Par Laurent GIMENEZ

Ces trois mots – argument, adresser et vocal – sont parfaitement corrects en français. Mais ils deviennent des « faux amis » (une catégorie d’anglicismes) si on leur attribue un sens qu’ils n’ont pas en français, sous l’influence de mots anglais qui leur ressemblent mais qui ont des significations différentes.

Commençons par le mot argument. En français comme en anglais, il désigne un raisonnement destiné à convaincre. Par exemple, on dira qu’un vendeur utilise de bons arguments pour convaincre les clients d’acheter sa marchandise. Mais en anglais, le mot a aussi un autre sens, très différent : c’est celui de « discussion », « débat » ou « dispute ».

Cet autre sens du mot argument n’existe absolument pas en français. Prenons la phrase suivante : « Politics is often the cause of family arguments »; on pourrait traduire arguments par « disputes » ou « discussions », par exemple, mais en aucun cas par « arguments », puisque ce mot n’a pas ce sens en français. De même, le verbe argumenter signifie seulement « donner des arguments »; il n’a jamais le sens de « se disputer », contrairement à l’anglais to argue.

Venons-en au verbe adresser. En français, il a essentiellement trois significations possibles : faire parvenir quelque chose à l’adresse de quelqu’un (« j’ai adressé un colis à ma mère »); faire ou dire quelque chose à l’intention de quelqu’un (« il lui a adressé un sourire et des remerciements »); ou envoyer une personne auprès d’une autre (« à l’hôpital, on l’a adressé à un spécialiste »).

Mais le verbe peut facilement devenir un faux ami à cause de sa ressemblance avec l’anglais to address. Ce dernier fait souvent référence à une situation problématique, alors que ce n’est jamais le cas en français. Exemple : « The government must address the debt ». On pourrait traduire cette phrase par « le gouvernement doit se pencher sur la dette », « s’attaquer à la dette », voire « régler la dette », selon le contexte; mais en aucun cas par « adresser la dette », une formulation qui n’a aucun sens en français.

Passons à l’adjectif vocal. En français, il n’a qu’une seule signification : « relatif à la voix ». Par exemple, « les cordes vocales », « des exercices vocaux », « une boîte vocale ». Le mot anglais vocal a également ce sens, bien sûr, mais il en a aussi beaucoup d’autres tels que « bruyant » (« a vocal crowd »), « puissant » (« a vocal lobby »), « actif » ou « revendicateur » (« a vocal minority »).

Pour reprendre l’exemple cité au début de cette chronique, l’expression « des protestations vocales » signifie unique- ment que ces protestations s’expriment par la voix, peu importe qu’elles soient bruyantes comme celles d’un écureuil irrité par une présence étrangère ou discrètes comme celles d’un chat que l’on dérange pendant qu’il mange son repas.