Objectif : d’ici 2030, tout document pourra être déposé de manière numérique. C’est la Cour d’appel du Manitoba qui commence cet exercice délicat. 

C’est un projet de longue haleine dans lequel s’est lancé le gouvernement du Manitoba afin de faire une transition numérique pour les différents tribunaux du Manitoba. C’est la Cour d’appel du Manitoba qui commencera cette transition. Ainsi d’ici 2025, tout devrait être numérique. La juge en chef du Manitoba, Marianne Rivoalen supervise ce projet. « Il y a une entente qui a été conclue avec l’entreprise américaine Thomson Reuters. C’est une compagnie qui a déjà assisté plusieurs cours pour faire cette transition du papier au numérique. Notamment la Cour supérieure de l’Ontario. 

« Plusieurs personnes de la Cour d’appel sont impliquées dans ce dossier, le juge James Edmond, la juge Anne Turner ou encore moi-même. Si tout va bien, le système pourrait être fini de numériser vers juillet 2025. »

Le Manitoba est l’une des dernières provinces à emboîter le pas vers le tout numérique. Après la Cour d’appel, la Cour provinciale et la Cour du Banc du Roi suivront. « Si on commence par la Cour d’appel, c’est parce que le volume de document est moins important. Nous sommes une Cour plus petite. Et puis, nous n’avons pas de témoins, il y a très peu de personnes qui viennent plaider devant nous. Ce sont principalement des docu-ments. »

Pour la juge en chef, Marianne Rivoalen, l’intérêt réside dans l’accessibilité à la justice. « Si tout va bien, tous les documents pourront être déposés de manière numérique. L’avantage se trouve surtout dans l’accessibilité. Si vous êtes au Nord ou encore à l’extérieur du Manitoba, il sera possible de faire un dépôt électronique auprès du greffier. Pour l’instant, il faut se rendre en personne pour faire ce dépôt. »

Cybersécurité 

Évidemment, qui dit nu-mérique dit accès à une connexion internet et donc enjeu de sécurité. Ce qui pose quelques préoccupations tout de même du côté de la juge en chef. « Mes préoccupations s’attardent sur la cybersécurité. C’est évidemment essentiel parce que les documents de cour comportent beaucoup d’informations confidentielles. Il faudra donc s’assurer que l’aspect privé des documents soit bien respecté. Ce sont des protocoles qui sont en cours d’élaboration pour éviter un quelconque problème. Le gouvernement est prêt à mettre en oeuvre tout ce qu’il faudra pour la sécurité des documents. Il y aura aussi toute une équipe à la Cour qui ne sera concentrée que sur cet aspect. »

Bertrand Milot, dirigeant de l’entreprise de cybersécurité Bradley & Rollins au Québec et conférencier, pointe quelques notions à surveiller impérativement lors de la dématérialisation de docu-ments. Tout d’abord l’importance de la signature électronique. « La COVID-19 a accéléré beaucoup de choses, et notamment tout ce qui a trait aux principes notariaux. On a accepté des changements comme l’utilisation de la dématérialisation et de la signature électronique. Et c’est très important de se concentrer sur la signature électronique. 

Bertrand Milot
Bertrand Milot est dirigeant de l’entreprise de cybersécurité Bradley & Rollins et conférencier en cyberdéfense. (photo : Marta Guerrero)

« Si tu n’es pas capable d’assurer la signature d’un document, ça veut dire que tu n’es pas capable d’assurer sa non-répudiation. C’est-à-dire d’assurer que le document est bien celui d’untel ou que c’est bien untel qui l’a envoyé. Donc la signature numérique, elle a une importance majeure sur la capacité de protéger le document, donc son contenu, son intégrité et sa confidentialité. »

Après le dépôt d’un document signé, Bertrand Milot rappelle qu’il est important d’être capable d’assurer une traçabilité du document. « Un document numérique peut se dupliquer. Pas un document papier. On peut créer une copie parfaite d’un document papier, on ne peut pas le dupliquer. 

« Il faudra alors un système de traçabilité solide pour avoir l’assurance que ton dossier n’est pas ailleurs. Cette traçabilité se fait avec des métadonnées qui sont attachées aux documents à l’intérieur du document. Dans lesquelles, tu ne peux pas falsifier l’auteur, où tu vas avoir la date de création qui ne peut pas changer. Ça veut dire que, si jamais il y a une duplication du document qui est faite, la date de création sera différente. Ces métadonnées permettent la traçabilité. »

De la patience 

Toute cette transformation ne se fait pas sans accompa-gnement comme l’indique la juge en chef, Marianne Rivoalen. « Il y aura de la formation, des démonstrations. On ne veut pas que les gens naviguent dans ce système tout seul. Et puis, on sait très bien que certains juges voudront continuer d’avoir les documents imprimés. Une transformation prend du temps. J’ai confiance que cette transformation va bien se passer avec beaucoup de patience. Tout le monde réalise quand même que l’on n’a pas le choix. Il faut donner cette option aux justiciables. Tout est presque numérique désormais. »

En effet, même si les documents doivent être imprimés, il reste qu’ils sont au départ créés virtuellement comme le suggère la juge en chef. « Je pense que cette transition numérique est attendue par beaucoup de monde de la communauté juridique. En ce moment, on crée déjà nos documents de manière numérique. Les avocats préparent tout en numérique, ensuite on imprime. Alors, pourquoi imprimer quelque chose qu’on peut télécharger directement dans le système? »