C’est un peu l’histoire de Runel Mensah et Carine Coréa. Ils ont une « fée marraine » manitobaine, qui a véritablement marqué leur vie. Elle s’appelle Nanette Godbout. On les a rencontrés, avec leur parrain manitobain aussi, Jules Rocque.

Runel Mensah nourrissait ce rêve du Canada depuis son enfance. Carine, son épouse, se souvient le voir le soir, il y a bien des années déjà, feuilleter son livre du Canada avant de dormir.

Finalement, c’est arrivé. Carine et Runel ont quitté leur Bénin d’origine, avec leurs trois enfants, pour le Canada, « à la recherche d’un lendemain meilleur ». En fait, au début, c’est Runel qui est venu tout seul, en mai 2015. Comme Carine le décrit : « Il n’aime pas laisser sa famille. Il est toujours avec nous. Mais il veut toujours s’assurer que le nouvel endroit sera bien pour nous. Alors il y va, et s’en assure. »

En décembre 2016, Carine et les enfants le rejoignent. Ils se sont d’abord installés au Québec, puis en Ontario. Plusieurs péripéties, plusieurs provinces, avant d’arriver au Manitoba.

Le choc

En 2022, Runel Mensah est sur le point de terminer ses études à l’Université Laurentienne, en Ontario. Il entend parler du Manitoba, y fait une visite, et postule à la Division scolaire Louis-Riel (entre autres), précisément à l’École Julie-Riel. La directrice adjointe de l’époque, Nanette Godbout, lui offre le poste.

Arrivés au Manitoba, c’est le choc. Eh non, pas pour la température (comme beaucoup). Mais plutôt à cause d’un courriel. Runel est contacté par Nanette Godbout, alors qu’elle vient de partir à la retraite et ne travaille plus à l’École Julie-Riel.

« Elle me donne son numéro de téléphone personnel. Elle me dit : Si tu viens à Winnipeg, je vais te recevoir chez moi, avec ta famille. Là, on s’est dit qu’on atterrissait à une place qui était la nôtre. Qu’on n’allait pas dans l’inconnu. Ça nous a donné confiance. Et ça nous a vraiment touchés. »

Nanette Godbout : « Comme membre du personnel administratif, j’ai toujours eu le souci de bien accueillir les gens pour qu’ils se sentent comme s’ils font partie d’une communauté scolaire. Mais c’est devenu encore plus important lorsque j’ai découvert un livre : Dites-leur que je suis Québécois, écrit par Mensah Hemedzo, un auteur québécois originaire du Togo.

« Mensah partage les nombreux défis auxquels lui et plusieurs nouveaux arrivants devaient faire face. Dans son cas, ces obstacles l’ont empêché de réaliser son rêve d’enseigner la littérature française au Québec.

Un livre et des coïncidences

« Ce livre m’a éclairée par rapport à l’intégration socioprofessionnelle des gens issus de l’immigration et les nombreux obstacles auxquels ils doivent faire face. Jules et moi, on s’est dit que si jamais on pouvait faire quoi que ce soit pour quelqu’un, pour s’assurer que personne ne vive ça, on le ferait. »

Et, encore une coïncidence ou un message du destin : le prénom de cet auteur est le nom de famille de Runel. Et la maman de Runel vient du Togo. « En fait, j’ai l’impression que dans mon histoire avec Winnipeg, il n’y a rien au hasard. C’est comme si tout était prédit à l’avance. C’est comme s’il y avait quelque chose qui me dirigeait vers la Division scolaire Louis-Riel. Et vers Nanette et Jules. »

À les entendre parler (ce que vous pouvez faire, littéralement, dans notre épisode de balado), c’est comme si Runel, Carine, Nanette et Jules se connaissaient depuis toujours. Vraiment. Jules en parle même avec la gorge serrée, pris par l’émotion. « Je suis tellement ému de notre rencontre. Je me souviens, quand ils sont arrivés. On les a retrouvés sur la rue Aulneau. Puis c’était comme si quelque chose dans l’univers nous avait tout de suite unis. »

Unis aussi par l’enseignement

Au-delà de cette relation très familiale, Runel Mensah a également reçu, et continue de recevoir, du soutien sur le plan professionnel de la part de Nanette. « J’étais déjà enseignant dans mon pays avant de venir ici. J’ai repris la formation, parce qu’il fallait s’adapter aux conditions socio-pédagogiques d’ici. »

Jules Rocque est professeur à l’Université de Saint-Boniface. L’enseignement, encore un point commun avec Runel. D’ailleurs, Jules mène un projet de recherche sur l’insertion socioprofessionnelle en milieu scolaire franco-manitobain des personnes immigrantes formées à l’étranger. « J’ai beaucoup lu sur le phénomène. On dit souvent comment le système canadien doit s’adapter. Mais souvent, entre la théorie et la pratique, il y a un grand écart. Malheureusement, les conclusions tirées du terrain ici, dans la communauté franco-manitobaine, rejoignent certains défis qu’on a déjà identifiés il y a 25 ans.

« Mais, la littérature nous dit que pour que l’intégration soit réussie, il faut l’accueil, mais l’accueil au sens de chez vous. Tout un village pour accueillir une famille, de A à Z. Il faut se soucier de la famille, où elle va habiter, où les enfants vont aller à l’école. Notre communauté, à mon sens, est en train de l’apprendre. »

Nanette et Jules sont partout, dans chacune des réussites de Carine et Runel au Manitoba. Nanette pense aux fêtes de chaque membre de la famille. Elle et Jules leur ont préparé une célébration pour leur citoyenneté canadienne. Ils leur ont recommandé une école pour leurs enfants. Ils vont marcher et souper ensemble ou faire des ventes de garage. La liste est longue.

Carine Coréa : « Jules et Nanette nous ont vraiment pris sous leur aile comme leurs propres enfants. On est tellement chouchoutés. »

Pour Nanette, c’était tout naturel. « Je voulais vraiment offrir un véritable accueil. Tu ne sais pas la valeur d’un petit geste. Les petits gestes de gentillesse ne sont jamais gaspillés.

« J’ai joué un tout petit rôle sur le chemin de cette magnifique famille. C’est eux qui ont fait ce qu’ils ont fait. Moi, j’étais juste une amie ou une marraine. Ils sont tous les deux des étudiants de la vie. Ils veulent apprendre et forger des relations solides avec les gens. Alors ils avaient déjà tout pour réussir ici. »

Retrouvez la playlist intégrales des balados Quand les portes s’ouvrent