Par Simon Laplante.

Les quelques cas de prédation par des éducateurs qui ont été médiatisés depuis quelques années démontrent clairement que ce projet est nécessaire.

En revanche, là où notre gouvernement fait fausse route est l’idée d’introduire la notion de la compétence des éducateurs dans le même projet. Compétence et violence sont des choses bien différentes. Si un éducateur est un prédateur sexuel, il est évidemment incompétent. Un éducateur accusé d’être incompétent est loin d’être un prédateur.

La compétence d’un enseignant est une notion très subjective. Très souvent lorsque certains parents affirment qu’un enseignant est incompétent, d’autres parents de la même classe vont affirmer qu’il ou elle est tout à fait adéquat.e. La perception de certains parents de la compétence d’un enseignant est aussi très souvent influencée par les croyances religieuses ou politiques de ces derniers. On imagine facilement comment un enseignant qui promeut l’inclusion et la diversité dans sa classe conformément aux priorités de sa division scolaire pourrait être jugé très négativement par certains parents dans certains milieux. De plus, il ne faut pas oublier que la compétence d’un enseignant peut aussi être influencée par sa santé mentale, sa situation familiale et tous les défis que la vie peut nous présenter.

La diversité des approches pédagogiques utilisée par nos enseignants est essentielle dans le développement d’enfants équilibrés et capables de s’adapter à différentes réalités. Parce que ton enfant n’aime pas son professeur ou que ses résultats sont faibles, cela ne veut pas dire que le professeur est incompétent. Bien au contraire, c’est une opportunité pour l’enfant de se remettre en question et d’apprendre à vivre avec la diversité. Là où il y a lieu, de s’inquiéter est lorsqu’un enseignant utilise une discipline abusive, une pédagogie qui ne tient pas compte de l’individualité de ses élèves, un contenu qui ne respecte pas les curriculums ou qui inculque des valeurs qui ne sont pas supportées par la division scolaire.

Dans toutes nos divisions scolaires existe un processus qui permet à un parent de questionner la compétence d’un enseignant. Ce processus exige généralement qu’un parent discute de ses inquiétudes avec l’enseignant. Si la résolution du problème semble impossible, le parent peut faire un suivi avec la direction, puis l’administration centrale et finalement les commissaires ou le ministre de l’Éducation. Une direction d’école peut aussi décider suite à des observations et discussions qu’un enseignant présente suffisamment de lacunes pour qu’une évaluation de la performance de l’enseignant soit nécessaire. Encore une fois, il faut suivre un processus très spécifique pour s’assurer que les droits et la dignité de chaque individu soient respectés. Dans tous les cas, l’enseignant aura toujours droit à une représentation de son union, la Manitoba Teachers’ Society (MTS).

Si notre gouvernement ou le public en général considèrent que le processus existant ne fonctionne vraiment pas et qu’il y a lieu d’établir un système externe (ou Collège) pour juger de la compétence d’un enseignant, plusieurs conditions devront être considérées. D’abord, il faudra élaborer des critères très spécifiques pour évaluer la compétence d’un enseignant et la validité de la plainte. De plus, ce processus ne devrait vraiment pas être associé au projet de loi 35 qui cherche à identifier et éliminer des enseignants qui sont des prédateurs sexuels.

Dans le contexte où nous n’avons vraiment pas assez d’éducateurs, il faut s’assurer que nos enseignants ne sont pas dans une situation où ils doivent constamment surveiller leurs arrières ou craindre des représailles. L’anxiété professionnelle conduit trop souvent à l’abandon de la profession et cela est une tragédie dans le contexte où nous n’avons plus assez d’éducateurs pour répondre aux besoins d’apprentissage de nos enfants.