Nathalie Vairac incarne le rôle d’une mère et d’une épouse, tandis que Frédéric Fachena endosse celui du mari à la retraite. L’amour telle une cathédrale ensevelie se décline en trois phases, la première débutant de manière chaotique avec les deux comédiens sur scène.

Nathalie Vairac explique : « L’histoire repose sur un couple canadien formé via les réseaux sociaux par le fils de l’épouse. Mon personnage est une femme ayant vécu dans des conditions précaires en Haïti, que son fils a choisi de marier à un Canadien via les réseaux sociaux. Je vais entreprendre le voyage pour épouser cet homme, espérant que mon fils puisse nous rejoindre. »

Trois phases

Cependant, l’arrivée de ce dernier ne se concrétise pas, et il connaît une fin tragique : « Son visa est refusé par le Canada, explique la comédienne. Il décide alors de prendre un bateau de fortune et périt tragiquement en mer. La pièce commence à ce moment et bascule dans une relation empreinte de rage, de colère, de haine et de peur. »

Frédéric Fachena précise que ce préambule reste caché au public : « Pendant toute la première partie de la pièce, on voit deux êtres se déchirer. Ce sont des scènes très courtes, très brèves. Toute cette histoire se révèle au fur et à mesure de la pièce. On ne sait même pas ce qui se joue. Pourquoi une telle rage? Pourquoi une telle colère? Nous avons deux protagonistes engagés dans quelque chose qui ressemble à un combat, jusqu’au moment où l’on découvre le cœur de leur malheur et de leur douleur. Le personnage de Nathalie est celui qui porte la tragédie, la perte de son enfant.

« C’est un spectacle qui adopte plusieurs formes de jeu, souligne le comédien. Il y a un jeu assez conceptuel, un jeu tragique, un opéra; ce n’est pas simplement un style. »

Au milieu de la pièce, un petit opéra en créole, d’une durée de 35 minutes, racontera l’histoire du fils sur le bateau. « Le sujet en lui-même est fort, ajoute Nathalie Vairac. Partout dans le monde, on peut voir ce que la misère pousse à faire et à vouloir. Des personnes tentent d’embarquer sur des bateaux de fortune pour essayer de survivre ailleurs. Beaucoup meurent en mer, et c’est toute une humanité qui part. » En effet, celle qui est d’origine française et qui vit au Sénégal ne connaît que trop bien cette réalité, puisque le Sénégal fait partie de ces pays qui se vident de leurs enfants.

Retour aux racines

L’amour telle une cathédrale ensevelie a vu le jour il y a quel- ques années. Son auteur, Guy Régis Jr, d’origine haïtienne, s’est inspiré de la réalité de son pays. Dans le livret Noir et fier produit par le TCM, il décrit ainsi la pièce : « Une radiographie de familles haïtiennes entre allers et retours qui se déroulent depuis une soixantaine d’années. »

Les deux comédiens font partie de l’équipe depuis ses débuts. Nathalie Vairac explique ce qui l’a motivée à poursuivre jusqu’à aujourd’hui : « Il y a presque trois ans, nous avions fait une première lecture de cette pièce dans le cadre d’un festival à Limoges (France). À ce moment-là, Frédéric et moi avions déjà travaillé ensemble. Un ou deux ans plus tard, nous avons eu des résidences, dont une à la Chartreuse des Avignons et une autre à Limoges.

Interprétation

« Ce que j’aime dans ce type de travail, c’est qu’il se dépose, il sédimente, on y retourne. Je disais à Guy [Régis Jr], l’auteur : Je ne sais pas ce que j’ai joué il y a un an, mais en relisant le texte maintenant, j’en comprends d’autres sens, d’autres nuances. Il est beau, dans des textes comme celui-ci, d’avoir une telle portée, avec une telle qualité d’écriture, et le temps nous offre la possibilité d’y entrer par différentes portes.

« Le travail de Guy [Régis Jr] est très précis, ajoute-t-elle. Avec diverses répétitions, il nous a guidés par différentes stratégies, par différents moyens, en commençant par un travail corporel plutôt qu’une lecture classique à la table. Nous avons emprunté différentes portes pour parvenir à une forme d’interprétation à laquelle je n’étais pas habituée, cherchant une autre grammaire, comme il le dit. »

Frédéric Fachena poursuit : « C’est un texte que l’auteur nous demande de porter musicalement, dans un flux de paroles rapide tout en communiquant clairement. Il faut aller vite et trouver la sensibilité dans la vitesse. C’est un spectacle qui demande à la fois une certaine virtuosité et une sensibilité, sans quoi il perd de son intérêt. Cela représente un défi. »

Un projet pour grandir

Ce projet a, entre autres, permis à Nathalie Vairac de grandir. De son côté, le comédien français d’origine, Frédéric Fachena, s’est laissé imprégner de la triste réalité de cette histoire. « C’est une pièce différente des autres projets que je peux mener à Paris. Il y a une plus grande diversité, c’est un spectacle international qui touche un public plus large, pas seulement le petit univers parisien ou français. Ce n’est pas un spectacle documentaire, mais il se situe au niveau du sensible, de l’humain, et forcément il peut susciter des réactions en tant que citoyen.

« Jouer dans des spectacles comme celui-ci brise des petites glaces que je pourrais voir s’installer en moi. La pièce est réalisée avec beaucoup de joie, en particulier la partie sur l’opéra. On y voit des migrants joyeux, le reflet d’une humanité. Je ne dis pas que c’est drôle, mais ce n’est pas non plus un spectacle sur la mort. On y voit des vies qui tentent de se battre, qui veulent poursuivre la vie. »

(1) Retrouvez plus d’information sur https://www.cerclemoliere.com/repertoire-list/spectacle-lamour-telle-une-cathedrale-ensevelie