Par Hugo Beaucamp, Ophélie Doireau et Jonathan Semah

Dans la salle Jean-Paul-Aubry, environ 150 personnes étaient présentes dont 98 membres votants étaient sur place, bien que la radio communautaire compte en date du 8 mars 2024, 164 membres en règle.

Alors que tous les postes étaient en élection, les membres de la radio ont désormais un tout nouveau CA. À la fin de la soirée, les neuf administrateurs élus ont eu leur première rencontre au cours de laquelle ils ont nommé l’exécutif : Nicholas Douklias (président), Martine Bordeleau (vice- présidente), Pascal Lafond (trésorier), Marie-Christine Bruce (secrétaire). Serge Balcaen, Jonathan Boisvert, Christophe Bonnin, Rita Morier et Josée Théberge sont administrateurs.

« Je pense que c’est un bon groupe qui a été élu. Ce sont des gens qui ont la radio à cœur et ça c’est important. Il nous faut des gens qui sont là pour l’organisme et pas pour des affaires personnelles », a estimé le nouveau président Nicholas Douklias après la soirée.

Un rapport encore contesté

Le point 10 de l’ordre du jour de cette AGA était en effet consacré au retour sur la situation de crise de 2023 – questions et réponses aux membres. Les questions posées par les membres portaient principalement sur le rapport de Me Laurelle Harris présenté lors de l’AGA de 2023.

Les conclusions de ce rapport faisaient état de racisme au sein de l’organisation.

Valérie Rémillard a été la première à prendre la parole pour commenter le rapport. Pour rappel, c’est elle qui, en 2022, avait fait la proposition suivante : « Que le CA embauche un.e expert.e indépendant.e dans le domaine des conflits de travail pour enquêter sur les évènements qui ont poussé des employés à démissionner et des bénévoles à quitter ». Elle a alors tenu à souligner que le rapport présenté en 2023 par Me Laurelle Harris ne répondait absolument pas à la proposition faite lors de l’AGA de 2022.

Jean Fontaine, qui a démissionné en janvier 2022 et qui était l’une des personnes visées par ce rapport, s’est aussi avancé au micro pour se défendre. Il juge ce rapport « diffamatoire » et « mensonger ». Il n’avait d’ailleurs pas participé à l’enquête de Me Laurelle Harris. Pour la première fois, en public, Jean Fontaine a expliqué les raisons qui l’ont poussé à ne pas participer à ce rapport.

En effet, il allègue : « Quand Me Laurelle Harris nous a communiqué par Messenger son intention de faire une enquête, elle a spécifiquement dit que l’enquête portait sur des allégations de racisme à la station. Et ça, ça n’a pas existé. Iln’yapaseuderacismeà la station. Alors quand nous, onareçuça,ons’estdit:ce n’est pas ce que l’assemblée a demandé. Les membres ont demandé pourquoi nous sommes partis. La réponse est très simple : on jugeait que le climat était extrêmement toxique. »

« Ça a été très difficile à encaisser. Tout ça était bien triste, ça aurait tellement pu être évité », a-t-il ensuite résumé après la soirée.

De son côté, Alphonse Lawson, président de l’Amicale de la francophonie multiculturelle du Manitoba, est venu au micro pour défendre ce rapport. « Les membres pouvaient remettre en cause ce rapport au moment de cette assemblée [NDLR : l’AGA de 2023]. Ça n’a pas été fait et il a été adopté. »

Une contre enquête

Pour rappel, et à titre de précision, l’assemblée générale de 2023 a voté la réception du rapport de l’enquête de Me Harris et non son adoption comme cela a d’ailleurs été précisé lors de l’AGA 2024. Ce qui veut dire que les membres ont signifié par leur vote que le rapport leur avait été présenté, comme c’est le cas pour les états financiers d’une corporation.

« Je ne pense pas qu’on puisse revenir sur ce rapport, ou le traiter de diffamatoire, de mensonger. Parce que la question qui est en discussion est une question de racisme. Et quand on parle de racisme, c’est aussi parce qu’il y a des gens qui ont subi du racisme. Donc, il faut qu’on fasse attention quand on évoque ces sujets. […] Il faut comprendre que la communauté francophone est multiculturelle. Et qu’il y a des gens qui sont venus d’un peu partout pour l’enrichir et nous devons faire attention pour pouvoir garder ce vivre ensemble », a ajouté Alphonse Lawson.

La Liberté a questionné Nicholas Douklias sur les suites potentielles à donner à ce rapport étant donné les voix qui se sont élevées lors de l’assemblée du 8 mars. Est-ce que le nouveau CA envisage de revisiter ce rapport et ses conclusions?

