Marianne Dépelteau
« La dualité linguistique vient de perdre un ambassadeur hors pair. La francophonie canadienne vient de perdre un ami », regrette Liane Roy, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), dans une déclaration.
Keith Spicer a été journaliste, professeur d’université, assistant au ministre fédéral de la Justice Guy Favreau et le tout premier commissaire aux langues officielles du Canada, nommé par Pierre Elliott Trudeau.
Son mandat, de 1970 à 1977, était de faire la promotion de la Loi sur les langues officielles (LLO) adoptée en 1969.
« Il y a un demi-siècle, Keith Spicer a assumé la lourde tâche de veiller au respect d’une toute nouvelle loi à une époque où tout restait à faire, tant au niveau de la compréhension des obligations linguistiques que de l’acceptation sociale de l’idée même de deux langues officielles. Il s’est acquitté de cette responsabilité avec patience, persistance et éloquence », affirme Liane Roy.
Celui qui a lancé le bal
« C’est un choc d’apprendre la nouvelle », se désole François Larocque, titulaire de la Chaire de recherche, Droits et enjeux linguistiques de l’Université d’Ottawa.
Celui qui a beaucoup étudié les travaux de Keith Spicer souligne « le rôle remarquable et historique au Canada qu’il a occupé en tant que premier commissaire aux langues officielles. »
« Ce n’était pas que le premier au Canada, mais le premier au monde. Jamais un autre pays n’avait créé un poste comme ça », note le chercheur.
Il explique que la LLO de 1969 prévoyait la nomination d’un commissaire aux langues officielles qui allait « conseiller le gouvernement sur ses obligations en vertu de cette loi ».
« Je pense qu’on peut saluer le sérieux et l’aplomb avec lequel il a mené ce dossier pendant qu’il était en fonction. »
«Un homme de grande culture»
Selon François Larocque, les rapports de Keith Spicer sont uniques dans leur genre : « Quand on lit le ton des rapports de Spicer, comparés à ceux de Raymond Théberge et des commissaires précédents, on remarque que c’est très différent : le ton est plus littéraire. »
« Il y avait parfois même des envolées poétiques et ça montrait peut-être un peu sa personnalité, un homme de grande culture qui voyait son rôle comme champion des deux langues officielles au Canada, poursuit-il. Il voyait l’esthétique du rôle. »
Quelques moments marquants
Au cours de son mandat, Keith Spicer aura insisté sur le respect des deux langues au sein de l’appareil gouvernemental, fait la promotion de l’immersion française dans les écoles anglophones et participé à la création de Canadian Parents for French (CPF).
En 1976, il gère le dossier de la « crise des gens de l’air » commencée par la requête de l’Association des gens de l’air du Québec à faire appliquer la LLO dans l’espace aérien québécois afin d’y permettre l’utilisation du français.
Après une grève de contrôleurs aériens et de pilotes anglophones, le gouvernement crée la Commission d’enquête sur le bilinguisme dans les services de contrôle de la circulation aérienne au Québec.
Keith Spicer a aussi été président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) de 1989 à 1996, où il a fait la promotion d’émissions de télévision canadiennes et du soutien aux artistes.
Keith Spicer s’est éteint à l’âge de 89 ans à l’Hôpital d’Ottawa.