Difficile d’évoquer l’histoire du Musée de Saint-Boniface sans parler de celle de la congrégation des Soeurs Grises, fondée par Marguerite d’Youville au milieu du 18e siècle. En 1844, « dans le but de soutenir les activités missionnaires au Manitoba », comme l’explique l’Encyclopédie canadienne, une partie des soeurs a suivi l’évêque Joseph-Norbert Provencher dans son voyage vers l’ouest. 

Un an après leur arrivée, la construction d’un couvent, futur Musée de Saint-Boniface, se met en place. L’abbé Louis- François Richer Laflèche en est le concepteur. 

« En 1845, l’abbé Laflèche et les soeurs ont tracé les fondations. La construction a commencé en 1846. C’est à la fin de l’année 1848 que les soeurs grises ont déménagé dans l’édifice, mais il n’était pas complété. Il n’y avait pas de toit encore, elles se servaient seulement du rez-de-chaussée. L’édifice a finalement été déclaré comme complété en 1851. Il a fallu ensuite attendre les années 1880 pour voir l’agrandissement de la chapelle », rappelle Philippe Mailhot. 

« Les architectes d’aujourd’hui disent que c’est le fruit d’un mariage entre une architecture britannique de l’époque géorgienne et des éléments canadiens-français. Et cette architecture et ce mariage, tout indique que c’est un symbole. Un symbole de notre communauté qui dit : Nous sommes là depuis longtemps. » 

Philippe Mailhot

Legs des Soeurs Grises 

Si Philippe Mailhot n’a que peu d’informations sur l’abbé Laflèche, on sait qu’il est reparti quelques années plus tard vers l’est pour devenir évêque de Trois-Rivières. (1) 

L’historien revient en revanche sur quelques détails de la construction. « C’est une main-d’oeuvre métisse qui a construit l’édifice. Les pièces de chêne ont été coupées et préparées à Pembina. Car en ce temps-là, il était difficile de trouver des 

arbres assez grands dans les régions de la rivière Rouge ou même à La Fourche, car tout était déjà parti pour d’autres constructions. » 

Philippe Mailhot rappelle aussi quelques anecdotes qui ont à un moment ou un autre ralenti le processus de construction. « Il y a eu des échafauds qui sont tombés et plusieurs charpentiers se sont blessés. » 

Cette fameuse charpente en rondins de chêne, qui a entraîné plusieurs difficultés, est aujourd’hui ce qui fait toute la spécificité du Musée de Saint-Boniface. Mais quelles ont été les inspirations de l’abbé Laflèche pour construire ce bâtiment de cette façon? « Les architectes d’aujourd’hui disent que c’est le fruit d’un mariage entre une architecture britannique de l’époque géorgienne et des éléments canadiens-français. Et cette architecture et ce mariage, tout indique que c’est un symbole. Un symbole de notre communauté qui dit : Nous sommes là depuis longtemps. » 

Philippe Mailhot
Philippe Mailhot. (photo : Archives La Liberté)

Un lieu, plusieurs fonctions 

Couvent, école, infirmerie, refuge, cet édifice a eu plusieurs rôles avant d’ouvrir ses portes comme musée en 1967. Un élargissement des activités qui va d’ailleurs déboucher sur la création de l’Hôpital de Saint- Boniface en 1871 par les Soeurs Grises. « L’édifice est reconnu comme le premier hôpital, le premier orphelinat, première maison d’âge d’or, premier asile dans l’Ouest canadien », souligne Philippe Mailhot. 

En 1958, en raison de son intérêt architectural et historique, l’édifice a été déclaré lieu national historique par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada. Puis, en 1963, la Ville de Saint-Boniface conclut un bail de 99 ans avec les propriétaires de l’époque : les Soeurs Grises. Cette mise en place administrative entraîne plusieurs plans de restauration d’un bâtiment qui a déjà plus d’un siècle à ce moment-là. 

« À ce point-là, avec l’assistance du gouvernement fédéral et de la Province je pense, et incluant la Ville de Saint-Boniface, Étienne Gaboury était responsable de faire des rénovations comme telles. Il a complètement vidé l’édifice de certaines pièces de chêne, il a remplacé les planches extérieures, il a renforcé l’intérieur de l’édifice avec des poteaux métalliques ici et là, et mis des câbles pour essayer de retenir les murs en place. Il a fait ce qu’il pouvait faire à l’époque pour renforcer l’édifice », détaille Philippe Mailhot. 

Nombreux travaux 

Le sujet des rénovations n’est pas nouveau. À la fin des années 1980, Philippe Mailhot devient directeur du musée. L’une de ses toutes premières missions est d’assurer certains travaux. Le musée obtient alors en 1990 une aide de 1 264 000 $ pour réhabiliter le bâtiment. 

« C’était un grand projet de rénovation. On a eu aussi l’assistance de la Province, de la Ville de Winnipeg et d’organismes comme la Winnipeg Foundation. On a amélioré l’intérieur, renforcé le toit, l’accessibilité, l’électricité. C’était vraiment un grand projet qu’on a terminé en 1995. » 

Pas surpris de voir le bois à nouveau souffrir présentement, Philippe Mailhot aurait tout de même aimé plus de ressources pour avoir du personnel complètement dédié à la maintenance de l’édifice. 

« C’était l’un de mes rêves d’avoir quelqu’un à plein temps dédié à ne rien faire d’autre que de travailler sur l’édifice. On n’avait pas les ressources pour faire ça. Même après les périodes de grands travaux, il y avait toujours des petites retouches de peinture ou des réparations qui coûtaient de l’argent. Et l’on n’avait pas ces moyens », admet Philippe Mailhot, qui est resté directeur jusqu’en 2014. 

Philippe Mailhot souhaite désormais tout le succès possible à la direction actuelle pour remettre en bon état le Musée de Saint-Boniface. Et alors que la communauté s’est longtemps battue pour sauvegarder ce patrimoine, l’historien ne pense pas que les créateurs auraient imaginé voir le bâtiment debout aussi longtemps. 

« Ce qui me fait rire, c’est qu’à l’époque, le couvent était un des édifices les plus imposants de la colonie de la Rivière-Rouge. Mais quand les soeurs grises en parlaient, elles parlaient de leur petite maison blanche. Comparée à leur résidence à Montréal, c’était quelque chose de très modeste. Et j’ai l’impression que pour les soeurs grises, cette petite maison blanche était temporaire, jusqu’à ce qu’elles puissent construire quelque chose de plus solide en briques et en pierre. » 

(1) Plus d’information sur l’abbé Laflèche : http://www.biographi.ca/fr/bio/lafleche_louis_francois_12F.html