« On va en discuter en groupe. Le rapport ne présente qu’un côté, on n’a pas pu entendre l’autre bord. Mais aussi, le rapport est lié aux ressources humaines et les ressources humaines internes ne devraient pas être divulguées au public. C’est pour ça que j’aimerais en parler avec mon CA avant de prendre une décision. »

Une situation financière aussi interrogée

Un autre point de crispation dans la soirée a été la question des finances. L’une des charges difficilement compréhensibles par les membres, et exprimé par le membre Émile Hacault, a été le montant des honoraires et frais professionnels. Ces derniers s’élevaient à 79 811 $ pour l’année 2023 contre 66 705 $ pour l’année 2022.

Pendant l’AGA, Blandine Tona, la présidente sortante, a indiqué qu’« il s’agit de frais divers comme les frais des vérificateurs BDO qui se situent entre 10 000 $ et 15 000 $. De frais d’avocat ou encore les frais du rapport ».

Des membres ont donc demandé le coût de ce rapport, ce à quoi, après une recherche dans les dossiers de son cellulaire, Blandine Tona a répondu par la somme de 27 000 $ hors taxes.

Là encore, des membres se sont levés pour objecter puisque certains allèguent que le rapport aurait plutôt coûté aux alentours de 40 000 $.

Fatimaty Gueye, directrice générale du 1er décembre 2021 au 20 juillet 2023 et présente à l’AGA, est allée dans ce sens. « Je tiens à vous dire que le montant que je viens d’entendre ne reflète absolument pas la réalité. »

Louis Gauthier, directeur général du 18 octobre 2023 au 31 janvier 2024 et présent physiquement pour cette AGA, semble confirmer ce montant. « Madame Blandine Tona a présenté la valeur du contrat soit 27 000 $. Mais il a, en réalité, coûté environ 46 600 $. » Contactée à ce sujet, Me Laurelle Harris n’avait pas encore répondu à notre demande d’entrevue à l’heure de passer sous presse.

Des cas de justice

Une capture d’écran envoyée par Blandine Tona à La Liberté ce 11 mars, confirme un montant de 27 000 $. Cependant, Blandine Tona, n’étant plus présidente de la radio et pour des raisons de confidentialité, a déclaré de pas pouvoir envoyer l’entièreté du document.

Blandine Tona a, en revanche, souhaité partager plus de détails sur les honoraires et frais professionnels. « Il y a donc ces 27 000 $ de l’enquête plus les taxes. Les frais de d’audit de 10 000 $ plus les taxes et des frais d’avocat. Mais plus important, on a eu des frais pour un plan d’affaires, ce sont des frais professionnels qu’on a payés. Aussi, des frais pour la formation et le mentorat de la direction générale, ce sont aussi des frais considérables que nous avons payés. Et enfin des frais pour la formation sur la gouvernance du conseil d’administration. » Blandine Tona précise d’ailleurs que « ce sont des frais réguliers pour pouvoir assurer et renforcer la gouvernance. Il n’y a aucun frais qui a été utilisé autre que comme il avait été planifié. »

Le nouveau CA devra aussi composer avec de nouveaux frais car la présidente sortante avait évoqué pendant l’AGA « plusieurs autres cas de justice. »

Là aussi, Blandine Tona a donné plus de précisions. Elle souligne qu’il s’agit de suites de l’affaire opposant la Radio à l’ancienne directrice générale Fatimaty Gueye. « C’est le même cas, elle va juste dans une nouvelle audience en demandant les mêmes choses. »

Pour rappel, à la fin du mois de novembre, dans l’affaire qui opposait Fatimaty Gueye à la radio communautaire Envol 91 FM, le juge Alain Huberdeau, avait décidé de radier la motion qui visait à réintégrer l’ancienne directrice générale à son poste, à démettre Blandine Tona de ses fonctions de présidente et à combler les vacances au sein du CA.

Une transition stable

Pour la stabilité et la transition, Envol 91 FM va pouvoir compter sur Denis- Michel Thibeault. Depuis le début du mois de février, il assurait la direction générale par intérim. Le 8 mars il a été confirmé à son poste de directeur général pour une année supplémentaire. C’est ce qu’a annoncé la présidente sortante du CA d’Envol 91 FM, Blandine Tona en toute fin de séance.

En entrevue à La Liberté, Blandine Tona a assuré qu’elle serait aussi présente pour assurer cette stabilité entre les deux CA. « J’espère que le CA va commencer avec plus de support que nous n’en avons reçu en 2022. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je suis encore là. Nous avons un cahier avec un agenda parce qu’on souhaiterait que cela se passe le plus sereinement possible pour assurer une transition saine. »