Ronald Lavois est figé, depuis quelques minutes, devant un tableau où des lignes aux couleurs vibrantes et sombres s’interposent, à croire que les labyrinthes du subconscient humain ont été scannés sur une toile.
« C’est toujours surprenant de voir ce que l’imagination humaine peut créer, ce qui peut frapper un artiste et comment il peut l’exprimer », lance l’ancien enseignant à la retraite.
Le tableau se nomme Projection et Sara St-Cyr y a projeté toutes les couleurs éclatantes qu’elle croise dans la rue.
« Lorsque je me promène dans la ville, mon regard croise des couleurs et des formes multiples et c’est cela que ça donne », explique-t-elle.
Sara St-Cyr est une artiste autodidacte qui touche à des médiums tels que l’huile, l’aquarelle, la porterie et l’écriture.
L’espace vu autrement
À chaque coin de la galerie, son public, comme la diversité des styles, offre des horizons parallèles et parfois carrément à l’opposé. C’est le cas avec les photographies de Robert Nicolas qui replongent les visiteurs de l’exposition dans la réalité des rues de Winnipeg ou de l’immensité des campagnes manitobaines.
C’est ainsi que pendant une année, il a braqué son objectif 365 fois, à chaque jour et peu importe où il se trouvait.
En 2022, le globe-trotteur avait exploré le Portugal. Une scène de tous les jours, Café, prise dans une ruelle de Porto, où des personnes se tiennent devant un café fermé, en bas d’un immeuble abandonné, offre un contraste saisissant avec une autre photographie exposée à côté, dans la salle.
Il s’agit d’une œuvre du nom Là où tu n’es plus. Elle représente une maison, au Manitoba, abandonnée et esseulée dans un espace tout aussi vide et immense.
Origines et résistance
Le coin de Dominique Carrière offre un plongeon dans les racines et les origines, sur fond d’engagement et de résistance. L’artiste michif, qui a une sensibilité pour l’aquarelle, revient d’un voyage de deux ans en Australie, avec une œuvre pour le moins exotique.
La parfaite reproduction des plantes indigènes trompe l’œil et confond l’esprit, à supposer qu’une Patte de Kangourou (une plante native) ait poussé dans les murs de la galerie d’art du CCFM.
« J’ai parcouru une partie de l’Australie avec ma blonde qui est du pays. Nous avons vécu pendant des mois dans un van et cela ne m’offrait pas beaucoup d’espace pour faire de l’art. J’ai alors utilisé mon iPad pour faire de la peinture imprimée en m’inspirant de la singularité florale du pays qui s’offrait à mes yeux », raconte- t-elle.
Une autre œuvre tout aussi exotique lui donne prolongement. Trois corps de femmes sur lesquels poussent respectivement du maïs, des haricots et des courges. L’œuvre nommée Les trois sœurs est inspirée dans une tradition agricole autochtone, qui veut que ces trois aliments, plantés ensemble, se nourrissent les uns des autres et nourrissent la terre, les gens et les esprits.
Pour donner un aspect encore plus ancré dans les origines à sa peinture, Dominique Carrière a fait porter aux trois corps des tenues inspirées de la culture native mexicaine.
« Mes cousines habitent à Wahaca, au Mexique, et elles ont publié des photos sur Instagram avec des tenues traditionnelles. Je me suis alors inspirée de leur design pour le reproduire dans ma peinture », souligne-t-elle.
« Cherchez la dent! »
L’illustratrice Chantal Piché offre, quant à elle, une belle distraction pour son public. Ils sont nombreux, les visiteurs, à chercher des dents cachées dans des scènes de plage ou de ville.
Une illustration de scènes diverses de la vie winnipégoise semble particulièrement capter l’attention des visiteurs. Des activités pour enfants et pour adultes sont représentées autour de La Fourche, au Festival du Voyageur, au Parc Assiniboine, à Thermëa, dans un labyrinthe de glace ou pendant des Street Parties, à côté du Canada Life Centre.
« Des clients dentistes m’ont demandé de leur produire des illustrations et j’ai pensé à ce jeu qui fait oublier à l’enfant ce qui se passe dans sa bouche. Pendant que l’enfant est couché sur le fauteuil, il peut s’amuser à compter les dents dans l’affiche accrochée au plafond », explique-t-elle.
Si le public paraît amusé devant les affiches de Chantal Piché, il donne l’air, par contre, d’être intrigué face à la céramique d’Elyse Saurette. À travers des pièces de porcelaine abstraites, l’artiste multidisciplinaire, spécialisée dans le dessin et la peinture, représente les hauts les bas de la vie.
Geneviève Joyal, architecte designer, voit la représentation sous un autre angle. « Cela représente pour moi une graine qui monte et qui devient une tulipe. J’ai trois enfants et je vois les morceaux de porcelaine autour de la pièce centrale comme le travail que cela prend pour élever nos enfants, pour qu’ils soient en santé et épanouis », dit-elle.