L’information revient souvent dans les nouvelles. violents à Winnipeg ne cessent d’augmenter. Mais de manière générale, à l’échelle nationale, les choses semblent aller de mal en pis.

Selon Statistique Canada, 788 homicides ont été relevés en 2021. Ce qui représente une augmentation de 3 % par rapport à l’an 2020.

Plus récemment, le service de police de Winnipeg a publié un rapport d’analyse des crimes commis sur une période allant de décembre 2021 à novembre 2022. En ce qui concerne les crimes violents, un total de 12 789 ont été rapportés auprès des autorités. Sur la même période de 2020 à 2021, il était fait état de 10 623 rapports.

La tendance est donc la même qu’au national. Les chiffres sont impressionnants et ce n’est pas surprenant. Car dans le classement des villes canadiennes les plus frappées par le meurtre, la capitale manitobaine est arrivée deuxième sur le podium en 2020, avec 4,93 meurtres par 100 000 habitants. Une médaille dont on se passerait bien.

Seulement voilà, il faut bien noter que lorsqu’il est fait mention de crimes violents, ce n’est pas uniquement en référence à l’homicide. D’ailleurs, Jean-Claude Bernheim, criminologue et professeur pendant plus de 25 ans, rappelle que tous les crimes ne sont pas nécessairement violents et définit cette notion de crime violent : « On peut dire qu’il s’agit d’un crime contre la personne, qui comprend un acte de violence sur l’intégrité physique, mais parfois aussi psychologique, de la personne. » À savoir les agressions sexuelles, les vols à main armée, les kidnappings, les menaces et le harcèlement, bref, la liste est longue.

« Ce que l’on peut constater, c’est que la criminalité violente au Canada se répartit de façon très variable. On constate qu’ils vont croissant d’est en ouest, avec un pic au centre, en Saskatchewan et au Manitoba. »

Une question sociale

Le criminologue met aussi en exergue le fait que la répartition géographique de la criminalité est aussi révélatrice de la nature du terreau dans lequel elle a tendance à s’épanouir : « De manière générale, dit-il, la criminalité violente au Canada se concentre dans des endroits où les gens sont au plus bas de l’échelle économique. Dans des zones où les lieux d’habitation sont plus précaires et où les populations ont le plus recours aux aides sociales de l’État. »

Il existe donc un lien direct entre la précarité et la criminalité. Pour autant, cela ne signifie pas systématiquement que les personnes les moins stables sur le plan social sont de potentiels criminels.

Il est important de souligner qu’il n’existe pas d’archétype à proprement parler quand il s’agit de savoir qui est plus susceptible de devenir un criminel. Mais les études le démontrent, la criminalité est plus forte dans les milieux défavorisés : « C’est avant tout circonstanciel. Il y a un élément psychosocial qui entre en jeu. Les individus ayant grandi dans une famille dysfonctionnelle, ayant moins eu accès à l’éducation, aux réseaux d’aide sociale, sont plus susceptibles de passer à l’acte. Parce qu’ils viennent de milieux où la promiscuité est trop grande, parce qu’ils n’ont pas appris à verbaliser, ils peuvent se montrer plus facilement agressifs. »

Nouveau projet de loi

Le 16 mai 2023, le ministre de la Justice, David Lametti présentait son nouveau projet de loi C-48 pour renforcer le système de mise en liberté sous caution au Canada. Une réponse aux pressions exercées par les Provinces, dont le Manitoba. En effet, en février de cette année, le ministre manitobain de la Justice, Kelvin Goertzen, déposait une demande auprès du gouvernement fédéral afin de renforcer et rendre plus strict les conditions de libération conditionnelle.

Dès lors qu’il s’agit de crime, les gouvernements adoptent constamment une approche

restrictive. Et cela a toujours été le cas. Pourtant, les chiffres sont là, et ils ne mentent jamais. Les choses ne s’améliorent pas. Pour Jean-Claude Bernheim, l’angle d’attaque n’est pas le bon : « L’approche par rapport au phénomène de la criminalité doit être contextualisée, les réponses que l’on apporte aussi. Les gouvernements augmentent toujours plus les mesures répressives, mais l’approche la plus logique, c’est l’approche psychosociale.

« Des expériences ont été réalisées ici même au Manitoba. Entre 1974 et 1979, au nord de Winnipeg, la ville de Dauphin et ses 12 000 habitants se sont vu donner un revenu minimum pendant deux ans. Le résultat, c’est que la criminalité a baissé, la santé s’est améliorée et tout le contexte social était extrêmement positif. » Puisqu’il existe un lien de proximité entre la précarité et la criminalité, autant s’attaquer à la racine.

Le reflet de l’opinion publique

Cette approche répressive du gouvernement peut s’expliquer de la manière suivante : elle se veut le reflet de l’opinion publique.

« Le gouvernement n’est pas proactif. Le problème avec les crimes, c’est qu’ils provoquent des réactions émotionnelles, en particulier quand ils sont spectaculaires. Alors le rationnel disparaît et l’on envisage le phénomène dans une perspective absolue dans laquelle il faut que tout soit parfait, que le crime disparaisse. Alors on prend les mesures qui vont dans ce sens. »

Il convient alors de faire le parallèle avec l’approche de réduction des méfaits dans la problématique de la dépendance. Plutôt que de tenter d’éradiquer le crime, privilégier les approches vouées à en réduire le nombre. « Nous savons que le meilleur moyen pour ça, c’est le social. Mais, il faut qu’il y ait un intérêt politique. »