Par Alex PIGMAN

Si les pouvoirs de l’IA générative en ont effrayé plus d’un, jusqu’à susciter des appels à geler son développement, le lancement du robot conversationel de la start-up californienne OpenAI en novembre est tombé à point nommé pour le monde de la “tech” jusqu’ici affaiblit.

En 2022, le secteur a été marqué par des renvois massifs de personnel parmi les géants américains du web et le tarissement des investissements dans les start-up provoqué par la chute des cryptomonnaies.

Mais bien qu’ils restent convaincus que l’intelligence artificielle est là pour rester, des doutes commencent à émerger parmi les centaines de start-up et investisseurs réunis à la conférence technologique Collision de Toronto.

“Nous avons fait trois pas dans une course de 10 km”, soutient Adam Selipsky, directeur de la filiale d’Amazon AWS, la plus grande entreprise de “cloud” (hébergement de données accessibles à distance) au monde, qui compte bien tirer profit de l’engouement pour cette nouvelle technologie.

“La question est de savoir où vont les coureurs. À quoi ressemble le parcours? Ou encore qui regarde la course?” lance-t-il devant une salle bondée, située non loin des rives du lac Ontario.

AWS est le grand rival de Redmond, la société de Microsoft basée à Washington qui a pris le monde par surprise au début de l’année en se lançant tête baissée dans la ruée vers l’or que représente ChatGPT.

Avec ses milliards investis dans OpenAI, Microsoft a lancé une véritable course à la technologie à laquelle Google a été le premier a participé en multipliant ses produits teintés d’IA, poussant toutes les entreprises de la “tech” à développer de nouvelles compétences.

“Comme pour beaucoup de choses, je pense que l’IA est surestimée à court terme et sous-estimée à long terme”, confie Jordan Jacobs de Radical Ventures, une société de capital-risque qui a investi massivement dans le secteur.

“Mais la différence avec l’IA, c’est qu’une fois déployée, elle devient de plus en plus performante”, ajoute-t-il, soulignant qu’il y a un réel désavantage à se retrouver en deuxième position, ce qui n’était pas le cas lors de l’avènement de l’ordinateur personnel ou du smartphone qui a profité à ceux qui ont su attendre, à l’image d’Apple.

Avec l’IA, les choses sont différentes comme le montre le pari de Microsoft qui semble porter ses fruits, laissant le géant aux commandes du marché.

Il faut toutefois se méfier et ne pas tout miser sur une seule compagnie, avertissent plusieurs acteurs du secteur dont Adam Selipsky. Surtout lorsque l’on parle d’une technologie qui se nourrit essentiellement de données et de ressources informatiques.

– Une question de choix –

Des centaines d’entreprises et de gouvernements sont allés jusqu’à interdire à leurs employés d’utiliser ChatGPT, craignant que des informations sensibles ne soient téléchargées pour enrichir le vaste modèle linguistique et ne deviennent ainsi accessibles à tous.

L’un des “critères qui revient le plus souvent parmi nos clients à travers le monde, c’est le choix”, souligne le patron d’AWS.

“Le monde a besoin d’avoir accès à toute une série de modèles, le tout sur une plateforme de confiance qui offre la protection que l’on exige”, explique-t-il.

À Collision, Booking.com, le géant du voyage en ligne, a lancé un nouveau produit utilisant ChatGPT afin d’offrir une expérience conversationnelle aux utilisateurs qui planifient des voyages.

“Ce n’est qu’un début”, confie Rob Francis, directeur technologique de Booking.com, à l’AFP.

Les modèles d’OpenAI ou de Google “sont parfaits pour un usage général”, comme discuter de projets de vacances, explique-t-il, mais pour des utilisations plus sensibles; les entreprises “vont commencer à utiliser leurs propres modèles, plus personnalisés”.

Face à l’engouement autour de l’IA générative, les start-up aussi doivent rester sur leur garde, prévient Vincent Harrison, de la société de recherche PitchBook.

“Les gens restent prudents quant aux investissements dans les start-up”, explique-t-il, soulignant que “les transactions sont en baisse, les levées de fonds sont en baisse et les introductions en bourse n’ont probablement jamais été aussi mauvaises depuis la crise financière mondiale”.

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