C’était au parc Saint-Vital, lors d’un pique-nique organisé par Pluri-elles, durant l’été 2020. Sous un chapiteau, tout le monde avait sa chaise de camping. Isabelle se souvient très bien voir Maroua et sa famille arriver. « Ils avaient une poussette, avec un bébé de trois ou quatre mois. Ils se sont installés et j’ai approché ma chaise pour m’approcher d’eux autres. On a commencé à jaser spontanément, avant même que la présentation du groupe commence. Les animatrices ont remarqué que ce contact s’est fait naturellement. »

Isabelle Garand a participé à « Grands-parents d’adoption » dans l’espoir de nouer des liens, surtout avec de jeunes familles dynamiques. Enseignante d’éducation physique à la retraite depuis dix ans, l’énergie de la salle de classe et surtout des jeunes enfants, ça lui manque!

Pour Maroua Hamdani, cette rencontre a été comme une réconciliation. Après avoir accouché, en pleine pandémie, loin de sa famille restée en Tunisie, l’heure était à l’inquiétude. « Ma belle-mère devait venir pour nous aider, mais à cause de la pandémie, ça n’a pas été possible. C’était très décevant. J’avais même une grosse anxiété. C’était une année très difficile. »

Même en ayant quelques connaissances par-ci, par-là, un manque relationnel se faisait sentir pour Maroua et sa famille. Le programme « Grands-parents d’adoption » a véritablement comblé ce manque. Un lien familial s’est créé avec Isabelle. Les enfants l’appellent même « Mémé ». « Ils savent qu’il y a une mémé en Tunisie, et Mémé Isabelle ici. Je vois des fois que ma belle-mère est jalouse, plaisante Maroua. Mais ça s’est fait naturellement, c’est Hayet, un jour, qui a trouvé ce nom pour Isabelle. »

Les défis de l’intégration

C’est le destin qui a « pris le dessus » sur la volonté de Maroua et l’a guidée vers le Manitoba. « Pour être sincère, ce n’était pas du tout mon intention de venir au Manitoba. J’étais bien en Tunisie. J’avais mon propre cabinet d’orthophonie, dans un très bon quartier. Mais le destin a fait que j ́ai rencontré mon futur mari… Qui était sur le point d’appliquer pour un projet d’immigration au Canada. »

Petit à petit, les choses s’accélèrent. Maroua Hamdani et Hedi Riahi se marient. Puis, ils ont eu une fille, Hayet. Finalement, après un an et demi, la famille immigre au Canada. (Bon, entre temps, il y a eu quelques rebondissements, mais pour les connaître, il faudra écouter l’épisode de balado!).

Lors de changement drastique de vie, comme ça, de quoi a-t-on besoin? Que se passe-t-il quand on quitte tout pour un nouveau pays? « Il y a la joie de l’immigration, la joie d’être sur le continent américain, puis ça s’estompe. Avec l’immigration, très vite, on fait face à des chocs culturels. Tu prends conscience de la différence culturelle, de ta façon de parler, de penser. On se rend compte qu’on a besoin d’être compris et même de blaguer dans sa langue. Parfois, tu sens que leur humour ne te fait pas rire, et ton humour ne les fait pas rire. Même si tu le traduis en français, ça n’arrive pas comme dans ta langue maternelle.

Un lien qui fait la différence

« Ça peut être des petits détails, mais à chaque fois que j’avais l’occasion de me faire rappeler de mes origines, de ma culture, même une petite chose décorative dans la maison qui me rappelle la Tunisie, je la mettais. La moindre odeur de ton pays, tu veux l’attraper! Parce qu’au début, on se sent vraiment isolés. Tout nous manque. »

Alors le lien familial créé avec Isabelle a fait une grande différence. Avec la famille, ils vont au lac de temps en temps, à la plage aussi. Ils ont même appris à faire du patinage ensemble. Maroua partage des plats tunisiens à Isabelle, qui se souvient de lui fêter une bonne fête de l’Aïd. Parfois, Isabelle prend l’initiative de les aider ou d’accompagner Hayet à son cours de danse. En fait, tout comme une véritable grand-mère.

«Même si on ne se voit pas, c’est un petit texto, un appel vidéo. C’est comme un parent pour moi. Je me réfère à elle. Si je n’avais pas Isabelle dans ma vie, je continuerais à me poser des questions sur beaucoup d’aspects, surtout culturels. Quand on ne comprend pas un comportement, on n’ose pas demander. Mais il n’y a pas de barrières dans notre relation, ça fait que je peux demander à Isabelle. Elle m’a aidée à comprendre beaucoup de la culture canadienne en général. »

Un dernier message pour les personnes qui s’apprêtent à vivre un cheminement similaire? « Je sais que quand on émigre, on doit s’établir, trouver un logement, un travail, etc. Une fois que les repères sont là, soyez ouverts aux autres. Restez authentiques et naturels, les connexions vont se faire spontanément. »

Retrouvez la playlist intégrale des balados Quand les portes s’ouvrent.