Par Michel Durand-Wood.
Comme tous les ans, la discussion se centre sur l’ampleur de l’augmentation d’impôts ou la profondeur des coupures qui seront nécessaires cette année.
Mais j’aimerais plutôt poser la question suivante : si la population de Winnipeg s’accroît, et donc le nombre de contribuables à se partager le fardeau fiscal augmente, pourquoi la Ville se retrouve toujours avec de moins en moins de moyens financiers d’année en année?
Pour bien comprendre la réponse, on doit savoir que le budget municipal est, en réalité, deux budgets : le budget opérationnel et le budget capital.
En général, le budget opérationnel contient les dépenses ponctuelles, c’est-à-dire tout ce qui ne durera pas plus que l’année en cours. On parle ici de salaires, de stylos, d’essence, par exemple.
Le budget capital quant à lui contient les dépenses de longue durée, ce qu’on appelle souvent « infrastructure » : routes, piscines, camions d’incendie.
Le budget opérationnel est financé par les impôts fonciers, les frais de services, et les transferts d’autres paliers gouvernementaux, tandis que le budget capital est financé par les budgets opérationnels d’années passées (fonds de réserve) ou d’années à venir (dette).
Lorsqu’on dépense dans le budget opérationnel, il n’y a aucun autre engagement. Une fois la facture de déneigement payée, on n’a rien d’autre à payer, à moins d’effectuer un autre déneigement. Et si on embauche ou on licencie un employé de bibliothèque, on peut toujours revenir sur notre décision l’année suivante.
Mais ce n’est pas le cas pour le budget capital, où chaque dépense en engage d’autres dans le futur. Lorsqu’on construit une route ou qu’on achète un autobus, on s’engage à de futures dépenses de trois façons :
Opérations : toute infrastructure aura des coûts d’opération. Par exemple, une piscine devra être chauffée, nettoyée et pourvue d’employés. C’est le cas même pour une route, qui nécessitera le déneigement et de l’électricité pour les feux de circulation. Ce sont des coûts qui sortiront de budgets opérationnels d’années futures.
Maintien : ces coûts sortiront de budgets opérationnels ou de budgets capitaux d’années futures, selon le type de maintien.
Remplacement : une fois rendue à la fin de son cycle de vie, l’infrastructure devra être complètement remplacée. Ces coûts se placeront dans un budget capital d’une année future.
Mais puisque les $ pour le budget capital ne sont que tirés de budgets opérationnels d’une autre année, chaque pièce d’infrastructure que nous construisons nous engage à trouver plusieurs $ dans les budgets opérationnels futurs, au-delà du coût de construction initial.
Et comme le cycle de vie des infrastructures se mesure souvent en décennies, les impacts sur les budgets de la Ville seront ressentis pendant des décennies aussi. Le budget municipal d’aujourd’hui intègre alors non seulement les décisions d’aujourd’hui, mais aussi les décisions des dernières 50+ années.
La Fédération canadienne des municipalités calcule que chaque unité de logement au Canada urbain nécessite en moyenne 107 000 $ d’infrastructure. Mais il n’y a pas qu’une seule façon d’aménager une ville.
Selon une étude menée par la région métropolitaine de Vancouver, les coûts des infrastructures pour des quartiers piétonniers à usage mixte de haute densité sont 5 à 9 fois moins élevés par habitant que ceux liés aux quartiers de maisons unifamiliales de faible densité dépendants de la voiture.
À Winnipeg, le déficit en infrastructures se chiffre à 800 millions $ par année, et 88 % de ces infrastructures ne sont que routes et conduits. Si on en avait 3 fois moins, ce déficit serait effacé. Avec 4 fois moins, on libérerait 100 millions $ de revenu supplémentaire par année.
Que ferait-on avec 5 à 9 fois moins d’infrastructures pesant sur notre budget municipal? Pas besoin de rêver, on n’a qu’à prendre les pas pour s’y rendre!