effet, en 1974, Chris Vogel et Richard North se sont mariés à l’église unitarienne. Sauf que ce n’est qu’en 2004 que le mariage pour tous est devenu légal dans la province.

Evan Maydaniuk poursuit : « Il y a toujours eu des lieux de rassemblement pour la communauté LGBTQ2+. Nous sommes très fiers d’avoir pu aider cette communauté pendant 50 ans et nous espérons en faire au moins 50 de plus.

« Notre 50e anniversaire va aussi servir pour la collecte de fonds. Il va y avoir des évènements pendant le mois de la Fierté, notamment une exposition au Musée du Manitoba pour revenir sur 50 ans d’histoire des droits des personnes LGBTQ2+ à travers la lentille du Rainbow Resource Centre. »