Gilbert Rosset est né à Saint-Claude le 20 décembre 1941, septième d’une famille de neuf enfants. Très attaché à son village natal, il y reviendra tous les étés durant ses études au Collège de Saint-Boniface, pour aider à la ferme familiale.

Décédé en 1998 des suites d’un cancer, il a consacré une grande partie de sa vie à l’éducation en français au Manitoba.

Un homme profondément humain

Pendant dix ans, il a travaillé d’abord comme enseignant à l’Institut collégial de Lorette, puis à l’École secondaire de Sainte-Anne, et enfin au Collège universitaire de Saint-Boniface. Il a rejoint le Bureau de l’éducation française (BEF) dès ses débuts en 1974 pour occuper le poste de conseiller pédagogique en français langue première, jusqu’en 1986, quand il a assumé le rôle de directeur du développement de l’implantation des programmes d’études pour les écoles françaises et d’immersion.

Guy Roy avait alors la responsabilité du BEF, en qualité de sous-ministre adjoint (1982-2004). Tantôt collaborateur, tantôt ami, il se souvient très bien de son collègue. « C’était un grand éducateur. Un francophone très engagé envers la langue et envers la communauté.

« C’était un homme profondément humain. Et c’est ce que je retiens avant tout de lui : l’amitié que nous avions développée. Il avait beaucoup de respect pour les autres. Son attitude s’en ressentait. C’était presque palpable. Quand il est décédé, j’ai vraiment perdu un très bon ami. »

François Lentz, qui travaillé de 1988 à 2008 au BEF, a également pu connaître Gilbert Rosset. À la faveur de plusieurs collaborations, il a trouvé en Gilbert Rosset un mentor, comme il le dit si bien. « Quand je pense à Gilbert, le premier mot qui me vient à l’esprit c’est : mentor. Il a été indiscutablement mon mentor. Je l’ai pensé dès son décès, et je le pense encore 25 ans après.

« Grâce à lui, j’ai pu travailler dans l’enseignement en français en milieu minoritaire. Et j’ai la forte conviction que rien de ce que j’ai pu accomplir dans ce domaine n’aurait été possible sans les sillons qu’il a tracés pour moi. »

Son ferme engagement pour l’éducation du français en situation minoritaire a conduit Gilbert Rosset à s’impliquer dans des comités nationaux. Il a été membre du CA de l’Association canadienne d’éducation de langue française. Il a représenté le ministère de l’Éducation à la Table nationale des directeurs de la programmation scolaire de l’éducation en français et a contribué au regroupement Éducation Franco-Ouest.

Une identité francophone

François Lentz poursuit : « Il avait une vision extrêmement généreuse de ce qui devait être fait pour l’enseignement en français en milieu minoritaire. Il avait aussi le souci de la mise en œuvre de stratégies pour l’éducation.

« Gilbert était convaincu qu’il y avait un sens à devenir francophone. Il était soucieux de savoir ce que l’école pouvait faire pour apporter sa contribution à cette identité francophone. »

Si l’identité francophone passe par les écoles, Gilbert Rosset était convaincu que la culture avait également son rôle à jouer. Pendant ses années d’enseignement, par souci de partager son amour pour le théâtre, il a monté deux pièces avec ses élèves : La terreur de l’Oklahoma et La veuve.

Un comédien

Au demeurant, Gilbert Rosset était un comédien reconnu. Il a joué dans plus d’une vingtaine de pièces du Théâtre Cercle Molière (TCM). En 1969, il a reçu le prix du meilleur comédien de soutien au Dominion Drama Festival of Canada. Roland Mahé, directeur artistique du TCM de 1968 à 2012, garde en mémoire un comédien remarquable.

« Il avait beaucoup de talent. J’adorais travailler avec lui. Il était généreux sur scène, il n’y avait rien qu’il ne pouvait pas jouer. Il se donnait à 100 % dans chacun des rôles qu’il interprétait. Quand je lui demandais quelque chose de nouveau, il réfléchissait quelques secondes. Et ensuite, il essayait. Il adorait jouer et ça se voyait.

« Même durant sa maladie, il venait nous voir jouer. On lui préparait un siège devant. Son besoin de faire les choses avec le cœur transparaissait toujours. »

C’est cette détermination naturelle qui le faisait avancer. Sa veuve, Jeannette Filion- Rosset, se souvient d’un moment marquant. « Il a été diagnostiqué d’un cancer de la moelle épinière en octobre 1997. Pour son traitement, il fallait faire une transfusion sanguine pour changer son sang. Le soir même de ce traitement, il devait tenir une présentation devant des parents dont les enfants étaient en écoles d’immersion. Il tenait absolument à faire cette présentation. Alors il m’a demandé de le conduire. Il était tellement pâle et faible, mais il a mené à bien cette présentation.

