Les chef.fe.s Dougald Lamont (Parti libéral), Heather Stefanson (Parti progressiste-conservateur, PC) et Wab Kinew (Nouveau Parti démocratique, NPD) se sont livrés à une joute verbale le 21 septembre. Le débat, diffusé sur les ondes de CBC Manitoba et animé par Mary Agnes Welch, aura duré une heure, et pour le professeur adjoint en science politique à l’Université de Winnipeg, Félix Mathieu, un candidat en particulier a su tirer son épingle du jeu.
« Wab Kinew avait beaucoup à perdre durant ce débat puisqu’il est celui qui a le vent dans les voiles dans les sondages. Pourtant, il a remporté la joute partisane, et ce, dès les premiers instants. »
Félix Mathieu fait état d’un discours d’ouverture et d’une attitude générale tout au long du débat plus théâtrale « dans sa manière d’aller chercher les sentiments des électeurs ». En effet, pendant le discours d’ouverture des chef.fe.s candidat.e.s, Wab Kinew s’est adressé directement à la caméra, aux électeurs, sans jamais consulter ses notes. Et ce, tout au long de cette heure d’antenne, « pour aller toucher l’électeur dans son foyer ».
Une technique connue des politiciens, mais qui a été plus difficile à mettre en place du côté d’Heather Stefanson et de Dougald Lamont, selon le professeur.
Toujours selon Félix Mathieu, le candidat néo-démocrate a projeté toute la soirée l’image d’un « Premier ministre en attente », un candidat qui connaissait ses dossiers, préparé à répondre à toutes les questions, celles des journalistes comme celles des autres candidat.e.s qui l’avaient pris pour cible. Quoique certaines réponses données soient restées assez vagues.
Là encore, le politologue y voit un choix délibéré : « Le NPD s’est recentré sur le spectre idéologique pour essayer de plaire à un électorat beaucoup plus large que la base partisane. »
Un peu en retrait
« On avait parfois l’impression que le débat ne s’orchestrait pas vraiment autour de Dougald Lamont, de ses propositions. Finalement, même à travers les questions qu’Heather Stefanson lui a adressées, elle l’utilisait pour attaquer le NPD. »
Un constat que Félix Mathieu attribue à plusieurs choses. D’abord, le Parti libéral ne présente pas 57 candidats, mais 49. « La force politique du Parti n’est donc pas de la même nature que les deux autres. » Mais aussi et surtout, Dougald Lamont adopte un style de discours plus « cérébral ».
« Cela peut plaire à certaines personnes. On comprend à l’écouter qu’il maîtrise très bien ses sujets, qu’il connaît les enjeux politiques actuels et qu’il a une bonne mémoire de l’histoire politique de la province. Mais ses réponses ont peut-être parfois manqué un peu d’affect pour aller taper sur des cordes sensibles et faire réagir l’électorat. Ce qu’Heather Stefanson a tenté de faire, elle, à certains moments. »
Effectivement, presque autant qu’un programme, les citoyens élisent aussi un individu, une personne. « C’est pour cela que normalement, les partis tentent d’avoir des chefs qui sont plus populaires que le Parti. »
Des sorties intéressantes
Somme toute, Félix Mathieu souligne que tous les candidat.e.s ont fait des répliques intéressantes et remarquables.
Le sujet de la fouille du dépotoir Prairie Green, où les corps de Morgan Harris, Marcedes Myran, ainsi que celui d’une femme non identifiée seraient susceptibles de se trouver, a été abordé par trois fois par Heather Stefanson. « Dougald Lamont a fait ses sorties les plus remarquées de la soirée à ce moment-là. Lorsqu’il a déclaré que ce n’aurait pas dû être un sujet politisé ni un moyen de remporter des points politiques, on le sentait véritablement touché par ces enjeux et ces évènements-là. »
Heather Stefanson, elle, a brillé par ses attaques dirigées contre Wab Kinew. « Elle le répète à deux reprises, mais je crois que ça a été très efficace, lorsqu’elle lui a lancé : Vous êtes un grand parleur, mais un petit faiseur, fait valoir Félix Mathieu. Cette sortie-là, scriptée mais punchy, lui a permis également de se faire remarquer pendant ce débat. »
Côté néo-démocrate, c’est le style de discours galvanisant qui a payé. « En se référant à l’électorat comme le peuple du Manitoba, je crois que ça donnait une certaine hauteur au discours de Wab Kinew. »
Pas de grandes surprises
En rétrospective, l’expert fait état d’une campagne électorale sans grandes surprises, si ce n’est l’entrée en course à Winnipeg relativement tardive d’Heather Stefanson, en déplacement dans les municipalités lors de la première semaine de campagne.
En ce qui concerne les résultats du 3 octobre en revanche, rien n’est moins sûr. Félix Mathieu est revenu rapidement sur les promesses faites par les trois partis représentés le 21 septembre.
« Les Progressistes-conser- vateurs se sont peut-être fait avoir à leur propre jeu, dit-il. Le nombre de promesses est tel qu’il peut devenir étourdissant, ça peut être difficile de s’y retrouver. Mais ça donne tout de même l’impression qu’ils veulent alléger le fardeau fiscal des Manitobains.
« Les Libéraux ont quand même fait quelques sorties intéressantes, notamment sur le changement du mode de scrutin. Ce sont les seuls qui proposent quelque chose de la sorte ici au Manitoba. C’est une force d’originalité pour le Parti. »
En ce qui concerne le NPD, les promesses de rééquilibrer le budget vont devoir s’accom- pagner rapidement d’un plan chiffré pour rassurer l’électorat, conclut le politologue.
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