L’étudiant en génie biomédical à l’Université du Manitoba présentera sa recherche lors d’une conférence internationale aux États-Unis, du 11 au 15 novembre prochains.

Le Manitobain d’adoption depuis 2008, Jarrad Perron, 33 ans, originaire de North Bay au nord-est de l’Ontario, sera à Washington DC du 11 au 15 novembre 2023 pour participer à la conférence annuelle de la Society for Neuroscience.

Étudiant en 3e année de doctorat en génie biomédical à l’Université du Manitoba, il y présentera les résultats de sa recherche sur l’évolution de la maladie d’Alzheimer et comment la prédire.

Accueil positif

« J’ai déjà présenté ma recherche à des conférences à l’Université du Manitoba, ainsi qu’aux niveaux municipal et provincial, révèle Jarrad Perron. L’accueil a toujours été très positif, j’ai même gagné des prix. » Cette fois-ci, ce sera la première fois qu’il parlera de ses travaux à une conférence internationale.

Il détaille l’objet de sa recherche, qu’il mène depuis deux ans avec l’appui de son directeur de recherche à l’Université du Manitoba, Ji Hyun Ko, professeur adjoint au département d’anatomie humaine et science cellulaire : « Ma recherche se situe à l’intersection entre l’intelligence artificielle, l’imagerie cérébrale et le traitement de la maladie d’Alzheimer.

« J’ai développé un outil d’intelligence artificielle (IA) qui peut prédire, pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer qui ont une déficience cognitive légère, si leur maladie va évoluer en démence ou non. »

Pour cela, Jarrad Perron utilise des données d’imagerie médicale de la personne, des PET scans, dans lesquels son outil a été programmé pour rechercher des marqueurs caractéristiques de la démence.

« J’ai pu enseigner à mon modèle d’IA à prédire l’évolution avec une précision de 73 % en cas de future démence, et de 99 % en cas de stabilité de la déficience cognitive légère. L’outil donne une probabilité de X % que la personne va développer une démence dans les trois prochaines années. »

Il ajoute que n’importe quel hôpital équipé d’un département de cancérologie aurait l’équipement nécessaire pour utiliser son outil d’IA.

« Ma recherche se situe à l’intersection entre l’intelligence artificielle, l’imagerie cérébrale et le traitement de la maladie d’Alzheimer. »

Jarrad Perron

Prendre en main son avenir 

L’outil développé par le doctorant francophile va aider les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer à préparer leur avenir sans prendre de risques inutiles. Jarrad Perron explique :

« Le 6 janvier dernier, un nouveau médicament, le Leqembi, aussi connu sous le nom de Lecanemab, a été approuvé aux États-Unis pour traiter la maladie d’Alzheimer au stade léger. C’est le premier et unique médicament à ce jour capable de retarder les symptômes cognitifs de la maladie d’Alzheimer.

« Mais ce médicament coûte très cher, environ 30 000 $ US par an, il doit être pris à vie, et il peut être dangereux. Ses possibles effets secondaires incluent une hémorragie cérébrale et un oedème du cerveau. »

En outre, ce médicament cher, dangereux et contraignant n’est pas toujours nécessaire. « Il est possible d’avoir la maladie d’Alzheimer sans jamais développer de démence lourde, affirme Jarrad Perron. Seuls 7 % environ des malades d’Alzheimer progressent en démence chaque année.

« Les 93 % restants continuent de pouvoir fonctionner de manière relativement indépendante malgré la maladie. Donner un tel médicament à quelqu’un alors que ce n’est pas vraiment nécessaire, ce n’est pas éthique. »

Se préparer

L’étudiant chercheur pense donc que son modèle d’IA va donner l’information nécessaire aux personnes pour qu’elles fassent le bon choix vis-à-vis du médicament, quand elles peuvent se le permettre financièrement. Et plus généralement, pour qu’elles puissent avoir un contrôle sur les prochaines années de leur vie, et si besoin préparer leurs affaires avant l’arrivée de la démence.

« Aujourd’hui, indique-t-il, sans mon outil, les neurologues réussissent à prédire la progression de la maladie d’Alzheimer de leurs patients avec une précision de seulement 50 %. »

Il souligne également l’impact de sa recherche sur le système de santé : « Alzheimer est la maladie dégénérative la plus commune aujourd’hui, et sa prévalence va continuer d’augmenter à mesure que les Baby-Boomers atteignent l’âge de 60-70 ans. En effet, l’âge est un facteur important dans le développement de la maladie d’Alzheimer. 

« Le système de santé tel qu’il est actuellement ne pourra pas faire face à la demande. C’est d’ailleurs ce qui a motivé mon sujet de recherche. »

Un parcours avantageux 

Outre son intérêt à trouver des solutions pour un système de santé plus éthique et durable, c’est aussi le parcours atypique de Jarrad Perron qui l’a propulsé dans un tel domaine de recherche biomédicale.

En effet, le doctorant n’a pas que le génie médical à son arc de connaissances. « J’ai d’abord fait un baccalauréat en musique à l’Université de Brandon. Je voulais être pianiste. Mais après une blessure à la main, j’ai réalisé que ce ne serait plus possible pour moi de faire carrière en musique. 

« Alors j’ai refait un baccalauréat en physique, et plus tard une maîtrise en physique médicale où j’ai appris la neuro-imagerie. Finalement, je voulais quelque chose de plus concret, voir le résultat de ce que je faisais. La physique, c’était trop abstrait. C’est comme ça que j’ai abouti en génie médical. »

Grâce à son parcours, il est aujourd’hui « le seul de mon laboratoire à être également formé en programmation et en mathématique », souligne-t-il, ce qui s’est avéré très utile pour développer un modèle d’intelligence artificielle fiable et efficace.