Gilbert Rosset
Gilbert Rosset jouant dans la pièce Le violon du temps qui passe présentée par le Théâtre Cercle Molière dans les années 1970. (photo : Gracieuseté Société historique de Saint-Boniface)

Heureux hasard

« D’ailleurs, même pendant sa chimiothérapie, il ne voulait pas s’arrêter. Il emmenait du travail avec lui à l’hôpital. »

C’est un heureux hasard qui les a rassemblés, comme le souligne Jeannette Filion- Rosset. « Plusieurs personnes me poussaient à prendre un emploi au Manitoba. Quand j’avais vu les plaines, je m’étais dit : Jamais, jamais! Jamais dans la sainte vie je ne viendrai au Manitoba.

« Pourtant, je continuais d’avoir des appels pour des emplois. Plusieurs employés du BEF étaient régulièrement de passage à Montréal. Un jour, j’avais décidé de prendre un rendez-vous pour discuter davantage. C’est Gilbert qui est venu me chercher à la réception. J’ai posé mille et une questions pour savoir si j’allais venir.

« De son côté, Gilbert s’était dit que si je venais au Manitoba, il allait me marier (rires). Finalement, je suis arrivée au Manitoba le 19 janvier 1976 et nous nous sommes mariés le 20 décembre de la même année. »

Un amour passionné

Par-delà leur engagement envers la francophonie, c’est donc l’amour qui a gagné. Car de l’amour, il y e n a eu beaucoup entre Gilbert Rosset et Jeannette Filion-Rosset. « C’était une personne tellement compréhensive, sensible et chaleureuse. Il était très ouvert d’esprit. Je suis une personne passionnée et j’avais besoin de quelqu’un comme lui. Ça a été merveilleux de vivre à ses côtés. J’étais un livre ouvert pour lui, et l’inverse était aussi vrai. J’avais tellement confiance en lui que je pouvais tout lui dire.

« Il a été aussi un merveilleux père. Jonathan est arrivé dans nos vies en 1980 et Geneviève en 1981. Il se levait toujours très tôt le matin, il nous préparait le petit-déjeuner, toujours avec de la musique classique. Même s’il était occupé, il prenait toujours du temps pour nous.

« Dans les premiers temps qui ont suivi son départ, je n’étais plus capable de faire du café ou même d’écouter de la musique classique. Il m’a fallu plusieurs mois avant de pouvoir reprendre cette routine matinale. »

Inspiré par sa bonté, Gilbert Rosset a laissé un précieux conseil à sa compagne. « Je me souviens qu’un jour, il m’avait dit : Jeannette, tu es presque parfaite, pourtant il te manque la joie de vivre. Tu es trop sérieuse. Depuis son décès, chaque jour, je me dis que je dois avancer dans la joie de vivre, d’aimer et de profiter. »

Des bourses Gilbert-Rosset

À la suite du décès de Gilbert-Rosset en mai 1998, un fonds de Bourses Gilbert-Rosset a été parrainé par Jeannette Filion-Rosset, le Bureau de l’éducation française, le Cercle Molière, l’Université de Saint-Boniface (alors Collège universitaire de Saint-Boniface) et la Division scolaire franco-manitobaine.

C’est en 1999 que les deux premières bourses ont été attribuées. Le fonds de Bourses en propose quatre : bourse Éducation et pédagogie; bourse Théâtre ; prix Gilbert-Rosset (offert en alternance pour un.e finissant.e, soit de la Faculté d’éducation, soit de l’École de traduction); prix École primaire Gilbert-Rosset. À ce jour, 72 bourses ont été remises, pour un total de 30 000 $.

Une école honore sa mémoire

L’École communautaire Gilbert-Rosset est officiellement devenue la 22e école de la Division scolaire franco-manitobaine le 2 octobre 1999. Un an après le décès de Gilbert Rosset.

Louise Legal-Perrin était la directrice de l’école au moment où il fallait choisir un nom pour l’établissement. « Plusieurs personnes de la communauté ont fait des propositions, avec des arguments. Si on a retenu le nom de Gilbert Rosset, c’est parce qu’il était natif de Saint- Claude et qu’il a dévoué sa vie à promouvoir la langue française. Que ce soit par son implication en éducation ou dans les arts, et notamment dans le théâtre. Car l’idée n’est pas juste d’apprendre en français, mais de vivre en français.

« De plus, comme certains de ses petits-neveux et de ses petites-nièces fréquentaient déjà l’école française indépendante, il suivait alors de très près l’évolution vers une école française complète à Saint-Claude. Un projet qu’il appuyait fortement. »

Si Gilbert Rosset n’a malheureusement pas pu voir l’ouverture de l’école qui porte son nom, son épouse Jeannette Filion-Rosset est devenue très proche de cette communauté scolaire, comme le note Louise Legal- Perrin. « Jeannette Filion-Rosset suit de très près tout ce qui se passe dans l’école. Elle rend visite fréquemment aux élèves. Elle est devenue une vraie amie de l’école. »