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Saint-Lazare, le village situé à 334 kms à l’ouest de Winnipeg, dans la vallée de la rivière Assiniboine près de la Saskatchewan, dépend économiquement de la mine de potasse de Rocanville et de l’agriculture.

Avant de s’engager à temps plein comme agriculteur, Jeremy Laferrière a d’abord été enseignant, bien que la ferme ait toujours fait partie de sa vie. « Difficile de dire depuis quand je suis impliqué à la ferme (rires). Je dirais que depuis l’âge de dix ans, j’aide à la ferme familiale, même si au début c’étaient de petites contributions.

« Ensuite, j’ai poursuivi mes études d’éducation, puis j’ai enseigné pendant 20 ans comme enseignant au secondaire. Pendant cette période, je continuais d’aider sur la ferme familiale avec mon père Cyril. C’était simplement à temps partiel. »

Passage de relais

Les années passent et Cyril Laferrière ressent le besoin d’une aide plus permanente sur la ferme. C’est à ce moment que Jeremy Laferrière décide de prendre le relais. « Mon père commence à vieillir, je voyais que c’était plus difficile pour lui, alors je pense que c’était le bon temps pour m’investir à temps plein sur la ferme. »

Depuis quatre ans, Jeremy Laferrière est donc investi sur l’exploitation céréalière grande de 3 100 acres. « Je dirais qu’environ la moitié des champs est réservée à la culture de canola et le reste est pour les céréales comme le blé. »

Et justement, l’agriculteur est pleine période d’ensemencement. « Chaque début du mois d’avril, il y a toujours un petit stress de savoir quand le printemps va arriver. Maintenant qu’il est là, tout va bien. On a commencé à semer le blé, la moitié de nos acres de blé sont déjà faits.

« Ensuite, vers la fin mai, nous allons semer le canola. Les plants de canola sont très fragiles. S’ils gèlent, c’est fini. Les plants ne peuvent pas endurer le froid et il faut tout recommencer.

« Heureusement, nous avons des machines qui sont automatisées. C’est grâce à elles qu’on peut être seulement deux à la ferme pour semer. Il faut compter environ un mois pour semer 3 100 acres, alors qu’avant, il fallait au moins être quatre personnes et cela pouvait prendre plusieurs mois. »

Juillet à surveiller

Évidemment, les inquiétudes ne s’arrêtent pas après cette période d’ensemencement. En effet, le mois de juillet est critique. « Cette année est un bon départ, il y a eu beaucoup d’humidité à l’automne passée. Il y a assez d’eau dans les sols. Mais la sécheresse est toujours un danger. On sait que les choses peuvent changer assez rapidement.

« Juillet est toujours un point tournant. À cette période, on se met à genoux et on prie pour avoir de l’eau (rires). »

C’est au moment des battages que la notion de ferme familiale prend tout son sens, comme l’explique Jeremy Laferrière. « Tous les membres de notre famille viennent nous aider avec mon père. Mes neveux et nièces, ma sœur, vraiment tout le monde est volontaire pour les récoltes. Surtout que ce sont de longues journées. Pouvoir compter sur eux est une vraie chance. »

Mais l’hiver n’est pas synonyme de repos pour cet agriculteur. « L’hiver, c’est la période de vente de nos produits. Une partie de ce qu’on a récolté est vendue. En même temps, il y a une période de planification. On commande nos semences, les herbicides, les insecticides, les engrais. Il faut chercher de bons prix pour tout ça. »

Nouvelle génération

Évidemment, la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine ont fortement impacté les prix des marchés agricoles. « Avec la guerre en Ukraine, c’est devenu très cher de semer. Je prends l’exemple des engrais : en 2019, il fallait compter entre 500 et 600 $ / tonne d’azote. À l’hiver 2022, c’était autour de 1 000 à 1 100 $ / tonne. Les prix ont quasiment doublé.

« Nos produits ont aussi été vendus plus cher. En 2019, un minot de blé se vendait 5,5 $ alors qu’en 2023, c’est environ 10,5 $. Ça fait une différence, même si les coûts de la vie ont augmenté aussi. »

Pourtant, malgré les incertitudes du métier, Jeremy Laferrière n’est pas découragé, au contraire. « C’est plus qu’un métier, c’est un style de vie. J’adore ça, être dehors, travailler à l’extérieur avec les équipements, être dans les champs, travailler dans le sol, observer les plantes qui poussent. J’aime aussi voir les changements qui se passent autour des saisons.

« Je suis la troisième génération qui possède cette ferme et il y a de l’intérêt dans la prochaine. C’est une bonne chose, parce que beaucoup de fermes dans l’Ouest ont été vendues par manque de relève. C’est la réalité de notre milieu, les jeunes n’ont pas forcément envie de reprendre parce que c’est difficile. Je peux le comprendre alors si je peux encourager des jeunes à s’intéresser à l’agriculture, je le fais avec plaisir. »