Aujourd’hui, le conseiller municipal Matt Allard et le directeur général de Sentiers de Winnipeg, Anders Swanson, militent pour un meilleur système de transports en commun et de pistes cyclables pour offrir un meilleur avenir aux Winnipégois. 

L’influence du transport à Winnipeg est omniprésente dans son histoire. « Si on a des rues à Winnipeg, c’est grâce aux cyclistes, signale Anders Swanson, directeur général de Sentiers de Winnipeg. Ce sont eux qui ont demandé les premiers à avoir du béton pour mieux pouvoir rouler en bicyclette, au début du 20e siècle. Avant, c’était de la boue et des trottoirs en bois. »

Jusqu’en 1955, Winnipeg offrait également un service de tram au centre-ville. Les citoyens utilisaient aussi beaucoup le train pour sortir de la ville.

Arrêt du tram

De l’avis du conseiller municipal de Saint-Boniface, Matt Allard, « c’était une mauvaise décision stratégique d’arrêter le tram. Ce système de bus électriques était très bon et efficace énergétiquement. Après ça, la Ville a misé de plus en plus sur les automobiles et de moins en moins sur les transports publics ».

Anders Swanson confirme : « Dans les années 1950, la décision a été prise de devenir une ville d’automobiles. Depuis, à Winnipeg comme au Canada, il y a quatre fois plus d’autos alors que la population n’a que doublé. 

« Ce choix a changé les distances entre les destinations, mais aussi le paysage urbain. En 1959 par exemple, la Ville a démoli une partie de la Pointe Douglas, le plus ancien quartier de Winnipeg, afin de construire le pont Disraeli. Pour les résidents, ça a été un désastre. »

Le choix de l’automobile se remarque également dans l’organisation des quartiers, comme l’explique Anders Swanson : « Plus les quartiers sont récents, plus il faut marcher loin pour pouvoir faire ses épiceries quotidiennes. » Matt Allard ajoute que « Winnipeg est très étalée par rapport à sa densité ».

Anders Swanson note cependant un fait intéressant au sujet de Winnipeg : bien qu’elle soit une ville d’automobiles, « on n’a jamais construit de voie rapide, sauf le Périmètre autour d’elle ».

Transports en commun

L’un des problèmes de Winnipeg, c’est que de Susan Thompson (maire de 1992 à 1998) aux dernières années de mandat de Sam Katz (2004-2014), les maires de Winnipeg ont choisi l’austérité fiscale, ce qui a considérablement limité le budget de la Ville.

« Pendant 20 ans, les impôts n’ont donc pas augmenté alors que le coût de la vie pour la Municipalité augmentait, donc cette dernière a perdu de son pouvoir de dépense, explique Matt Allard. C’est là qu’on s’est fait distancer par les autres grandes villes, comme Montréal. »

Le conseiller souhaite que la Ville fasse aujourd’hui du transport public une priorité. « Il y aurait beaucoup d’avantages à le faire, pour une meilleure viabilité à long terme, affirme-t-il. De plus, ce serait conforme à notre engagement envers les gaz à effet de serre (GES) puisque selon le Winnipeg’s Climate Action Plan Report de mai 2018, le transport public était responsable de 0,8 % de toutes les émissions de GES, alors que ce nombre était de 32,1 % pour les véhicules privés et 17,6 % pour les véhicules privés commerciaux. »

Matt Allard.
Matt Allard. (photo : Marta Guerrero)

Pour un système mieux quadrillé

Le conseiller prône la mise sur pied d’un système de transport actif mieux quadrillé pour couvrir tout le territoire plus efficacement, avec une meilleure fréquence des bus. 

« L’idée serait que les autobus aillent chercher les gens dans les communautés pour les amener aux chemins principaux, comme St. Mary’s. Là, on augmenterait le nombre de bus. Il y aurait donc moins de retards et d’attente, car il y aurait toujours un bus proche. Ce plan maître, Notre Winnipeg, avait été adopté par le conseil lors du dernier terme de Brian Bowman, mais il faut compter ½ milliard $. » 

Le maire actuel, Scott Gillingham, s’est engagé à mettre sur pied ce plan maître, mais Matt Allard n’est pas très optimiste : « C’est évident que le reste du conseil a priorisé l’élargissement du chemin Kenaston et l’extension de Chief Peguis Trail. » C’est d’autant plus dommage, selon le conseiller, que le Fédéral appuie les projets verts. En priorisant les routes sur le transport actif, « on perd des dollars! »

Pistes cyclables

En parallèle des transports en commun, la Ville s’est aussi engagée à créer plus de pistes cyclables. En effet, le vélo reste un moyen de transport très prisé, même en hiver. Mais là encore, l’engagement n’a pas toujours tenu. « La politique, c’était de faire une piste cyclable sur chaque chemin qu’on refaisait. Ça n’a pas été fait quand on a refait Hargrave, Roblin et Day. C’est frustrant », lance Matt Allard.

Depuis son élection, Scott Gillingham semble pour sa part tenir parole sur cet engagement, qui devrait coûter à la Ville ½ milliard $.

Plus largement selon Anders Swanson, le défi que doit relever la Ville de Winnipeg est de s’assurer de donner des options adéquates à tous les Winnipégois, notamment les cyclistes et les piétons, dans le but de limiter l’utilisation des voitures. 

« Aujourd’hui, c’est très difficile pour un cycliste de prendre l’autobus. Souvent, il n’y a pas de place pour laisser son vélo, confie Anders Swanson. 

« Le transport actif est très mal développé et la conséquence, c’est que même si c’est plus bénéfique pour les gens et l’environnement de marcher ou faire du vélo, beaucoup prennent quand même la voiture car ils n’ont pas de bonne option sur de plus longues distances. »

Des efforts

Il constate toutefois que la Ville fait des efforts pour faciliter la circulation à vélo. « Depuis 2009, nous avons l’une des plus anciennes pistes cyclables de l’Ouest canadien, sur la rue Assiniboine. Et en 2012, la Ville a ouvert un pont pour piétons et vélos à l’emplacement de l’ancien pont Disraeli. »

Matt Allard souligne que si Winnipeg améliorait son système de transports publics et de pistes cyclables comme convenu, « le coût serait plus ou moins le même que pour refaire Kenaston et Chief Peguis Trail. Si la Ville changeait ses priorités, on pourrait avoir une Winnipeg très différente, plus verte ».

« C’est toujours un problème de choix financiers, conclut Anders Swanson. On gaspille beaucoup d’argent chaque année à refaire les rues pour les voitures, au lieu de l’utiliser pour améliorer le système de transports en commun. On est piégé par les besoins des voitures. Pour avoir un meilleur avenir, il faudrait accepter de sacrifier un peu de qualité pour les voitures. »