Conséquence d’une volonté du plus vieux théâtre francophone de collaborer davantage avec des artistes sur des créations originales.
Sous les tilleuls devait initialement être présenté au TCM du 16 au 21 avril et clôturer la saison. Cependant, faute de financement, la décision a été prise de reporter ce spectacle. Geneviève Pelletier, directrice artistique et générale du TCM, explique la raison de ce report. « Sous les tilleuls est un projet que l’on travaille avec Bertrand Nayet depuis au moins deux ans. C’est un projet qui a été alimenté durant la pandémie, qui a pris plusieurs formes. Bertrand avait la volonté de structurer quelque chose autour de ce projet. Il a donc monté sa compagnie de théâtre, Le Corbeau bleu et a présenté des demandes de fonds deux années de suite et il a été refusé à chaque fois. »
Créations originales
Bien que déçu, l’artiste, Bertrand Nayet, concède que ce sont les règles du jeu. « Dans les demandes de subvention, les règles sont très claires alors si on accepte de jouer le jeu, il faut accepter les règles. Nous sommes en compétition avec des centaines de personnes pour des enveloppes qui sont limitées. Le problème est peut-être dans le montant des enveloppes que dans la qualité des œuvres.
« L’important pour moi c’est la volonté de continuer. Je suis convaincu de la qualité de mon travail, j’ai la chance d’être appuyé, moralement et financièrement, depuis le début par le Cercle Molière. C’est très encourageant. »
Depuis déjà plusieurs saisons, le TCM mise sur des collaborations pour présenter des créations originales comme le suggère Geneviève Pelletier. « La mission du TCM est de créer des espaces pour que les artistes s’autodéterminent, de créer un écosystème où il y a plusieurs différentes compagnies. Certes, la compagnie du TCM a une infrastructure, des capacités d’opérations, un théâtre. Mais le but est de collaborer, nous ne voulons pas que les artistes soient en attente d’un appel pour leur donner une job. Pendant longtemps, le fonctionnement du TCM a été de cette manière. Je préfère l’idée que les artistes viennent vers nous avec leur projet, qu’on construise ensemble. »
Une pièce du TCM vs une création originale
Une mission qui semblait s’aligner avec les bailleurs de fonds. « Les bailleurs de fonds comme le Conseil des arts du Canada et le Conseil des arts du Manitoba émettent une volonté d’encourager les artistes de la francophonie manitobaine a présenté des demandes de fonds. C’est ce qui est arrivé avec plusieurs artistes comme Marie-Ève Fontaine ou encore Stéphanie Morin-Robert. »
Finalement, la pièce de Bertrand Nayet sera jouée la saison prochaine. Le TCM a pris la décision de prendre en charge les coûts de la production (voir encadré). Sous les tilleuls sera la deuxième pièce de la saison. « Nous allons prendre toute la charge de la production. Nous devons encore voir comment cela s’intègre avec Le Corbeau bleu mais ce serait une production du TCM. Après s’il y a des intérêts d’ailleurs, nous ne sommes pas fermés à l’idée de négociations pour que ce spectacle voyage. Cependant, il y aurait des droits de suite qui nous reviendraient. Alors que dans le cas de collaboration de certains spectacles, notamment Cet été qui chantait de Marie- Ève Fontaine, et bien l’œuvre appartient à l’artiste. Nous voulons outiller les artistes pour qu’ils puissent être indépendants. »
Rebâtir un public
Si le TCM mise sur des créations originales c’est aussi parce que l’organisme qui va célébrer ses 100 ans en 2025 travaille sur un renouvellement de son public. « Nous sommes dans une période assez cruciale, nous sommes en train de rebâtir notre public. Le TCM a eu un public assez fidèle pendant très longtemps et c’est un public qui vieillit. Il faut réfléchir à qui sera là dans cinq ans, dans dix ans. Comment assurer la pérennité dans les 100 prochaines années? Cette transition, il faut la créer. Elle n’est pas simple. Ça créé des chocs parfois. »
Un nouveau public, certes. Mais qui n’est pas homogène comme l’explique Geneviève Pelletier. « Chaque spectacle va avoir son public à lui, qui ne va pas forcément être homogène. Quand on fait la programmation au TCM, on réfléchit aux thématiques, aux valeurs, qu’est-ce qu’on veut faire avancer, on n’est pas dans une logique de ce qui va plaire au public général du TCM. Ce n’est plus la logique actuelle.
« Les publics variés que l’on veut aller chercher, c’est une approche différente de l’art. C’est une volonté d’être submergé, d’être moins passif par rapport à ce qu’on regarde. C’est un autre monde qui demande un autre type de fonctionnement. »
Nouvelle approche
Et pour le TCM, cette nouvelle approche est aussi un pari risqué. « La pandémie a accéléré cette volonté de faire du théâtre différemment. Il y a eu beaucoup de questions de société qui sont ressorties durant la pandémie et ça a été un catalyseur pour le TCM. Chacun des spectacles aborde une question de société. On ne voulait pas y aller à demi- mesure.
« À chaque spectacle, c’est un risque et j’ai peur. Ce ne sont pas des sujets faciles. Mais je pense que c’est aussi quelque chose qui était demandé de présenter des créations originales plutôt que des œuvres classiques. En tout cas, c’est ma vision pour le TCM.»