Vous êtes ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne depuis octobre 2022. Pensez-vous que la langue française soit en danger au Canada?
Oui. Réponse très claire et très simple. La langue française est en danger au Canada. Je ne pense pas qu’elle soit en train de disparaître. Mais elle est vulnérable. Le nombre de francophones est en augmentation. Mais le pourcentage est en diminution. Le poids relatif du français a diminué. C’est inquiétant.
C’est pour ces raisons qu’il faut faire attention à nos institutions. Il faut protéger le système scolaire francophone, il faut valoriser les programmes d’immersion. Il faut faire des partenariats avec les communautés francophones et accueillir de nouveaux arrivants qui vont se joindre à cette francophonie.
Quels sont les principaux enjeux auxquels la francophonie canadienne est confrontée aujourd’hui?
C’est la question de l’attraction de l’anglais qui est très forte. Nous avons des institutions et des médias francophones assez puissants que ce soit les plus petits médias ou Radio-Canada, cependant la jeunesse se détourne des médias traditionnels. Ils se tournent vers les réseaux sociaux et les plateformes comme Netflix, Disney, Spotify. Ces plateformes-là ne propulsent pas les contenus en français. C’est une question de découvrabilité.
Il me semble d’ailleurs que le Québec pensait développer un projet de loi à cet égard…
C’est mon collègue Mathieu Lacombe [ministre de la Culture et des Communications] qui a commandé un rapport d’experts en culture, en droit constitutionnel et en médias. Ce rapport vient d’arriver et il souligne que ce serait opportun, pertinent et faisable de faire un projet de loi. Mais ce n’est pas fait encore.
Outre le Québec, comment votre gouvernement compte-t-il aider la francophonie canadienne?
En faisant des partenariats comme nous le faisons en ce moment. Nous avons plusieurs ententes qu’on appelle des Ententes de partenariats avec les Provinces pour soutenir et financer les initiatives francophones. Ces ententes viennent avec de l’argent. Il n’y a que le Québec, qui comme État, finance des organismes à l’extérieur de ses frontières.
Le Manitoba serait un bon candidat pour une telle entente…
Nous avons justement une entente à renouveler. Nous sommes tout à fait disposés à la renouveler. Dernièrement, nous avons signé quelques ententes, notamment avec la Nouvelle-Écosse.
Votre gouvernement a récemment déposé son budget, malgré un déficit annoncé, il a tout de même augmenté le budget pour la francophonie canadienne. Comment le gouvernement québécois voit-il la francophonie hors Québec?
Je vois la francophonie canadienne comme un réseau, comme une richesse naturelle. Je fais un parallèle avec Hydro-Québec, on prend l’eau de nos rivières, on les passe dans les turbines et on fait de l’énergie.
Et bien là, je pense qu’il faut qu’on prenne l’énergie des francophones pour faire de la francoénergie. Il faut qu’on utilise toutes les initiatives que les gens mettent, toute la passion que les gens manifestent pour tisser davantage de lien et rayonne davantage. Nos francophones sont talentueux et on ne les voit pas assez. Il faut propulser notre francoénergie et on ne doit pas s’excuser d’exister.
D’où l’importance de la dualité linguistique au Canada…
La français n’est pas une langue parmi d’autres. C’est une des deux langues officielles du Canada. Ça doit paraître dans la francophonie canadienne. Au Québec, nous avons passé une loi pour dire que le français était la langue officielle et commune de la province.
Comment voyez-vous la francophonie manitobaine?
J’ai bon espoir, qu’avec le leadership du premier ministre du Manitoba, Wab Kinew, de voir le français rayonner. J’ai lu qu’il souhaitait faire du Manitoba une province véritablement bilingue.
Quand on est une province bilingue, il y a des investissements qui viennent avec et une richesse culturelle. Je le souhaite au Manitoba. Pour la francophonie canadienne, le discours du gouvernement de monsieur Wab Kinew est rafraîchissant et porteur d’espoir.
Vous avez pu visiter le quartier de Saint-Boniface où plusieurs institutions francophones sont établies…
Je retiens du Manitoba qu’il y a une grande fraternité, une grande joie de vivre chez les francophones du Manitoba. J’ai fait le tour à pied du quartier de Saint-Boniface, j’ai aimé voir des noms de rue francophones, j’ai aimé voir des commerces francophones, je trouve tout ceci encourageant.
Quel message aimeriez-vous passer à tous les francophones qui peuvent être en situation minoritaire et aux jeunes francophones?
Le français est une langue importante au Canada. Mais c’est une langue internationale très puissante. Il y a plus de 321 millions de francophones sur la planète. Être francophone c’est appartenir à une grande communauté présente sur tous les continents. C’est une langue officielle de l’Organisation des Nations Unis, de l’UNESCO donc la langue française ce n’est pas une langue de repli sur soi. C’est une langue d’ambition.