En regardant en arrière, il est facile de se décourager lorsqu’on compare la première moitié de son existence à sa dernière. En ses débuts, Winnipeg était reconnue comme une ville cosmopolite, la troisième plus peuplée au Canada, avec une économie robuste, des infrastructures solides, un secteur culturel enviable et un futur prometteur.
Aujourd’hui, on aperçoit plutôt la fermeture soudaine de ponts, des routes en miettes, une forêt urbaine menacée, des réductions de services, et de plus en plus de nos concitoyens en situation d’itinérance.
La Ville de Winnipeg a toutefois continué de croître en population, enregistrant une de ses plus fortes décennies de croissance de population de 2011 à 2021. Alors pourquoi ce déclin en capacité financière depuis les derniers 75 ans?
C’est en grande partie à cause d’un changement majeur à la façon dont on accommodait cette croissance, débutant dans les années 1940. Pas juste à Winnipeg, mais partout en Amérique du Nord.
Historiquement, une ville se développait de façon incrémentale, à l’échelle du mode de transport dominant à l’époque : la marche. Cela avait l’avantage de concentrer les investissements privés, comme les habitations et commerces, dans un espace relativement restreint, ce qui limitait le montant d’infrastructures nécessaires pour desservir les citoyens. Que ce soit incrémental permettait à la ville d’être en continuelle adaptation aux changements démographiques, aux fluctuations économiques, aux nouvelles technologies, à l’évolution des besoins des citoyens.
Tout a changé après la Seconde Guerre mondiale. On a alors développé des quartiers entiers d’un seul coup, après quoi ils seraient « complets » et ne changeraient plus. Et désormais, le tout est à l’échelle de la voiture. Cela nécessite beaucoup plus d’espace, et donc beaucoup plus d’infrastructures pour tout connecter. Pas besoin de faire les comptes, le maintien sera une question inévitable pour la prochaine génération. Cette approche nous porterait de 2 mètres de conduits d’eau par personne en 1941 à plus de 5 mètres de conduits d’eau par personne en 2016.
Ce ne fut pas sans effet.
À travers une Première Guerre mondiale, une pandémie globale de grippe espagnole, une grève générale, la Grande Dépression, une Deuxième Guerre mondiale, et une inondation du siècle, on a été en mesure de payer des jardiniers pour embellir même nos plus petits parcs municipaux.
Et puis, vers le milieu des années 1960, une génération après avoir changé notre approche au développement, on a dû commencer à licencier nos jardiniers. En 2023, on était rendu à fermer le pont Arlington.
Voici la bonne nouvelle : bien que le présent soit le résultat des choix faits dans le passé, le futur sera le résultat des choix faits dans le présent.
Il est possible de retourner vers un type de développement plus productif, plus durable. On n’a qu’à le choisir!
Est-ce que ça veut dire l’élimination complète de la voiture et de la maison unifamiliale? Certain que non. Mais nous devrons adapter notre approche au transport pour prioriser les modes qui font plus judicieuse utilisation des infrastructures, comme la marche, le vélo et les transports en commun. Et nous devrons permettre à nouveau le changement incrémental au sein de nos quartiers existants, à l’aide de développement intercalaire, de sorte de faire un usage plus efficace des infrastructures déjà construites.
La capacité est là : sur 201 quartiers à Winnipeg, 146 ont moins de population aujourd’hui qu’à leur pic des derniers 50 ans. En permettant simplement à ces quartiers de revenir à leurs pics, on pourrait faire grandir Winnipeg à 1 million d’habitants sans ajouter de routes ou de conduits.
À quoi ressemblera donc l’avenir? Pour atteindre la prospérité qui nous permettra de nous payer des jardiniers, il nous faudra en quelque sorte retourner vers le passé : des quartiers en évolution continuelle priorisant le mouvement à l’échelle de l’être humain.
Le tout en évitant de construire un seul mètre de plus de conduit ou de route.
Pour reprendre les paroles de Doc Brown dans le célèbre film Retour vers le futur, « Là où on va, on n’a pas besoin de route! »