Il y a vingt ans, le Parti progressiste-conservateur (PC) fédéral a fusionné avec l’Alliance canadienne. Quel impact la fusion a-t-elle eu sur le conservatisme canadien? 1. Il a livré la marque « conservatrice » entre les mains des dirigeants de l’Alliance, qui l’ont utilisée pour promouvoir leur programme populiste de droite sous couvert du conservatisme traditionnel; 2. il a détruit l’ancien Parti PC fédéral (1942-2003), qui représentait un conservatisme modéré dans la politique canadienne; et 3. il a permis aux dirigeants de droite dure de l’Alliance de prendre le contrôle du gouvernement fédéral entre 2006 et 2015.

L’Alliance canadienne (2000-2003) a succédé au Parti réformiste (1987-2000), un parti de protestation populiste de droite basé dans l’Ouest du Canada et fondé par Preston Manning. Le Parti réformiste comprenait des éléments socialement réactionnaires. Il s’opposait au Parti progressiste-conservateur fédéral, en partie à cause du progressisme relatif du Parti progressiste-conservateur sur les questions sociales et économiques. La « grande tente » idéologique du Parti PC a toujours inclus des éléments de communautarisme et de conservatisme « One Nation » (prônant une vision pragmatique et organique de la société). Dans un effort pour attirer des secteurs plus larges de la société canadienne (particulièrement en Ontario et au Québec), le Parti réformiste s’est réinventé sous le nom d’Alliance canadienne en 2000. Trois ans plus tard, afin « d’unir la droite » et de vaincre les libéraux fédéraux, les dirigeants de l’Alliance canadienne (Stephen Harper) et du Parti progressiste-conservateur fédéral (Peter MacKay) fusionnent leurs partis respectifs. Ils fondent le nouveau Parti conservateur du Canada (PCC) le 7 décembre 2003.

Le PCC est essentiellement une nouvelle version modifiée du Parti réformiste. Bon nombre de ses influenceurs et dirigeants (par exemple Preston Manning, Stephen Harper, Pierre Poilievre, Andrew Scheer et Jenni Byrne) et une grande partie de sa culture de colère et de ressentiment proviennent du Parti réformiste. Il n’est pas sain pour le Canada d’avoir un tel parti comme alternative au gouvernement. Si nous définissons la modération politique comme la volonté de faire des compromis, d’agir de manière pragmatique et de prendre en compte les aspirations de larges secteurs d’une société, alors toute démocratie qui fonctionne a besoin à la fois d’un conservatisme modéré et d’un libéralisme modéré pour prospérer. En alternant au sein du gouvernement, conservateurs modérés et libéraux modérés génèrent une « friction créative » qui aide la société à se développer dans des paramètres stables, en évitant l’extrémisme (par exemple, comme la CDU de centre-droit et le SPD de centre-gauche en Allemagne de l’Ouest).

Le conservatisme progressiste est une philosophie politique distinctement canadienne, plus semblable au conservatisme traditionnel britannique ou européen qu’au conservatisme de droite américain moderne. Les racines idéologiques du conservatisme progressiste sont distinctes du populisme de droite qui a donné naissance au Parti réformiste. Le conservatisme progressiste défendait un progrès graduel et rejetait les solutions politiques de droite radicale comme de gauche radicale. Les gouvernements progressistes-conservateurs dirigés par Joe Clark (1979-1980), Brian Mulroney (1984-1993) et Kim Campbell (1993), tout en tentant de rationaliser le gouvernement fédéral et de revitaliser l’économie, ont protégé les programmes de protection sociale à grande échelle établis pendant la période d’après-guerre.

Le PCC fondé par Harper et MacKay a encore du mal à gagner du terrain dans les zones urbaines et au Québec, en partie parce que de nombreux électeurs.trices craignent son approche populiste et de droite dure sur des questions telles que le changement climatique et diverses politiques sociales brûlantes. En 2003, de nombreux progressistes-conservateurs (moi y compris) ont soutenu la fusion parce que nous pensions que ce serait une manière pragmatique d’aider les conservateurs à former bientôt un gouvernement. En liant notre destin aux réformistes, nous avons à la fois abandonné nos principes progressistes-conservateurs et veillé à ce que, pendant toute une génération, le pouvoir soit exercé soit par des réformistes se faisant passer pour des conservateurs (2006-2015), soit par des libéraux (2015-présent). Pour les réactionnaires de droite qui voulaient prendre le contrôle de l’ensemble du centre-droit dans la politique canadienne, la fusion a été très utile. Pour les conservateurs traditionnels et modérés, la fusion a été une tragédie.

Michael Huenefeld a été militant au sein du Parti progressiste-conservateur fédéral de 1998 à 2003. Il a également été impliqué dans la politique municipale de Vancouver et dans la politique provinciale de la Colombie-Britannique. En 2022, il s’est porté volontaire pour la campagne à la direction du Parti conservateur de l’ancien Premier ministre du Québec, Jean Charest. En 2002, il a reçu un prix de l’ancien Premier ministre Joe Clark pour reconnaître ses services exceptionnels rendus au Parti progressiste-conservateur du Canada et à son conseil de la Colombie-Britannique.

Michael Huenefeld,

le 22 novembre 2023.