Le Centre culturel franco-manitobain, qui marque cette année son cinquantième anniversaire, est né durant une période d’effervescence qui a fondamentalement relancé la francophonie manitobaine il y a un demi-siècle.
Pour combattre le mouvement séparatiste au Québec, Pierre Elliott Trudeau, devenu Premier ministre du Canada en 1968, avait adopté le principe que le français avait sa place partout au Canada. Et pour démontrer que le français était bel et bien vivant à l’extérieur du Québec, son gouvernement a délié les cordons de la bourse fédérale pour soutenir la francophonie.
Au Manitoba, Ed Schreyer, devenu Premier ministre en 1969, s’est présenté à la première assemblée annuelle de la Société franco-manitobaine cette année-là pour promettre un amendement à la loi scolaire qui redonnait au français le même statut de langue d’enseignement que l’anglais. Il s’est aussi engagé à créer un collège pédagogique pour former les enseignants et un centre culturel. L’Institut pédagogique ouvrait ses portes en 1972 et le CCFM, deux ans plus tard.
Ce tout nouveau Centre avait le potentiel de mettre en œuvre une programmation en arts de la scène et en arts visuels, ainsi qu’une programmation communautaire et éducative. Mais aujourd’hui comme il y a 50 ans, c’est une chose de financer ponctuellement la construction d’édifices, et c’en est une autre d’investir dans la vie culturelle à long terme.
Déjà, en décembre 1977, le président de son conseil d’administration, Jean-Paul Aubry, affirmait que « depuis les débuts du Centre, la préoccupation majeure des conseils d’administration a été de trouver les fonds nécessaires pour le maintien d’un édifice de la Couronne, plutôt que de canaliser cette énergie vers le développement et l’épanouissement de la culture franco-manitobaine ». Et, refusant de s’endetter davantage, le conseil avait démissionné en bloc.
L’appui du gouvernement stagne depuis au moins deux décennies. En cela, le CCFM n’est pas un cas unique : il en est de même pour les organismes patrimoniaux du Manitoba comme la Société historique de Saint-Boniface et son Centre du patrimoine. Et les rénovations nécessaires à la salle de concert de Winnipeg maintenant en cours avaient été remises pendant des décennies.
C’est bien clair : nos gouvernements partout au Canada doivent reconnaître que les organismes culturels sont essentiels à la qualité de vie de notre société. Et les exemples du CCFM et de la salle du centenaire indiquent qu’il ne suffit pas de construire des édifices, mais qu’il faut prévoir leur financement à long terme afin qu’ils puissent exercer leur rôle culturel.
Pour assurer le plein essor du CCFM à l’avenir, c’est à nous de l’appuyer et d’insister que nos gouvernements assument leurs responsabilités. Car, comme l’auteur-compositeur-interprète Lény Escudéro le chantait en 1971, « vivre d’amour et d’eau fraîche, c’est pour les poètes qui n’ont pas le choix ».