Inutile de présenter Ibrahima Diallo. Chez nous, au Manitoba, tout le monde (ou presque) le connaît, mais sous différents titres : tantôt professeur de sciences à l’Université de Saint-Boniface (USB) – il a même été doyen de la Faculté des sciences et des arts à une époque – tantôt consul honoraire du Sénégal, il est aussi époux, père, grand-père et « tonton » pour beaucoup de nouveaux arrivants au Manitoba.

Peut-être que c’est son expérience de nouvel arrivant, à lui aussi, dans les années 1980, qui le rend aussi empathique envers celles et ceux qui passent par ce chemin.

« Je dois dire que je suis peut-être un des premiers francophones sub-sahariens arrivés au Manitoba. Ça m’a beaucoup servi pour aider les autres. »

Une rencontre

Très impliqué dans la communauté sénégalaise, Ibrahima participe à toutes sortes d’évènements. C’est à un rassemblement avec l’ambassadrice du Sénégal, qui était en visite au Manitoba, en novembre 2019, qu’il a rencontré Fatimata Niang.

Fatimata vient du Sénégal. Elle est arrivée au Manitoba en 2019, pour étudier à l’USB. Mariée avec deux enfants, elle est arrivée seule dans ce nouveau pays. On peut imaginer le chamboulement et le manque de repères durant ce moment de vie.

Mais en parlant avec Ibrahima, quelque chose va la rassurer, presque immédiatement : ils ont la même langue maternelle, le pulaar. Pour Ibrahima Diallo, c’est aussi un moment nostalgique.

« Depuis que je vis ici, j’ai de très rares occasions de parler ma langue maternelle. Si mon niveau s’est relevé, c’est grâce à Fatimata! Des fois, je lui demande : Comment on dit ça en pulaar déjà? Mais je dois dire aussi que je connais tous les noms de poissons dans ma langue maternelle, et elle ne les connaît pas! (rires)

« C’était une sorte de retour aux sources pour moi. Il y a des choses que l’on quitte, mais qui ne vous quittent pas. »

Le pays de la Teranga

Et puis, Fatimata Niang rencontre « Tata Lise ». Lise Gaboury-Diallo et Ibrahima Diallo se sont rencontrés à Paris, lorsqu’ils y faisaient leurs études. Ils se sont mariés, puis ont déménagé ensemble au Sénégal. Lise connaît alors, elle aussi, le sentiment d’expatriation.

« Quand j’ai rencontré Fatimata, j’ai eu l’impression que je revivais certains moments que j’avais connus au Sénégal. C’est vraiment cet esprit d’hospitalité que je retrouvais chez elle. De fil en aiguille, une amitié s’est développée. »

Cet esprit d’hospitalité dont Lise parle, c’est l’essence même de la culture sénégalaise. C’est pourquoi le Sénégal est appelé le pays de la teranga (qui veut donc dire hospitalité). Fatimata Niang l’explique : « On adore partager, on adore accueillir les autres. Les Français aiment particulièrement séjourner au Sénégal pour profiter de l’hospitalité sénégalaise. »

La teranga avait beaucoup marqué Lise quand elle vivait au Sénégal.

« Ce qui m’a frappée, c’est la capacité que les gens avaient de faire passer le temps, en bavardant par exemple. Les gens sont très relax. On a l’impression que la chose la plus importante dans la vie, c’est de communiquer, de partager des moments humains. La collectivité est très importante, la famille et les relations aussi.

« Ça me rappelait un petit peu ce qu’on retrouve chez les Franco-Manitobains. Mais en beaucoup plus important. La teranga, ça s’écrit avec des lettres majuscules. C’est extraordinaire. »

Les Gaboury-Diallo : un refuge dans l’inconnu

Depuis qu’ils sont de retour au Manitoba, Lise Gaboury- Diallo et Ibrahima Diallo ont vu beaucoup de nouveaux arrivants défiler chez eux. Car, comme ils le disent, leurs portes sont toujours ouvertes. Lise : « À un moment donné, on pouvait recevoir tous les Africains francophones dans notre sous-sol. Maintenant, ce serait impossible, parce qu’ils sont des centaines! Mais on a grandi avec cette idée des portes ouvertes, de l’accueil. On accueille et on aide, lorsqu’on peut aider. »

Fatimata Niang fait partie des chanceux qui ont croisé la route de ce couple immensément généreux. Et elle en est bien consciente. Depuis qu’ils se connaissent, non seulement ils partagent des vrais moments de vie, ils partagent des repas (et une passion culinaire!), mais la famille Gaboury-Diallo est aussi un véritable soutien moral pour Fatimata Niang.

« Ils font partie des personnes que je pouvais appeler à n’importe quelle heure pour dire : Je suis en détresse, venez m’aider! Ils ont toujours répondu présent, m’ont toujours aidée avec le sourire. Alors que je sais que ce sont des gens très occupés. Mais ça ne les a pas empêchés de m’aider dans les moments les plus difficiles. »

Un phare dans la nuit sombre

« Ce qu’ils ont fait pour moi, m’a aidée à ne pas tomber dans la dépression. Parce que ce n’est pas facile de s’adapter ici. C’est tellement pesant. Quand on a des gens qui peuvent nous guider et nous soulager, ça change tout. J’ai eu cette chance et je sais que je ne suis pas la seule. On a une très grande communauté sénégalaise ici. Dieu sait que je connais beaucoup de gens qui ont pu compter sur eux. Ils ont vraiment marqué notre existence et on leur sera éternellement reconnaissant. »

Dans notre épisode de balado, Fatimata Niang fait une éloge d’Ibrahima et Lise Gaboury-Diallo. Vous ne le voyez pas, vous ne l’entendrez pas, mais pendant l’enregistrement, ils rougissaient presque. Humble, modeste, le couple au grand cœur est la preuve que lorsqu’on ouvre ses portes, on transforme des vies et on tisse de vrais liens.

Retrouvez la playlist intégrale des balados Quand les portes s’ouvrent juste ici!