L’occasion pour lui d’esquisser un premier bilan de sa carrière.

Dans quel contexte êtes-vous arrivé à la SFM?

J’ai commencé dans le monde professionnel avec Gérard Lécuyer, dans les années 1980, à l’époque où il était ministre provincial de l’Environnement. J’étais son adjoint politique, une fonction qui, justement, a piqué mon intérêt pour la politique. Pendant quatre ans, j’ai appris comment fonctionne le gouvernement.

Ensuite, j’ai travaillé pour le mouvement des caisses populaires, auprès de Maurice Therrien, qui a toujours été très engagé dans la francophonie manitobaine.

Maurice et Gérard ont été des modèles pour moi. Et parce que j’aspirais à mener des dossiers aussi bien francophones que politiques, je suis entré à l’emploi de la SFM. D’abord à un poste dans le secteur politique (en 1991). Ensuite, en 1994, je suis devenu directeur général.

30 ans, c’est une durée de temps remarquable. Comment rester motivé au quotidien?

J’ai toujours été confortable dans ma communauté. Je suis chanceux de faire ce que je fais. J’exerce un emploi que je considère comme vraiment exceptionnel, qui

m’a permis d’acquérir une expérience vraiment extraordinaire. J’ai rencontré des gens passionnants. J’ai eu un parcours professionnel et personnel très motivant. J’adore ce que je fais. Malgré les hauts et les bas, j’ai vraiment joui de ma carrière. C’est certainement ce qui me motivait au quotidien.

Certainement, quelques personnes bien impliquées peuvent faire une différence…

Voir les succès de la communauté m’a énormément motivé aussi. Si on prend La Liberté comme témoin des 30 dernières années, on voit bien ce qui s’est passé : les gens dévoués dans la communauté, les organismes qui se sont créés et les succès. Ça serait très difficile de ne pas être motivé quand, tout autour de nous, il y a des personnes tellement impliquées dans leur communauté.

Vous n’avez jamais été tenté de travailler ailleurs que pour la francophonie?

Non. À mes yeux, j’ai vraiment pu accomplir une carrière parfaite. D’ailleurs, je n’avais pas de raison de quitter mon travail pour la francophonie manitobaine, qui a des aspirations très différentes que celles du monde anglophone. Et je voulais participer à cette dynamique.

En 30 ans de carrière, il y a évidemment bien des dossiers que vous avez eu à traiter…

La phase présente de ma vie professionnelle m’incite à me remémorer de bien des choses. Il y a toutefois deux dossiers que j’aimerais souligner.

En 2001, nous avons décidé d’adopter une stratégie pour l’agrandissement de l’espace francophone. Cette stratégie a été un moment important pour la communauté, parce qu’à partir de là, on se tournait vraiment vers l’avenir.

De cette manière, nous sortions de notre niveau de confort pour accueillir les nouveaux arrivants, les anglophones, les personnes issues de l’immersion. Cette approche dynamique a changé l’allure de la communauté. En rétrospective, il s’agit définitivement d’un point tournant dans la francophonie manitobaine.

D’ailleurs, on le voit bien sur la scène nationale : le concept de l’agrandissement de l’espace francophone est utilisé largement. Or ce concept d’ouverture, d’inclusivité et de confiance a commencé ici, chez nous. C’est aussi un mouvement qui a transformé l’identité de notre communauté.

L’autre dossier très important que je souhaite mettre en lumière est celui des États généraux, qui se sont déroulés de décembre 2014 à septembre 2015. Nous avons utilisé une formule communautaire pour arriver à notre but. Ce travail a pu s’engager sur une proposition de Léo Robert et Raymonde Gagné. Grâce à ces États généraux, nous avons pu développer un plan stratégique communautaire et assurer une refonte de la SFM.

Somme toute, deux dossiers parmi une centaine d’autres. Et tout ce travail n’aurait bien sûr pas pu être accompli sans une communauté engagée.

Avez-vous encore des inquiétudes pour la francophonie manitobaine?

Une réalité qui m’inquiète, c’est l’incertitude de la politique aujourd’hui. Il y a un manque de collaboration entre les gouvernements. La francophonie paie toujours le prix de ce manque de collaboration. Nous avons besoin de gouvernements qui non seulement nous appuient, mais qui travaillent ensemble. Il faut croire en la valeur canadienne de la dualité linguistique. J’ai l’impression que nous tenons trop souvent pour acquises certaines choses. Sauf qu’à un moment donné, il y a du travail à faire. J’espère que nous allons retrouver dans les politiques gouvernementales ce sens de vouloir améliorer le Canada et les valeurs qui le soutiennent.

Est-ce qu’il y a des éléments qui vous rassurent particulièrement pour l’avenir de la francophonie manitobaine?

Nous bénéficions d’un leadership exceptionnel, que ce soit au rural ou à l’urbain. Je suis très confiant dans ce leadership. Nous sommes bien organisés, nous avons des gens compétents et dévoués. Je constate que le dévouement est extraordinaire dans nos communautés. Ça me rassure de voir que l’on continue de bâtir, brique par brique, et de manière plutôt solide.

On peut penser qu’on continuera de vous voir après le 30 août…

Oh oui! Mais je n’ai pas vraiment de plan. Je vais prendre les choses comme elles viennent. Je pense que je vais être occupé à faire des choses complètement différentes, puis je vais prendre du temps pour moi-même et pour apprécier le travail que j’ai fait à la SFM.

++++++ Et la succession? ++++++

Après 30 ans sous la même direction, la Société de la francophonie manitobaine (SFM) va être à la recherche de sa prochaine direction générale. Daniel Boucher, directeur général de la SFM, confie « qu’un processus indépendant va être mis sur pied par le CA pour choisir la prochaine personne. Il y aura certainement une transition qui va s’opérer puisqu’on espère embaucher quelqu’un d’ici le mois de juin ».