Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans un climat de Guerre froide, une guerre a éclaté le 25 juin 1950 entre la Corée du Nord, sous influence soviétique, et la Corée du Sud, ou République de Corée. Le Nord voulait en effet réunir les deux Corées par la force, en envahissant le Sud.
« Mes parents étaient jeunes quand la guerre est arrivée, raconte Yonah Martin. Mon père avait 17 ans et ma mère, 12-13 ans. La famille de mon père a été particulièrement touchée. Mon père était né en Corée du Nord et quand la guerre a commencé, il s’est dépêché de fuir en Corée du Sud avec son père et le reste de la famille avant qu’il ne soit trop tard.
« Mais à cette époque, sa grande soeur, elle aussi en Corée du Nord, ne pouvait pas voyager car elle était enceinte. Ma grand-mère est donc restée avec elle en Corée du Nord. La famille a été séparée pour toujours. Mon père n’a jamais revu sa mère. »
Aujourd’hui encore, en effet, la zone démilitarisée entre la Corée du Sud et la Corée du Nord est une zone interdite aux êtres humains. Quiconque tente de la traverser s’expose à « des punitions très sévères, souligne Yonah Martin. C’est très dangereux d’essayer de s’échapper du Nord pour rejoindre la République de Corée au sud ».
Cette zone démilitarisée, de quatre kilomètres de large de part et d’autre du 38e parallèle, avait été créée suite à l’armistice de Panmunjeom, signé le 27 juillet 1953 par la Corée du Nord et la Chine d’une part, et l’Organisation des nations unies de l’autre part. Mais la République de Corée ne l’a jamais signé et aucun traité de paix n’a été ratifié depuis entre les deux Corées, rendant les échanges impossibles et dangereux.
« Depuis 1953, certains gouvernements des deux Corées, ici et là, ont signé quelques accords, mais c’était toujours très peu et pas longtemps, déplore Yonah Martin.
« Dans les années 1980 par exemple, il y a eu un accord pour permettre une espèce de réunification familiale. Les familles qui avaient été séparées par la guerre avaient l’autorisation de se revoir dans un auditorium pour quelques heures, mais ensuite, chacun devait repartir chez soi.
« Mais l’accord n’a pas duré. Seules quelques familles ont pu en profiter, et puis ce n’était plus autorisé. Pour sa part, mon père était décédé avant cela, Il n’a donc jamais même eu la chance de revoir sa mère. »
« La famille a été séparée pour toujours. Mon père n’a jamais revu sa mère. »
Yonah Martin
Du côté maternel
La famille de la mère de Yonah Martin a moins durement été affectée par la guerre de 1950-1953. Elle a cependant vécu d’autres traumatismes, en particulier un déracinement et ses conséquences négatives quelques années auparavant.
« Ma mère est née au Japon car la République de Corée était colonisée par le Japon de 1910 à 1945, explique la sénatrice canado-coréenne. Au Japon, ma mère n’était pas autorisée à parler le coréen, seulement le japonais.
« Quand la Corée a été libérée du Japon, ma mère et sa famille ont dû quitter leur maison pour retourner en Corée. Ma mère avait sept ans. C’était difficile pour eux d’être de retour en Corée car ils ne parlaient pas du tout le coréen, et donc ils étaient perçus comme des espions japonais. »
C’est pendant la guerre que les parents de Yonah Martin se sont rencontrés, en République de Corée. Alors que sa mère était enceinte, son père a obtenu une bourse pour faire un Master en Administration des affaires à Chicago. Il est donc parti. Quelques années plus tard, la famille s’est réunie au Canada.
Yonah Martin est née en Corée. Elle avait sept ans quand elle a émigré au Canada. « Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de la Corée, confie-t-elle, mais je me souviens que c’était encore un pays en développement. On n’avait pas de salle de bains.
« Je me rappelle aussi des exercices liés au conflit qu’on devait faire. Les sirènes se mettaient à hurler et tout le monde devait se pratiquer à se mettre à l’abri. »
Yonah Martin remarque aussi les influences de la guerre chez les familles coréennes encore aujourd’hui, où qu’elles soient dans le monde.
« Les familles coréennes n’ont souvent pas besoin de parler, on peut voir chez elles les séquelles du conflit. Beaucoup ont tendance à collectionner les choses. Elles ne veulent rien gaspiller. Et surtout, elles sont très fières de leur culture. La jeune génération y pense moins aujourd’hui, mais on a toujours vécu dans l’ombre de la guerre », conclut-elle.