Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté
Au début du mois de juin, alors que le mois des Fiertés était à peine entamé, Francine Champagne était suspendue pendant trois mois de ses fonctions de commissaire scolaire. En effet, cette dernière avait publié des messages jugés offensants envers la communauté LGBTQ2S+ sur sa page Facebook. Une décision qui avait du sens pour Ryan Palmquist. « Le contenu était du discours haineux qui visait particulièrement les jeunes et les étudiants. Il était clair qu’elle avait brisé le code de conduite et de respect à tenir au sein de nos écoles.
« Depuis plusieurs années, la DSLR travaille vraiment fort pour créer un espace sécuritaire autant pour les élèves que pour le personnel. »
Mais pour Ryan Palmquist, un stade personnel avait été dépassé dans son envie d’en faire plus pour les droits des personnes qui s’identifient LGBTQ2S+. « Depuis ma vingtaine, je sais que je suis bisexuel. Accepter cette identité, et qui j’étais, a été tout un processus dans ma vie. Il yalefaitdesavoiretlefait d’accepter. Ce sont deux états bien distincts.
« Mon voyage n’a pas été facile. Il y a eu beaucoup de douleur, de questionnements et d’humiliation. »
Avec beaucoup de courage, Ryan Palmquist partage des moments difficiles de son passé et de son parcours vers une meilleure acceptation de lui-même. « Je me suis parfois mis en danger. Ce voyage m’a plongé dans l’alcool, dans l’anxiété et dans des comportements autodestructeurs. Ce sont des moments que j’ai réussi à surmonter. Et quand je vois l’environnement que la DSLR veut offrir aux enfants, je me dis que si j’avais pu connaître ces environnements sécuritaires, j’aurais peut-être évité certains comportements.
« Mais je sentais que je vivais encore dans un espace de privilège parce que je suis marié à une femme, j’ai des enfants. Alors ma bisexualité n’était pas vraiment exposée, j’étais protégé de la biphobie. À cette réunion, j’ai eu une prise de conscience que je devais être un exemple pour nos élèves. Par la suite, j’ai révélé ma bisexualité. »
« Au début, la haine en ligne, je pouvais la gérer. Leur haine était diluée dans l’affection des gens. Mais en personne, voir ces personnes se déplacer pour m’insulter, me menacer, c’était vraiment difficile pour moi. »
Ryan Palmquist
Revers de la médaille
Un acte de courage, certes. Mais qui par la suite a entraîné une vague de haine contre Ryan Palmquist. « C’était évidemment stressant de faire ma sortie de placard. J’ai reçu tellement de soutien et de messages d’amour de la part de gens que je connais et de gens que je ne connais pas!
« Mais très rapidement, il y a eu des conséquences. Je suis devenu la cible d’une personne en particulier, qui me harcelait en ligne. »
Si la haine a commencé en ligne, elle a atteint un point de non-retour lors de la dernière réunion de la commission scolaire de la DSLR. « Environ une quarantaine de personnes sont venues à la réunion. Très rapidement, la présidente de la commission a expliqué que la salle était à capacité. Il n’y a que très rarement autant de personnes à une réunion de commission.
« Les choses ont très vite escaladé. Il y a eu des injures lancées autant envers moi qu’envers mes collègues. J’ai reçu beaucoup d’insultes biphobes et de propos tirés de théories du complot. »
Se tenir droit
Face à ce débordement, les commissaires ont dû improviser un plan pour tenir la réunion puisque des questions urgentes devaient être réglées. La décision est prise de placer Ryan Palmquist dans une pièce à part et de le faire participer en Zoom. En effet, comme l’explique la présidente de la commission scolaire, Sandy Nemeth, le sentiment d’insécurité ne faisait que grandir. « La demande faite à certaines personnes de se déplacer dans le couloir extérieur pour respecter les limites de capacité des salles prévues par le code incendie a été accueillie avec hostilité. Face à cette réaction, il a été convenu que demander à ces personnes de quitter la réunion se heurterait à une résistance accrue, et nous ne voulions pas que les administrateurs ou le personnel soient davantage mis en danger. »
Pourtant Ryan Palmquist aurait souhaité faire front pour montrer que la haine ne gagnerait pas. « Je voulais vraiment leur faire comprendre que la force et la haine ne l’emporteraient pas ce soir-là. Mes collègues avaient évidemment peur pour moi, surtout que l’un des individus s’est montré physiquement menaçant envers moi. Moi aussi, j’avais peur. Mais je ne voulais vraiment pas leur montrer.
« Au début, la haine en ligne, je pouvais la gérer. Leur haine était diluée dans l’affection des gens. Mais en personne, voir ces personnes se déplacer pour m’insulter, me menacer, c’était vraiment difficile pour moi. »
Venu en vélo à cette réunion, Ryan Palmquist a profité de la session de questions-réponses pour rentrer chez lui avant que les manifestants ne sortent de la réunion. Aucune plainte n’a été déposée de son côté, Ryan Palmquist souhaitant calmer les tensions.
La commission scolaire travaille actuellement sur un plan pour que ce genre de situation ne se produise plus et pour que les commissaires scolaires se sentent en sécurité. La présidente de la commission scolaire note que « ce processus est en cours et je ne peux pas en dire plus pour l’instant ».
Éducation et sensibilisation
Pour Martin Bouchard, directeur général du Comité FrancoQueer de l’Ouest, les choses sont assez claires. « Toutes ces situations montrent qu’il y a encore un véritable besoin d’éducation et de sensibilisation. Que ce soit au sujet des personnes qui s’identifient LGBTQ2S+, des personnes racisées et de toutes les personnes qui peuvent vivre des situations de discrimination et de harcèlement. »
Ryan Palmquist alarme sur la situation. « Ce qui m’est arrivé arrive tous les jours à des personnes qui n’ont peut- être pas la chance de se faire entendre. C’est préoccupant. Les discours de haine, d’extrême- droite, de théorie du complot se propagent très rapidement. Notre société doit être vigilante et redoubler d’efforts à l’école pour préserver des espaces sécuritaires. »