Dans ce plan, le Fédéral vise un 6 % d’immigration francophone hors Québec en 2024. Bien loin de la cible de 12 % demandée par la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA). 

Après avoir difficilement atteint la cible de 4,4 % d’immigrants d’expression française hors Québec l’an passé, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, a annoncé le plan pour les prochaines années : 6 % en 2024, 7 % en 2025 et 8 % en 2026. Si l’IRCC évoque des « objectifs ambitieux », les organismes francophones, à l’unisson, parlent plutôt de déception. « Nos membres et l’ensemble de la FCFA sont encore très déçus des cibles annoncées. Malgré tout, on ne va pas s’arrêter là, il faut poursuivre le travail et voir aux prochaines étapes », lance Liane Roy, présidente de la FCFA.

Même constat pour la Société de la francophonie manitobaine (SFM), qui avait beaucoup d’espoir depuis que le projet de loi C-13 sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles a reçu la sanction royale au mois de juin. « On parlait de l’immigration comme outil clé pour rétablir le poids démographique des francophones au Canada. Mais les cibles annoncées pour les trois prochaines années vont au mieux maintenir le poids actuel, mais pas l’améliorer. On a l’impression que ce message n’a pas été bien compris, alors que nous sommes seulement quatre mois après la modernisation de la loi. Il est certain que ça prendra plus qu’un 6, 7 ou 8 % pour rétablir le poids démographique », souligne Derrek Bentley, vice-président du conseil d’administration de la SFM.

Derrek Bentley
Derrek Bentley, vice-président de la SFM. (photo : Marta Guerrero)

Une voie spéciale pour l’immigration francophone

À noter que la nouvelle Loi sur les langues officielles inclut une obligation pour le gouvernement de voir au rétablissement du poids démographique des communautés francophones en situation minoritaire à ce qu’il était en 1971, soit 6,1 %. « Ça nous interroge sur la volonté politique du gouvernement, ajoute Derrek Bentley. La cible de 12 % demandée était simplement un début. Donc on se pose des questions. Ça nous oblige à réévaluer les stratégies pour voir avec le gouvernement et d’autres partenaires pour rétablir le poids démographique si, à la fin, ce n’est pas par l’immigration. »

Pour « tourner la page », la FCFA veut aller de l’avant et demande « un programme spécifique, distinct pour les francophones ». « On est convaincu, plus que jamais, qu’on ne fait pas de l’immigration francophone comme on fait de l’immigration avec d’autres pays, la Chine, l’Inde ou les Philippines par exemple. Les grands bassins francophones sont en Afrique. Il faut donc avoir des critères faits spécifiquement pour cette clientèle-là. »

Selon Liane Roy, cette demande spécifique irait de pair avec ce qui est déjà demandé dans la nouvelle Loi sur les langues officielles, à savoir la politique en immigration francophone et le retour au poids démographique de 1971. 

« On est convaincu, plus que jamais, qu’on ne fait pas de l’immigration francophone comme on fait de l’immigration avec d’autres pays, la Chine, l’Inde ou les Philippines par exemple. Les grands bassins francophones sont en Afrique. Il faut donc avoir des critères faits spécifiquement pour cette clientèle-là. »

Liane Roy

Quelle qualité d’accueil?

À l’instar des cibles francophones hors Québec, c’est toute une politique d’immigration qui est en train de se stabiliser. Le gouvernement du Canada a d’ailleurs maintenu son objectif de 485 000 résidents permanents pour 2024 et veut atteindre 500 000 en 2025. Ces chiffres stabilisés ont notamment pour objectif de tenir compte « des pressions exercées dans des domaines tels que le logement, les soins de santé et les infrastructures », explique l’IRCC. 

Cela interpelle sur les capacités d’accueil et d’inté-gration d’un bout à l’autre du pays. L’immigration franco-phone hors Québec n’échappe pas à cette réalité. « De ce côté-là, on a toujours été très innovants. Je pense que si on avait des cibles plus élevées, on serait capable de trouver des solutions pour le logement et l’accueil de ces gens dans de bonnes conditions. La pénurie de main-d’oeuvre est là. On a besoin de 12 000 enseignants et 9 000 places en garderie en français. Les secteurs du tourisme, de la culture, des programmes sociaux ont aussi besoin de gens », énumère Liane Roy, qui rappelle également que plus de fonds sont prévus dans le Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028 pour l’immigration. 

Pour Derrek Bentley, les cibles et les services vont de pair. Et une intégration réussie passe par la collaboration entre les différents paliers de gouvernement. « Ça fait déjà un moment qu’on propose tout un volet francophone à l’IRCC. C’est une différente façon de faire pour s’assurer que les gens qui arrivent soit bien accueillis. Donc on mène de front ces deux parties ensemble : les cibles, et améliorer nos processus pour appuyer ces arrivants. Ça doit être fait par et pour les communautés. Et de ce qu’on entend, les cibles sont d’ailleurs un bon exemple, il ne semble pas y avoir nécessairement l’ouverture pour faire ce travail-là. »