C’est en effet le moment où paraît rituellement la nouvelle édition annuelle – en l’occurrence datée de 2024 – du Petit Larousse et du Petit Robert. Chacun des deux dictionnaires comporte toujours environ 150 nouveaux mots, expressions et sens choisis par son équipe de lexicographes.

Ces spécialistes analysent en permanence le contenu des médias, des livres récemment publiés et des réseaux sociaux afin de repérer les principales nouveautés langagières qui fleurissent dans la société. Ils retiennent celles qu’une bonne partie de la population utilise fréquemment et durablement. Les néologismes dont l’usage est très limité ou probablement éphémère ne sont donc pas retenus.

Parce qu’ils reflètent l’usage courant du vocabulaire, le Petit Robert et le Petit Larousse sont en quelque sorte des miroirs de notre société. Ils en révèlent l’évolution à travers les nouveaux termes et usages qui apparaissent dans chaque édition annuelle. 

Sans surprise, les deux éditions de 2024 comportent un grand nombre de nouveautés qui traduisent notre préoccupation environnementale croissante. L’entrée du mot réensauvagement dans le Petit Larousse prouve que cette création terminologique de la Commission d’enrichissement de la langue française (France) s’est bien implantée dans l’usage. Inspirée de l’anglais « rewilding », elle désigne un mode de protection de l’environnement consistant à rendre aux écosystèmes leur caractère naturel.

Du côté du Petit Robert, mentionnons l’entrée des mots microplastique, biocombustible et réparabilité (d’un appareil) ainsi que de trois expressions : la dette climatique, que les pays les plus polluants contractent à l’égard des pays les plus touchés par le dérèglement climatique; les zones à faibles émissions (ZFÉ), interdites aux véhicules les plus polluants; et le stationnement incitatif, terme d’origine canadienne qui désigne un lieu où les automobilistes sont encouragés à stationner leur véhicule afin d’emprunter les transports en commun.

Pour clore le chapitre environnemental, signalons l’arrivée dans les pages du Petit Robert de trois jolies expressions animalières : le passage à faune, aménagé pour permettre aux animaux de franchir sans risque une voie de circulation, et deux variantes de celui-ci : l’écopont, permettant aux animaux de passer par-dessus la route; et l’adorable crapauduc, canalisation empruntée par les batraciens sous la route.

L’identité de genre, autre thème omniprésent dans nos sociétés, apporte aussi son lot de nouveaux mots. Après avoir accueilli en 2023 le verbe dégenrer, qui désigne le fait de supprimer les distinctions de genre pour favoriser la mixité et l’égalité, le Petit Robert ajoute dans l’édition 2024 son cousin le verbe mégenrer, désignant le fait d’attribuer à une personne, volontairement ou non, un genre auquel celle-ci ne s’identifie pas.

De son côté, le Petit Larousse accueille en 2024 le mot antisexisme, qui amplifie la notion traditionnelle de féminisme en étendant la revendication d’égalité aux personnes transgenres et non binaires.

Alors que la covid-19 a beaucoup enrichi notre vocabulaire de 2020 à 2022 (déconfinement, gestes barrières, covidé, etc.), la forte régression de la pandémie en 2023 a logiquement réduit son influence sur la création langagière. Néanmoins, plusieurs néologismes liés à cette crise sanitaire font leur entrée dans l’édition 2024 du Petit Larousse ou du Petit Robert.

Exemples : la complosphère (ensemble des personnes qui participent à la diffusion d’idées jugées complotistes sur Internet) et, sur une note moins sombre, le localisme (doctrine favorisant l’économie de proximité), et un sens supplémentaire donné à l’adjectif hybride pour désigner une activité qui se déroule en partie en présence des participants et en partie à distance (réunion, cours, conférence hybride, p. ex.).

Notons enfin que l’édition 2024 du Petit Larousse mentionne pour la première fois la notion de guerre hybride (combinant des actions militaires et non militaires), ce qui traduit la forte présence du conflit russo-ukrainien dans l’actualité en 2023.