Par Paula RAMON (Kelowna) avec Michel COMTE à Ottawa
Le pays connaît cette année la plus intense saison des feux de son histoire : près de 16 millions d’hectares ont brûlé et 200 000 personnes ont été déplacées, notamment dans l’Ouest et le Grand Nord.
De nombreuses régions sont à l’arrêt, des secteurs affectés : petit à petit, la facture et l’impact économique grossit pour ce pays du G7.
« Nous sommes confrontés à une saison assez dévastatrice en termes de visites et de ventes dans les vignobles », explique à l’AFP Joanna Schlosser, qui a dû fuir sa maison en quelques minutes en pleine nuit.
Plus de 200 habitations ont été détruites par les flammes dans cette région cossue et très touristique de Colombie-Britannique.
Cette année, la manne touristique a été fortement réduite, les voyageurs fuyant les incendies et les fumées qui asphyxient la région depuis des semaines. Avec l’aéroport et l’autoroute principale de la ville de Kelowna temporairement fermés, dégustations, mariages et autres événements ont été annulés.
« Chiffres mauvais »
Dans une note, Stephen Brown, analyste pour Capital Economics, explique qu’en principe, les feux de forêt ont peu de conséquences mesurables sur l’économie canadienne.
Mais cette année, « ils sont si étendus que nous constatons un impact plus important que d’habitude ».
Ils semblent « être à l’origine d’une grande partie de la faiblesse récente du PIB », et comme la saison des feux n’est pas terminée, « les chiffres devraient rester mauvais dans les mois à venir », a-t-il ajouté.
Le Canada a vu son économie se contracter de 0,2 % au deuxième trimestre et le début du troisième trimestre suit la même tendance.
Parmi les facteurs ayant contribué à cette baisse, on retrouve « les feux de forêt qui ont interrompu la production de pétrole et de gaz en mai et limité l’activité des consommateurs en juin », selon James Orlando, de la banque TD. Autre secteur touché : la filière du bois, qui emploie plus de 30 000 personnes dans le pays.
Dans un rapport de juin, Oxford Economics avait averti que les incendies de forêt pourraient réduire la croissance économique du Canada cette année de 0,3 à 0,6 point de pourcentage.
Cependant, le bilan n’est « pas aussi mauvais qu’il aurait pu l’être », a déclaré Tony Stillo, d’Oxford Economics.
« Même si les incendies de forêt sont historiquement importants, ils se produisent dans des zones plus reculées, avec moins d’incidences sur les grandes populations, les centres économiques ou les couloirs de transport – ce qui pourrait couper les lignes d’approvisionnement », a-t-il expliqué.
Multiplication des catastrophes
Dans son nouveau plan d’adaptation au climat, Ottawa estime le coût annuel de la lutte contre les incendies de forêt à 1 milliard de dollars canadiens.
Et souligne surtout que, selon l’Institut canadien du climat, les changements climatiques, qui aggravent les épisodes de sécheresse et donc rendent plus probables et fréquents les feux de forêt, pourraient réduire de moitié la croissance économique prévue du Canada au cours des prochaines années.
D’ici 2030, les pertes annuelles moyennes dues aux catastrophes devraient atteindre 15,4 milliards de dollars canadiens.
Les pertes des assurances ont déjà quintuplé depuis 2009 pour atteindre plus de 2 milliards de dollars canadiens par an, selon le Bureau d’assurance du Canada, qui représente diverses sociétés privées d’assurance.
Jason Clark, qui travaille pour cet organisme, se dit préoccupé car les Canadiens ne sont plus confrontés à une catastrophe toutes les décennies mais plutôt à « plusieurs événements qui s’enchaînent au cours d’une seule année » – incendies, inondations, vagues de chaleur, tempêtes…
« Quand les pays connaissent régulièrement de grosses pertes, cela a un impact significatif sur les évaluations des risques et les primes d’assurance, ajoute-t-il. Nous devons être mieux préparés. »