C’est le fruit d’un travail qui dure depuis près de 15 ans. Pour Rob Tétrault, président et administrateur de la Fondation canadienne du CMV, il s’agit du « plus grand accomplissement » de sa vie philanthropique.

Dans son budget 2024, la province du Manitoba a confirmé l’instauration d’un dépistage universel du cytomégalovirus chez les nourrissons. « Afin de protéger tous les enfants du Manitoba, de leur donner le meilleur départ possible dans la vie et d’améliorer les résultats en matière de santé », est-il possible de lire dans le budget. Ce dernier en revanche ne précise pas le montant exact qui sera alloué à la mise en place du protocole de dépistage.

Le début du combat

Habitué à courir chaque année pour sensibiliser et collecter des fonds pour combattre cette infection, Rob Tétrault, dont le fils Alexandre, a été dépisté tôt, aura sûrement cette année les jambes plus légères avec cette information en tête. En effet, pour cette nouvelle édition de Run with Rob, le Franco-Manitobain parcourra le Nouveau-Brunswick au mois de mai. « Quand mon enfant est né, il y a environ 16 ans, je suis allé à ma première conférence sur le CMV à Atlanta. À l’époque, on savait que le test pouvait être donné de façon universelle et on savait que les enfants identifiés pouvaient être traités. Tous ces faits étaient connus, mais personne n’avait vraiment mis un système de dépistage en place. » C’est à ce moment-là que le combat a commencé pour le père de famille.

Comme le reste des Manitobains, il a appris la nouvelle en découvrant le budget. « Je suis aux anges! », lance-t-il, avant de confier qu’il sentait que quelque chose se tramait. « Je savais qu’il y avait du mouvement parce que j’ai eu plusieurs rencontres avec des membres haut placés du gouvernement ces derniers temps. J’étais optimiste, je pensais que ça s’en venait, mais je ne savais pas que ça avait été placé dans le budget. »

La formule existe déjà

Et d’autres rencontres se profilent pour Rob Tétrault, qui va vraisemblablement jouer un rôle dans le déroulement des prochaines étapes. « Je ne sais pas à quel niveau je vais être impliqué, mais c’est certain que je vais pouvoir aider à tisser des liens et mettre les bonnes personnes en contact. »

Il faut dire que Rob Tétrault n’en est pas à son coup d’essai. « Il ne s’agit pas de réinventer la roue parce que ça a déjà été fait en Ontario, en Saskatchewan et on est en train de le faire en Alberta. Pour la suite, je devine que l’on va pouvoir garder ce qui a fonctionné et au contraire éviter ce qui a moins bien marché. »

Un virus encore trop méconnu

Pour rappel, l’infection au cytomégalovirus congénital est la première cause d’incapacité infantile au Canada. « C’est l’un des virus les plus fréquemment transmis de la mère à son bébé », indique la docteure Fatima Kakkar, pédiatre infectiologue et professeure adjointe de clinique au département de pédiatrie de l’Université de Montréal. « Le CMV concerne 1 naissance sur 150. Ce qui est étonnant c’est que la plupart des gens ne le connaissent pas, mais c’est la cause la plus répandue de surdité chez les nouveau-nés et les enfants. » En plus de s’attaquer à l’ouïe, le cytomégalovirus peut également provoquer des troubles du neurodéveloppement. Il peut être à l’origine d’un large spectre de problèmes de santé.

Pour la pédiatre, l’annonce du gouvernement manitobain est incontestablement une bonne nouvelle, car dans les provinces où le dépistage du CMV n’est pas systématisé, comme en Ontario ou en Saskatchewan, les enfants sont diagnostiqués souvent trop tard. « Les femmes ne sont pas testées pendant leur grossesse, et elles attrapent souvent le CMV sans déclarer de symptômes. À la naissance, le bébé peut être sourd, avoir des anomalies dans le cerveau ou le sang, mais avoir l’air en bonne santé. Donc dans la majorité des cas, les enfants ne sont pas testés à la naissance et vont développer des séquelles plus tard. » Et cela est problématique. Car, comme le fait valoir Dre Fatima Kakkar, c’est que lorsque les symptômes deviennent clairement apparents, « il est trop tard pour commencer le traitement antiviral. »

L’importance d’une prise en charge rapide

Une autre des raisons pour laquelle le virus pose tant problème, c’est qu’il est facilement transmissible. La transmission se fait par la salive, et se répand souvent d’abord entre jeunes enfants en garderies. Ces derniers ramènent ensuite le virus dans le foyer. Il est d’ailleurs parfaitement inoffensif et ne provoque quasiment pas de symptômes « peut-être un petit rhume », précise Dre Fatima Kakkar.

Selon la pédiatre, rien qu’au Québec, « on estime qu’environ 500 bébés vont naître avec le CMV sans recevoir de diagnostic. » Alors la perspective d’un diagnostic précoce va faire « une grande différence », en permettant notamment une prise en charge plus rapide.

« La surdité pourra être réglée en bas âge, alors l’enfant va pouvoir entendre et parler, il aura un développement normal. » D’ailleurs, pour les enfants qui ne seront pas sourds à la naissance, la surdité pourra être évitée grâce au traitement antiviral. « Pour ce qui est des symptômes neurologiques, ceux qui naissent avec des symptômes sévères auront tout de même des séquelles. Mais le traitement pourra empêcher la progression des symptômes. »

La suite des évènements

S’il s’agit, à n’en point douter, d’une grande nouvelle pour Rob Tétrault, cela ne signifie pas pour autant que le combat s’arrête ici. « En tant que président et fondateur de CMV Canada, mon mandat va au-delà du Manitoba. C’est certain que c’est ma province et que c’était très important pour moi de voir le diagnostic universel implémenté ici. Mais on ne peut pas s’arrêter là. Il y a encore des enfants au Nouveau-Brunswick en Colombie Britannique, au Nunavut qui naissent sans se faire dépister. Alors je n’ai pas encore fini ma mission. »