L’affaire change de propriétaires après trois générations dans la famille. Mais l’esprit restera bel et bien familial et francophone.
Après 114 ans d’existence, Brunet Monuments change de main. Dans les locaux de cette entreprise familiale, malgré l’heure matinale et les tasses de café encore chaud, l’ambiance est déjà au beau fixe.
Charles Brunet, qui travaille au 405 rue Bertrand « depuis que j’ai 14 ans », et sa femme Gisèle Brunet partent officiellement à la retraite après une carrière de près de 50 ans.
« Cet été, lance Charles Brunet, ça va être notre premier été libre. On va louer un chalet pour un mois et inviter toute la famille! Les enfants, les petits-enfants, on va avoir un grand party. » Gisèle Brunet elle aussi se réjouit de la perspective. « On n’a jamais pu se permettre de partir en voyage avec nos jeunes, alors là, on va en profiter. »
André Vrignon-Tessier devient le propriétaire
Cette fois-ci, au bureau massif qui trône à l’entrée du local, Charle Brunet est assis du côté des clients. C’est André Vrignon-Tessier qui est installé dans le fauteuil. En effet, c’est le jeune père de famille de 34 ans, qui est désormais le propriétaire de Brunet Monuments.
Et c’est un peu comme si André Vrignon-Tessier était destiné à prendre la relève. Charles Brunet se remémore : « il y a 35 ans, sa mère, Madeleine Vrignon travaillait pour moi en tant qu’artiste. On a fait de gros projets ensemble et un jour elle m’a dit qu’elle devait arrêter parce qu’elle était enceinte. En blaguant je lui ai dit ok bah du moins qu’il vienne travailler pour moi un jour là coudonc’. » Finalement en 2016, André Vrignon-Tessier commence à travailler pour l’entreprise Brunet.
« Comme garçon, j’ai toujours trouvé le métier intéressant, j’avais ça dans la tête. Je passais beaucoup de temps avec ma mère, beaucoup de temps ici et Gisèle et Charles sont des amis de la famille alors on se connaissait bien. Puis je voyais toujours les projets sur lesquels ma mère travaillait. Venir ici c’était naturel, explique-t-il. »
Le choix de se retirer
Charles Brunet est la troisième génération des entreprises Brunet Monuments.
« Mon grand-oncle a commencé l’entreprise en 1910, puis mon père a racheté la shop en 1950 et moi en 1990. J’ai géré la boutique pendant 34 ans, puis là, j’ai 65 ans alors. Je n’ai jamais pensé à prendre ma retraite, ça ne m’avait jamais traversé l’esprit puis là j’ai su. C’est le moment, avant que mon corps ne se détruise. »
Pour autant, si le choix de raccrocher sa veste s’est comme imposé à Charles Brunet, il parle encore avec beaucoup d’émotion de ses années au sein, et à la tête, de l’entreprise qui porte son nom.
« Je ne regretterais jamais le travail que j’ai fait pendant 50 ans. Ça toujours été une fierté pour moi », une phrase de son père, suivra le Franco- Manitobain tout au long de sa carrière : « Fais chaque monument, comme si c’était pour ta mère ».
Il ne s’agissait pas seulement de tailler la pierre ou le marbre. « J’ai adoré ça, c’était un travail qui était facile pour moi. C’était très enrichissant de travailler avec les familles, de leur donner un dernier aperçu de leurs proches, un dernier souvenir.
C’est quelque chose de spécial que d’être capable de rendre le sourire à une personne ou tout du moins la soulager un peu. »
La relève, en la personne d’André Vrignon-Tessier, partage cette vision très humaine de l’entreprise.
« On n’est pas des hommes d’affaires d’abord », Charles Brunet, qui lui fait face acquiesce d’un hochement de tête.
« Je pense que nous sommes d’abord des artistes, des membres de la communauté qui souhaitent offrir un service. Notre but ce n’est pas de vendre mille monuments pour remplir des quotas. Ce n’est pas ça l’histoire, on essaie de faire des chefs d’œuvres pour chaque famille. »
La relève
Ce qui fait la particularité de Brunet monuments, c’est qu’il s’agit d’une entreprise familiale. Elle passe aujourd’hui d’une famille à une autre. André Vrignon-Tessier enfile les bottes de Charles Brunet et sa compagne, Rochelle Lynn Werry a pris celles de Gisèle Brunet.
Charles et Gisèle Brunet expliquent qu’ils ont eu l’occasion de vendre leur affaire à des « hommes d’affaires », mais « ça ne me tentait pas de léguer la shop a des gens qui ne souhaitaient que faire de l’argent, je voulais qu’on continue à faire de la beauté ».
Il apparaît clairement que les deux hommes partagent la même vision et les mêmes idéaux.
« C’est pour ça que je voulais qu’il achète, confie Charles Brunet. Et on est tellement soulagés qu’il l’ait fait. Au moins je n’ai pas peur que mon nom soit sali. »
Un autre point qui a joué en la faveur d’André Vrignon-Tessier, et bien c’est qu’il est francophone. Pour l’ancien propriétaire, c’était un pré-requis important.
« On a fait toute notre vie et notre travail quotidien en français. Nous sommes une institution francophone, c’est très important. André et Rochelle sont parfaits, on est fiers et on a confiance en eux. »
C’est donc l’esprit léger que les Brunet partent en retraite. Et avec tous les monuments du même nom qui jalonnent la ville de Winnipeg, « ce ne sera jamais fini pour Charles », intervient Gisèle Brunet. « Les jobs qu’on a fait pour la ville seront toujours là. »