Gilles Lesage, bénévole au Centre et ancien directeur général de la SHSB, et Michel Lagacé, ancien président du CA de la SHSB, reviennent sur l’histoire unique qui a mené à sa création. revient sur l’histoire unique qui a mené à sa création.

Si le temps est désormais à la célébration et aux hommages, la simple idée d’avoir un Centre du patrimoine, défenseur et gardien du patrimoine francophone et métis de l’Ouest canadien, n’a pas toujours été évidente. Gilles Lesage, directeur général de la SHSB de 1983 à 1990 et de 2002 à 2020, rappelle le contexte revendicatif des années 1970 et 1980, qui a eu un impact majeur sur la création du Centre. 

« Au niveau du contexte social et politique, on est dans une époque importante pour les revendications des droits des francophones. C’était vraiment à l’avant-plan, ça avait un impact sur les partis politiques. On sait d’ailleurs que ces débats avaient mené à l’incendie de la SFM. Alors il y avait au niveau politique une volonté d’apporter quelque chose à la communauté francophone. »

Gilles Lesage explique qu’il y a eu une bascule, notamment après le mandat de Premier ministre de Sterling Lyon (1977 à 1981). 

« Il était plutôt anti-francophone. On aurait donc difficilement vu se réaliser ça à ce temps-là. Mais après, avec Howard Pawley (Premier ministre de 1981 à 1988), les démarches faites auprès du gouvernement pour la reconnaissance du fait français, mais aussi pour la reconnaissance de l’éducation française et les services en français, toutes ces démarches commencent à réussir davantage. Sous Gary Filmon (Premier ministre de 1988 à 1999), nous réussissons à mettre en place les services en français, à la suite notamment du Rapport Chartier. Tout ça montre qu’il y avait une pression et un intérêt à répondre aux besoins de la francophonie. »

Une vision

Gilles Lesage se souvient donc que le Centre du patrimoine est arrivé logi-quement après ces avan-cées. Il se rappelle aussi que de nouvelles sources de financement s’ouvraient et qu’il fallait s’y engouffrer. Pour ça, il fallait aussi des hommes et des femmes qui avaient cette vision et qui avaient senti l’importance d’un centre dédié aux archives du Manitoba français. 

« Au début des années 1980, il y a une nouvelle génération de personnes qui arrive. Une génération qui veut prendre sa place et activer certains leviers. On le remarque notamment dans une photo du conseil d’administration en 1981 : il n’y a que des jeunes. Le président, Robert André, n’a pas 30 ans. C’est un renouveau. Il y a de l’enthousiasme, une effervescence qui arrive sur le tapis. C’était palpable de voir l’intérêt qu’il y avait pour les archives. Il y avait une forte détermination pour que quelque chose se crée pour les archives de la francophonie et des Métis. »

Ça devenait alors évident qu’il fallait un espace. Et après de multiples réunions, « on s’entendait qu’il fallait bâtir un nouvel édifice ». Le gouvernement fédéral a d’abord investi à hauteur de 50 % pour la construction. Les autres 50 % ont été octroyés ensuite par la Province. Gilles Lesage explique ce qui a fait hésiter le gouvernement provincial de suivre rapidement le Fédéral. 

« Le Provincial s’est longtemps posé la question suivante : comment le fonctionnement du centre va être financé? C’est une des questions auxquelles répond le rapport Chaput. C’est le point tournant. Toutes les démarches précédentes étaient en quelque sorte rassemblées dans une présentation qui montrait le bien-fondé, et ce que ça comprendrait pour répondre aux besoins, et qui précisait aussi les besoins financiers. »

Michel Lagacé.
Michel Lagacé, Michel Lagacé, président du CA de la SHSB pendant 21 ans. (photo : Marta Guerrero)

Assurer le fonctionnement du centre

Pour rappel, le rapport de Lucien Chaput de février 1994 présente une étude de faisabilité de la conception, de la construction et du fonctionnement d’un centre provincial du patrimoine.

Après de longues périodes qui ont vu des réunions s’enchaîner, le Centre du patrimoine ouvre finalement ses portes en septembre 1998. Un aboutissement important pour Gilles Lesage, qui se souvient dans quel état d’esprit il était. « C’était un peu comme voir un film au ralenti. Les choses progressaient lentement. Et puis ce n’était jamais tout à fait clair. La chose qui l’était, c’est qu’il y avait eu un appui continuel et même grandissant des francophones. » 

« Le Centre répond aux attentes des fondateurs. Il a fallu énormément de travail pour réaliser ce rêve qui a été nourri pendant une vingtaine d’années. Et le fait central reste la construction du centre lui-même. C’est ça qui a permis de changer le fonctionnement de la Société historique et de répondre cette fois-ci aux attentes des gens qui voulaient conserver la mémoire collective de la francophonie », souligne Michel Lagacé, président du CA de la SHSB de 2002 à 2023.

25 ans plus tard, le Centre du patrimoine a pris toute sa place dans la francophonie manitobaine. Le centre comptait notamment 756 fonds et collections d’archives en juillet 2023. 

« L’un des défis maintenant est de trouver des ressources pour traiter tous les fonds d’archives qui nous sont arrivés depuis 25 ans. C’est une chose d’avoir les archives dans des étagères, c’en est une autre de pouvoir s’en occuper pour les rendre accessibles. Mon grand souhait désormais serait que les gens pensent au Centre du patrimoine et le consultent. Car il y a des trésors dans toutes les familles, ce sont des traces de notre passé. Autant que pour les nouveaux arrivants que pour ceux qui sont là depuis toujours, il est important qu’ils aient ce réflexe de passer au Centre pour conserver des documents importants. »

Comme pour Michel Lagacé, Gilles Lesage rappelle l’importance de respecter chaque document. « Les questions vont se multiplier, et non disparaître. Les interrogations où on est-on rendu? où est-ce qu’on s’en va? d’où vient-on? ça reste toujours. Pour prendre un exemple, le curé qui entrait dans son registre les sacrements, baptêmes, mariages ou encore sépultures n’a jamais imaginé qu’un jour, ces documents-là serviraient de preuves d’ascendance métisse qui donneraient la possibilité à celui ou celle qui reçoit sa carte d’exercer ses droits de chasse. Alors, ça montre à quel point les documents qui peuvent sembler moins pertinents, tout à coup, peuvent avoir une pertinence énorme. »