S’efforçant d’épanouir la pensée critique de ses élèves, Pascal Ybanez se sert du quotidien et du partagé comme tremplins de réflexion.

Depuis février 2023, le Collège Louis-Riel offre un cours d’introduction à la philosophie. Pascal Ybanez est enseignant d’histoire, d’éducation physique et de philosophie, février 2024 marque la deuxième session durant laquelle ce cours est donné.

Son objectif est simple, mais tout à fait essentiel. « L’objectif c’est d’accompagner l’élève dans son cheminement intellectuel, de générer des discussions de qualité et de maintenir leur curiosité intellectuelle tout en développant leur pensée critique. »

« Le fait de maintenir cet appétit, ce désir est un succès en soi », ajoute l’enseignant.

Témoignages d’élèves

Ces élèves ont certainement déjà trouvé leur compte dans le cours à ce niveau. « J’ai beaucoup aimé l’idée de voir des perspectives différentes des miennes et de voir ce que les autres pensent », explique Rhéa Shillinglaw, élève en 12e année.

Dans le cours, les amorces de réflexions sont variées, il est simplement question de choisir la bonne. « Comme ces élèves se lancent dans la philosophie pour la première fois, je m’appuie sur des accroches de leur vie quotidienne ou de leur culture, de notre culture en commun et en même temps je vais essayer de faire prendre un peu la greffe d’une culture philosophique. »

Récemment, le groupe est parti de certains points de référence mythologiques, se servant de Prométhée ou Icare. « À partir de là, il y a un référent commun et on peut philosopher. Si tu ne connais pas le mythe de Prométhée et que je commence à te demander de réfléchir sur le monde contemporain, l’écologie et la technique, tu vois, on finit comme Icare dans l’eau », lance Pascal Ybanez avec humour.

Ses élèves ont ainsi l’occasion de réfléchir sur leur monde tout en élargissant leurs horizons. « On se cultive beaucoup dans le cours de M.Ybanez,avecchaquethème qu’on aborde, on touche plusieurs nouvelles choses », explique Youssef Mounir, un autre élève de 12e année. En plus de la pensée critique et de la philosophie, le cours élargit la culture générale des élèves.

La pensée critique s’adapte

Un nouveau cours doit faire preuve d’adaptations, initialement, le cours devait comprendre plus d’écriture et de grandes dissertations. Cependant, les objectifs ont été adaptés. Selon Pascal Ybanez, « on est plus dans l’artisanat, c’est-à-dire que c’est vraiment l’idée de bien comprendre la question et de bien dégager la problé- matique ».

L’enseignant de philosophie a également choisi de braquer le projecteur sur l’expression orale.

« Je pense qu’aujourd’hui, en particulier, c’est une qualité indispensable à différents niveaux, soit dans l’espace privé ou dans la sphère publique, je pense que c’est à minima pour éviter beaucoup de malentendus. Et puis, avec tout ce qui se passe, post-vérité et conspiration, je pense que c’est important d’être capable de s’exprimer clairement. »

Rhéa Shillinglaw est admi- rative de cette approche et comprend l’importance de bien peser ses paroles : « M. Ybanez explique très bien, il sait ce qu’il dit et il veut vraiment dire ce qu’il dit. Ça m’encourage à moi aussi à être claire et précise dans ce que je dis ».

Rendre obligatoire la philosophie?

Le cours a été créé par Antoine Cantin-Brault, professeur de philosophie à l’Université de Saint-Boniface, Rémi Lemoine, l’ancien directeur du Collège Louis-Riel, et bien entendu Pascal Ybanez.

L’espoir reste d’en faire un cours obligatoire pour les élèves du secondaire au Manitoba. Pascal Ybanez souligne : « la philosophie, ça reste marginal dans la société canadienne. »

Cela dit, l’importance de la pensée critique et son développement sont revendiqués comme une responsabilité des écoles. « Pour moi, on parle d’esprit critique, développer la pensée critique à tout bout de champ. Mais derrière c’est une coquille vide. C’est-à-dire dans quel cours, réellement, on prend le temps de développer une pensée critique? », questionne Pascal Ybanez.

La réponse est simple, la philosophie est l’autorité première sur ce sujet. Ce n’est pas la faute des autres cours, «dans tous les cours, il y a un curriculum à boucler. Ce n’est pas possible d’uniquement toucher à la pensée sans y dédier un cours.

« Ces autres cours deviennent des simulacres de pensée critique, on colle une étiquette dessus qui dit : pensée critique, mais ce n’est que du vernis », ajoute l’enseignant.

Un espoir

L’avenir est encore incertain sur la question de rendre le cours obligatoire, bien que l’espoir persiste. « Enfin, on l’espère. Parce qu’il y a des élèves qui sont intéressés et des élèves bons d’un point de vue académique, qui ne le suivent pas puisqu’il n’est pas reconnu de la même manière dans les universités », poursuit Pascal Ybanez.

Néanmoins, il ne sera pas le seul à recommander les cours. Ses élèves le font déjà. Selon Youssef Mounir, « Tout le but de ce cours c’est de profiter des leçons à l’extérieur au cours, d’appliquer les valeurs que l’on apprend, d’articuler les réflexions qu’on a dans le cours dans notre quotidien. Je recommande aux autres de suivre le cours, la seule chose qu’il faut c’est un peu de curiosité. »