Roger Léveillé s’inscrit dans différents courants artistiques et littéraires. Il s’intéresse au processus de création d’auteurs, compositeurs sous plusieurs formes artistiques. Dans son nouveau roman Suite, paru aux Éditions du Blé, cet intérêt est présent parmi tant d’autres.
Tout débute avec le processus créatif du narrateur et son lieu d’écriture, Ganiishomong, qui en cri signifie « la voie entre deux eaux ». Ce lieu intemporel se trouve tout près de Saint- Laurent sur le lac Manitoba ou lac Manitou comme l’appelle l’auteur. Selon lui, « puisque le narrateur se trouve au même lieu, il y a des continuités, le soleil, la plage paradisiaque, le ciel et les oiseaux. Tout ce qui peut laisser place à l’imagination. »
Processus créatif
Suite n’est pas le prolongement de Ganiishomong ou l’Extase du Temps, (1) un de ses romans précédents. « Je pensais qu’il était important de garder le narrateur pour montrer que tout continue, tous les romans sont une exploration de la littérature, de la langue et de l’être humain. Mais, il ne faut pas lire Ganiishomong ou l’Extase du Temps pour pouvoir lire Suite. »
En s’appuyant sur un narrateur dans un lieu si familier, Roger Léveillé dévoile une partie de sa vie et son processus créatif. « C’est biographique sans tout à fait l’être, je mets des éléments de ma vie là-dedans. Je pense qu’en mettant des éléments réels de ma vie ça donne un poids émotionnel et ancre l’écriture dans le réel. »
L’auteur décrit la construction du livre comme une forme de télescopage, l’idée serait de partir d’un point fixe et regarder dans la direction qui nous plaît, il serait possible d’observer de près ce qui est lointain. Son idée s’étend aussi à la forme même d’un télescope, « comme le temps, c’est un objet où plusieurs composantes s’empilent de manière à former un tout ».
Construction
Bien que le roman soit très fluide, pour construire l’effet de télescopage, Roger Léveillé propose un point de départ. « Face au livre, c’est facile de se dire qu’on peut commencer n’importe où. Mais, c’est important de lire la première soixantaine de pages pour mieux comprendre l’effet du télescopage, ça permet d’établir la densité du livre. De toute façon, il est construit de telle manière à ce qu’on est porté à faire un choix sur comment le lire. »
Le va-et-vient entre le lieu simple et concret qu’est le Manitoba et le monde littéraire ainsi qu’artistique plus large permet à l’auteur de toucher au sérieux tout en restant léger. « Quand le narrateur décrit une famille, il peut parler des ennuis de Jésus enfant aussi bien que ceux dans une famille de Saint- Boniface », lance-t-il amusé.
Bondé de références à diverses formes d’arts et d’éléments historiques, le livre a quelque chose pour tout le monde. « Je parle d’Arthur Rimbaud, de textes religieux, d’évènements historiques. Même s’il y a des références complexes, de l’analyse et un côté un peu essai, n’importe qui peut y trouver son compte. »
Références
Le livre agit comme un intermédiaire entre la connaissance des gens et leur curiosité, permettant au lecteur de bondir dans un sens ou l’autre. « Il y a des tremplins qui conviennent aux connaissances et aux expériences de tous, chacun en trouvera un sur lequel sauter pour découvrir un monde plus large. »
Quant à de nouvelles œuvres, Roger Léveillé s’installera bientôt à Gaanishomong. « Je travaille présentement un texte intitulé Écriture à l’encre noire qui serait davantage de la prose poétique.
« Il y a un certain temps, j’ai fait une entrevue où ils ont mentionné que j’entreprenais la rédaction d’Adorable. C’est un roman que je n’ai jamais écrit, mais dans ce brouillon existait déjà des éléments qu’on retrouve dans Suite. »
La fluidité de l’encre pour Roger Léveillé est double à la fois dans la suite d’idées et la mise sur papier de l’encre noire.
(1) Publié aux Éditions du Blé en 2020.
Déployer les ailes de son imagination
La couverture du livre de Roger Léveillé dirige l’œil vers un tableau de Georges Braque peint en 1959, intitulé l’Oiseau et son ombre I. « J’ai choisi ce tableau pour plusieurs raisons, il me fait penser à Ganiishomong qui est un lieu plein d’imagination pour moi, l’oiseau, le ciel bleu et les nuages. »
Le tableau évoque aussi d’autres idées que Roger Léveillé partage dans son œuvre, la superposition de l’oiseau et son ombre de manière qu’ils ne s’alignent pas parfaitement et permet d’élaborer plusieurs perspectives. « On voit l’oiseau et son ombre, ils forment déjà une suite, en épigraphe j’ai aussi choisi une citation du penseur Houei Che qui accompagne l’idée : L’ombre de l’oiseau qui vole n’a jamais bougé. »