Marianne Dépelteau

Après plus de 20 ans, le temps était venu pour l’Association des groupes en arts visuels francophones (AGAVF) de faire une mise à jour sur l’évolution du secteur au Canada.

« Ça devient un outil […] du côté de la représentation ou du positionnement politique, mais aussi auprès des bailleurs de fonds. C’est une manière de montrer la réalité, de soutenir nos argumentaires quand nous ou nos membres faisons des demandes de subvention », explique Elise Anne LaPlante, codirectrice générale de l’AGAVF.

Selon elle, « faire valoir la valeur langagière » des arts visuels demeure un grand défi, notamment auprès des bailleurs de fonds. « Travailler dans sa langue, réseauter, le sentiment d’appartenance à nos communautés francophones : tout ça a un impact. »

Consultante indépendante et travailleuse culturelle, Anne Bertrand a participé à la réalisation de cette étude. Elle rapporte que les artistes « ont souligné l’importance de la langue dans la création. Ils veulent travailler et créer en français […] ça contribue à l’identité qui est au cœur de la création et de la production ».

Le rapport souligne que les artistes visuels de la francophonie minoritaires ont peu accès à des espaces de travail commun où ils peuvent notamment partager de l’équipement et des connaissances. Ces endroits renforcent l’identité culturelle des artistes selon le document.

« Les gens dans les centres d’artistes autogérés se retrouvent en communauté, se retrouvent partie prenante de la vie démocratique, sociale et politique d’un organisme, et ça se passe dans la langue française, ajoute-t-elle. C’est important pour la vitalité de la communauté. »

Manque de structure d’appui

Parmi les constats les plus probants de l’étude de l’AGAVF, Anne Bertrand note un grand « manque de structures d’appui ». Celles-ci incluent, entre autres, les structures de formation à tous les niveaux, les associations professionnelles et les regroupements.

À l’exception de l’Ontario, dans les provinces et territoires, il n’existe aucune structure d’appui francophone à but non lucratif spécialisée en arts visuels. Par manque de ressources, les conseils culturels et regroupements n’arrivent pas toujours à répondre à leurs besoins.

À l’échelle nationale, l’AGAVF est le seul organisme de services aux arts qui représente et défend les intérêts des arts visuels en francophonie minoritaire. L’étude note qu’« en l’absence d’institutions muséales, les commissaires indépendant·e·s jouent un rôle clé dans la reconnaissance des artistes en arts visuels des CFSM ».

« Pour rayonner en français, en plus du réseau des espaces de diffusion de l’AGAVF, l’artiste devra se tourner vers les galeries communautaires, dont certaines offrent désormais de bonnes conditions d’exposition, ou encore, se tourner vers les réseaux de diffusion professionnels des groupes de la majorité au Canada et au Québec, et même à l’international », rapporte le document.

Malgré l’amélioration des conditions offertes par les galeries, « il reste que c’est insuffisant pour réellement soutenir les pratiques », défend Elise Anne LaPlante.

Couverture médiatique

« Les artistes des CFSM font l’objet d’une couverture médiatique locale enviable si on la compare à celle des artistes en arts visuels de Montréal », affirment les chercheurs dans l’étude.

Les participants à l’étude soulignent en outre « avoir fait l’objet d’articles dans les journaux hebdomadaires francophones comme L’Aquilon (YK), Le Gaboteur (TNL), Le Franco (AB), L’Eau vive (SK), La Liberté (MB), Le Voyageur et La voix du Nord (ON), et dans les quotidiens dont Le Droit (Ottawa/Gatineau) et l’Acadie Nouvelle (NB). »

Plus d’artistes, peu de formation

Le rapport de l’AGAVF souligne le manque d’accès à la formation en français en arts visuels dans la francophonie minoritaire.

L’Université de Moncton et l’Université d’Ottawa offrent des programmes de premier cycle en français. La seconde s’est dotée d’un programme de 2e cycle bilingue, seule nouveauté depuis 2001, à l’exception de quelques formations temporaires offertes par l’AGAVF au fil des ans.

Aujourd’hui, toutes formations confondues, 43 % des artistes ont suivi leur formation en français, 30 % en anglais et 27 % dans les deux langues, selon l’étude.

Certains ont reçu leur formation dans une école d’art privée, un centre communautaire, un regroupement national, un regroupement régional ou en ligne.

Le document souligne toutefois les inconvénients pour les artistes francophones d’être formés au Québec. « Une fois diplômé·e, au lieu de revenir dans sa communauté, l’artiste aura l’option de poursuivre les débouchés possibles au sein de sa nouvelle communauté, contribuant à l’érosion du bassin artistique déjà fragile de sa communauté d’origine. »

Baisse des revenus

« Au chapitre des revenus, dans l’ensemble, on constate une légère diminution depuis 2001 », indique le rapport. Les sources de revenus des artistes proviennent principalement des subventions que des ventes d’œuvres. Ce qui s’explique notamment, selon les auteurs, par le peu de représentation dans les galeries privées.

Les artistes qui ont répondu au sondage lancé par l’AGAVF en prévision de l’étude ont répondu dans une proportion de 46 % que leurs revenus artistiques ne dépassaient pas les 25 000 $ par année. En fait, un peu plus du quart de ce groupe enregistre des revenus artistiques annuels sous la barre des 15 000 $. Les répondants ont affirmé que près de la moitié de leurs revenus annuels provenaient d’activités non reliées aux arts.

Au palier provincial, selon Anne Bertrand, les bourses de création en arts visuels demeurent très modestes. L’étude rapporte une moyenne variant de 5 000 $ à 18 000 $ dans les CFSM, contre un maximum de 50 000 $ établi par le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ).

Somme toute, sans tirer de conclusion générale, le rapport émet 31 recommandations au secteur pour permettre à tous les acteurs de pouvoir contribuer à la vitalité des arts visuels en français au Canada.